[CRITIQUE SÉRIES] : TRANSPARENT : Quand papa décide de sortir du bois

Par Fuckcinephiles

(Critique de la saison 1).
S'il y a bien un thème de prédilection qui se dégage aisément du travail de la scénariste et productrice Jill Soloway, c'est celui pourtant usé jusqu'à la moelle de la sacro-sainte famille Américaine, avec un net penchant pour les plus dysfonctionnelles et haute en couleurs d'entre elles. L'abordant sous toutes les coutures – ou presque -, complexe et torturée (Six Feat Under), bourgeoise et manipulatrice (Dirty Sexy Money) ou perturbée par une matriarche souffrant de trouble dissociatif de l'identité (The United States of Tara); Soloway a fait de la cellule familiale sa spécialité première, une obsession payante aux vues de son parcours jalonné de succès sur le petit écran.
Dès lors, il n'était pas étonnant de la voir débarquer début 2014, avec une première série créée par ses soins, produite par Amazon et correspondant parfaitement au genre qui avait bâtit sa renommée.

Avec Transparent, non seulement celle-ci touchait à un débat de société brûlant, le transgendérisme (une personne qui adopte une identité de genre différente de son sexe de naissance, sans forcément avoir recours à une opération chirurgicale pour changer d'appartenance sexuelle), mais elle s'offrait également une sorte de thérapie par l'image en rendant un hommage vibrant à son propre père, qui a opéré un coming-out transgenre. Dès son titre plus qu'évocateur, la série joue carte sur table avec son spectateur et lui annonce qu'elle parlera autant d'un parent transgenre qui livrera son destin sans filtre ni artifice, que d'une scénariste/créatrice qui dévoilera sa semi-autobiographie de manière tout aussi transparente.
Morton L. Pfefferma, est un professeur de science politique à la retraite qui décide du jour au lendemain de ne plus cacher ce qu'il est et de révéler son identité de femme trangenre à ses trois enfants désormais adultes.Décidé à devenir pour de bon Maura, il ne supporte plus l'idée de taire son secret qui le ronge depuis tant d'années, et veut enfin devenir lui-même. Un changement qui affectera radicalement le quotidien de sa famille...

Pour donner corps à son personnage principal, Soloway a fait appel à l'inestimable Jeffrey Tambor, véritable monument de la télévision US, qui trouve ici sans aucun doute, le rôle de sa vie (preuve en est le Golden Globes de meilleur acteur qu'il a reçu l'an dernier). Bouleversant de fragilité dans la peau de ce père de famille fatigué par sa vie secrète, ses souffrances intérieurs qu'il n'a jamais pu partager ou extériorisé, tiraillé par la peur d'être incompris, hait par ses proches et le monde qui l'entoure dont il désire plus que tout l'acception et le soutien; Tambor est le cœur vibrant de Transparent, ambitieuse fresque minimaliste au sein d'une famille intérieurement brisée, articulée comme une pluie de portraits vibrants et enlacés ou chaque personnage, du père aux trois enfants, ont été intérieurement affectés par un passé enfermé dans le mensonge.
Plus tourné vers la famille en un tout uni que sur le patriarche en lui-même, chargé émotionnellement sans pour autant sombrer dans la facilité du pathos de supermarché ou le voyeurisme dégoulinant, aussi follement drôle et divertissante que joliment attachante grâce une finesse d'écriture et un casting en tout point remarquable ; la série est un journal intime familiale au discours sincère et émouvant, une fable humaine à la fraîcheur inattendue, notamment grâce à son format court des plus malins.

Traitant autant du transgendérisme que des notions de tolérance, d'héritage et même de sexualité avec une maturité et une tendresse étonnante, Transparent ne juge jamais ses protagonistes mais épouse de manière crédible leur démarche pour accéder au bonheur. Porteuse d'espoir et définitivement indispensable pour tous les sérievores, la série est sans doute possible, le cheval de Troie solide – au même titre que Mozart in The Jungle – pour permettre à Amazon Studios de légitimement imposer sa présence dans l'univers du petit écran ricain.
Jonathan Chevrier