Comment creer des arguments contraires

Par William Potillion @scenarmag

Pour Ronald B. Tobias, des arguments contraires sont le résultat d’une incompatibilité, d’une irréconciliabilité.
Des arguments contraires n’apportent pas de solution à un problème ou alors des solutions temporaires et pratiques qui peuvent fonctionner provisoirement mais le problème resurgira tôt ou tard.

Quels sont ces principaux problèmes qui ne peuvent trouver de consensus quant à leur solution :
l’avortement, l’euthanasie, la peine de mort, le divorce, l’incarcération, l’homosexualité, la vengeance, la tentation…
Vous voyez l’idée…

Considérons l’avortement. Deux arguments opposés : c’est mal parce que l’avortement est le meurtre d’un enfant à naître et c’est justifié parce qu’un enfant non viable ne pourra jamais vivre normalement.
C’est sommaire comme définition mais l’intérêt est de montrer qu’un problème est perçu selon des points de vue complètement différents, des points de vue irréconciliables qui n’apporteront jamais de véritables solutions aux problèmes même lorsque la justice prend des décisions en ce sens. Ces décisions seront d’ailleurs soumises à toutes sortes de controverses.

Chacun d’entre nous a ainsi son propre système de croyances, quelque chose est bien ou ne l’est pas et nous souscrivons à l’une ou l’autre position (on peut en changer mais généralement on se tient à la position choisie).
Cependant, en tant qu’auteur, vous ne pouvez imposer seulement votre point de vue. Si vous décidez d’aborder le problème de l’avortement, par exemple, vous devrez proposer une situation qui inclut des personnages porteurs des arguments pour chaque position sans privilégier l’une ou l’autre. Pour Ronald B. Tobias, si vous mettez en avant votre point de vue à travers vos personnages, vous écrivez de la propagande.

C’est réellement lorsqu’un personnage est entre le marteau et l’enclume, que les deux facettes du problème pèse sur lui comme un dilemme que vous écrivez une histoire et non un sermon (dixit Ronald B. Tobias).

Les deux arguments devront être crédibles avec des idées fortes pour chacun d’entre eux. Si vous créez un argument pour mettre en valeur votre point de vue, vous ne ferez qu’affaiblir le dilemme donc le personnage.
Si un point important est soulevé sur un côté du problème, vous devrez alors soulever un point opposé tout aussi puissant. Si vous ne le faîtes pas, votre lecteur verra à travers vous où vous voulez en venir et vous perdrez tout le bénéfice d’un conflit en en détruisant la source.

Vos arguments devront être fondés (ne négligez pas la recherche documentaire). Il faut qu’ils sonnent vrais et qu’ils soient possibles dans notre réalité. Conservons l’exemple de l’avortement et imaginons une jeune femme fervente catholique. Sa religion lui a appris que l’avortement était un péché mortel. Elle croit en cela jusqu’au tréfonds de son âme et pour elle, l’avortement est mal.

Notre jeune femme est enceinte. Mais ce n’est pas un enfant de l’amour. Elle a été sauvagement agressée et violée. L’enfant est l’enfant d’un viol odieux. Notre jeune femme hait chaque jour un peu plus cette vie qui grandit en elle. La simple pensée que cet enfant est l’enfant d’un violeur est plus qu’elle ne peut supporter.

D’un côté, sa religion à laquelle elle accorde beaucoup d’importance lui dit qu’elle sera damnée si elle avorte et de l’autre côté, cet enfant qui lui rappellera toujours ces horribles moments si elle le garde.
Les deux arguments sont logiques et parfaitement valables.
Comment peut-elle être sauvée ? Même si elle abandonne l’enfant, elle en sera toujours la mère et risque en plus de ressentir une nouvelle culpabilité.
Plus elle cherche une solution et moins il semble s’en dessiner une. C’est ainsi que l’on a une source de conflit véritable, poignante et susceptible d’emporter l’adhésion du lecteur.

 En effet, le dilemme doit remuer émotionnellement votre lecteur. Ce n’est pas votre rôle de dire à votre lecteur comment il doit agir s’il était dans les mêmes circonstances que notre jeune femme héroïne de notre histoire. C’est l’empathie que vous devez rechercher. Votre lecteur doit comprendre non seulement la complexité de la situation de la jeune femme mais éprouver ce qu’elle ressent par empathie.
Il doit comprendre qu’il n’y a pas de solution facile à son problème mais aussi appréhender sa situation et comprendre qu’elle souffre terriblement et que cela pourrait arriver dans la réalité.

Cette empathie est l’essence même d’un argument passionnant. Vous devez l’inclure dans la construction de votre histoire. Pour cela, vous devez développer une source de conflit (un dilemme, en fait) avec deux côtés qui s’excluent mutuellement et qui soient logiques, crédibles et surtout impérieux, qui touchent émotionnellement (à en tirer des larmes si vous nous permettez cette expression pour appuyer sur l’importance de l’empathie).

Le bien et le mal

Lorsque des arguments contraires s’opposent et qu’aucune solution durable n’existe pour les réconcilier, il est temps de se poser la question du bien et du mal.
Il existe un monde depuis la Genèse où le bien est le bien et le mal est le mal. Tout est blanc et tout est noir mais la réalité est teintée d’une infinité de gris. Nous avons appris à agir dans les différentes situations de la vie mais lorsque celles-ci surgissent dans nos vies, ce n’est jamais aussi clair ou facile.

Parfois, les circonstances nous obligent à revoir ce qui est bien et ce qui est mal. Nous nous sommes tous retrouvés dans des situations où faire ce qui est normalement bien s’est avéré mal et l’inverse est aussi vrai, faire ce qui est convenu comme mal s’avère en fait avoir été ce qu’il fallait faire.
Nous devons parfois dire un petit mensonge pour épargner les sentiments ou la sensibilité de quelqu’un, surtout quelqu’un que l’on aime. Si l’on n’avait pas agi ainsi, cela aurait pu prendre des proportions pire si l’on s’était contenté de dire la vérité. Après tout, la fin justifie les moyens.

Pour votre personnage principal, vous allez probablement lui imaginer un problème moral donc un besoin moral qu’il devra assouvir à la fin de l’histoire. Ce besoin moral qui consiste pour votre personnage à adopter un comportement correct avec les autres (à agir selon une éthique) ne dépend pas seulement des concepts traditionnels du bien et du mal.
Nous rencontrons tous des dilemmes moraux au cours de notre vie. Etudiez soit ceux que vous avez éprouvés soit en interrogeant autour de vous. Vous comprendrez que les besoins moraux ne sont pas des choses simples. Vos personnages n’en seront que plus perdus si vous tentez de leur faire adopter des solutions qui relèvent davantage du cliché que du travail d’auteur.
Tout fonctionne en nuances de gris. Les problèmes qui s’abattent sur nous et nos personnages sont de ceux qui défient notre intelligence et notre nature humaine.

Cependant, ces nuances de gris autorisent ce qui semblait inconciliable lorsque l’action n’est ni bonne, ni mauvaise.
De plus, nous sommes éduqués pour savoir ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Des règles, la vie en communauté, la loi décident arbitrairement de ce que nous devons faire et ne pas faire.
Mais les situations dans lesquelles nous nous trouvons (nous ou nos personnages) nous mettent en porte-à-faux avec ces préceptes moraux. Il en résulte un dilemme moral. Devons-nous obéir ? Ou devons-nous briser les règles parce que nous considérons que dans ce moment particulier, cela est la vraie solution ? Et comment savons-nous que cela est la juste solution ?

Quel que soit le système moral en vigueur dans votre histoire, quelle que soit votre approche, essayez de développer votre idée en créant une tension dynamique (il faut qu’elle respire tout au long de votre histoire) autour des arguments opposés et inconciliables. Soyez logique et honnête avec toutes les faces du problème que vous avez soulevé.