Genre : Drame (interdit aux -12 ans)
Année :2011
Durée :1h31
L'histoire :Lundi matin, Paul Wertret se rend à son travail, à la banque où il est chargé d’affaires. Il arrive, comme à son habitude, à huit heures précises, sort un revolver et abat deux de ses supérieurs. Puis il s’enferme dans son bureau. Dans l’attente des forces de l’ordre, cet homme, jusque là sans histoire, revoit des pans de sa vie et les événements qui l’ont conduit à commettre son acte…
La critique :
Cela fait un bon bout de temps que je ne me suis plus attelé à de nouvelles critiques de films en tout genre (je ne suis après tout qu'un pauvre étudiant surmené par le travail..), mais me revoilà aujourd'hui pour une nouvelle critique d'un film qui est passé inaperçu malgré une sortie plutôt récente. Film plutôt polémique et qui nous vient de la douce France perdue depuis un paquet de temps dans la création de films génériques, insipides, témoins de l'époque de la Nouvelle Vague, mais en beaucoup moins bien.
Attention, je ne cherche pas à descendre gratuitement le cinéma français mais on est forcé de dire qu'il a perdu de sa superbe depuis un bout de temps, s'engouffrant dans des comédies populaires absolument ridicules, des comédies dramatiques soporifiques et de tranches de vie dont on se fout royalement. Bien évidemment, on tombe chaque année sur de nouvelles pépites mais on éprouve quand même un sentiment de déception et de nostalgie à l'époque du cinéma de De Funès, Truffaut ou Carné.
Une de ces nouvelles pépites est justement ce film que je vais vous chroniquer ici : De Bon Matin. Et des films français polémiques et récents, il n'y en a pas beaucoup. Remercions donc Jean-Marc Moutout pour nous apporter un vent de fraicheur sortant des carcans habituels que je viens de dire précédemment. Je pourrais encore développer longtemps sur les causes du déclin du cinéma français mais je ne tiens pas à vous endormir. Donc commençons sans plus attendre.
ATTENTION SPOILERS : Paul Wertret est un employé comme les autres dans une banque comme les autres et mène une vie paisible en compagnie de sa famille. Malheureusement le quotidien de cette famille sans histoire va être bouleversé par une restructuration au sein de l'entreprise et Paul en fera les frais. Sombrant dans une rage intérieure, Paul se prépare à commettre le pire. Nous sommes invités à assister aux événements ayant mené Paul à cet acte. FIN DU SPOILER.
Comme j'ai l'habitude de le dire dans mes chroniques, nous voici face à un synopsis on ne peut plus attractif, mettant en exergue un employé lambda soumis aux contraintes d'une société gangrénée par le capitalisme sous forme destructrice et privilégiant le rendement à tout prix au mépris de l'être humain. Et l'avantage de ce film fait qu'il est parfaitement ancré dans son époque, témoignage d'une crise financière interminable et d'une économie liberticide et agressive. Le réalisateur met farouchement son doigt sur les conséquences de ce modèle de vie peu orthodoxe, à savoir la misère sociale et la destruction mentale qui en découle. Et Dieu seul sait que ces causes peuvent engendrer des conséquences souvent dramatiques.
Paul, qui a tout donné pour son travail, sera relégué comme paria et méprisé alors qu'il a toujours été irréprochable. Il est d'ailleurs intéressant de souligner que ce film est tiré d'une histoire vraie
La grande force de film est de nous questionner en permanence sur l'acte de Paul Wertret et le réalisateur parvient même à rendre les actes de ce meurtrier compréhensibles. Après tout, dans une époque où les restructurations sont aussi nombreuses que des chrysanthèmes dans un établissement de pompes funèbres, combien d'employés n'ont pas souhaité intérieurement pouvoir exécuter les personnes responsables de leur ruine financière et morale ??
Jean-Marc Moutout affiche donc un souhait se matérialisant en acte réel. Il y a donc derrière ce film une véritable dimension psychologique et morale car chaque personne aura un ressenti différent face à l'acte de notre meurtrier désespéré.
En ce sens, Jean-Pierre Daroussin, qui incarne Paul Wertret, demeure être un choix parfait car au delà de sa brillante interprétation, il a le physique de l'employé lambda et sans histoire. On a ici un film vrai et réaliste où aucune interprétation n'est mauvaise car tout est propice au réalisme et les dialogues demeurent parfaitement naturels et jamais téléphonés. On a cette impression d'assister en vrai aux coulisses des mesures restrictives au sein d'une entreprise.
D'autre part, le réalisateur instaure, malgré l'issue finale mise en tout début de film conférant donc une mise en scène particulièrement efficace à cette oeuvre, une certaine attraction voire même un climat de tension dans des dialogues quelque peu hostiles entre notre Paul et ses cadres supérieurs. Ceci dit, cette attraction est assez subjective car le film reste assez lent dans sa construction, mais d'un autre côté renforce ce sentiment de réalisme quant au quotidien de Paul.
On a donc affaire ici à une déconstruction chronologique mettant l'accent sur des évènements fortuits mais ayant une importance cruciale dans l'acte qui se produira. Le coeur de Paul sera donc mis à nu à travers cette réflexion intérieure sur ses souvenirs ayant précédé son accès de folie.
Au niveau esthétique, les décors sont volontairement banalisés et les cadrages tout comme la manière de filmer sont tout à fait classiques. Il n'y a ici aucune prise de risque dans la manière de filmer ou d'aménager les décors du film. Certains me diront que le réalisateur s'est contenté de verser dans le classicisme des drames français. En ce sens, il est vrai que ce drame reste dans sa mise en scène assez sobre mais le tout est rattrapé par une histoire franchement passionnante malgré certaines longueurs que pourraient éprouver quelques spectateurs. D'autre part, le film n'affiche aucune prétention dans ses dialogues.
En conclusion, Jean-Marc Moutout nous livre ici un drame poignant sur la dureté du travail et notre mode de vie sous le joug du diktat du sacro-saint argent en pointant du doigt les conséquences dévastatrices du capitalisme libéral et outrancier sur l'individu retrouvé abandonné au sein d'une société individualiste, anomique et repliée sur elle-même dans un climat de plus en plus anxiogène mais pas seulement. Comment un homme peut il être désespéré au point d'en arriver au meurtre ?
En ce sens, De Bon Matin est déjà un témoignage de notre époque tout comme La Loi du Marché en ciblant bien le problème central de notre société. Une chronique assez courte mais je ne vois rien d'autre à dire si ce n'est qu'il est bien recommandable sans être toutefois un chef d'oeuvre.
Ma note : 15/20
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