Trente ans après que les Rebelles aient pris le dessus sur les forces de l’Empire et que Palpatine ait subi un lifting fatal, on aurait pu penser que les habitants de la très lointaine galaxie de Star Wars vivent enfin des jours heureux. Eh bien non, car figurez-vous que Luke Skywalker, le dernier chevalier Jedi, a disparu. Il a tout plaqué du jour au lendemain pour partir dans une retraite spirituelle on ne sait où. Et pendant ce temps-là, le reliquat des fidèles de l’Empereur, boostés par un tout nouveau Sith 3.0, ont pu reprendre du poil de la bête et relancer leur grande idée d’une Etoile de la Mort capable de détruire planètes et systèmes solaires, dans le but de dominer la galaxie.
Evidemment, la Princesse Leia, appelée désormais le général Organa, orchestre la rébellion. Mais, ses troupes se réduisant de jour en jour, elle aurait bien besoin de son grand frère pour lui filer un coup de main (façon de parler, évidemment, vu que son père lui en a coupé une dans l’épisode V…). Elle envoie son meilleur pilote (Oscar Isaac) et son droïde dernier cri, le sympathique BB8, rechercher des indices sur la localisation de Luke Skywalker.
Rassurez-vous, on ne va pas vous gâcher le plaisir et vous raconter toute l’intrigue de cet épisode VII. Ce que nous venons de dévoiler tient dans le texte déroulant oblique, qui, comme d’habitude, sert d’ouverture à un épisode de Star Wars, avec le célèbre thème de John Williams en fond musical.
On dira juste, quand même, que l’intrigue ne dépaysera pas les fans de la saga puisqu’il s’agit d’un cheminement très proche de l’épisode IV : décors assez proches, péripéties similaires, avec, heureusement, quelques variantes.
Certains ne manqueront pas de critiquer le manque d’originalité du scénario qui, à défaut de la caution de George Lucas, a pourtant celle de Lawrence Kasdan, coauteur de L’Empire contre-attaque. D’autres se montreront encore plus offensifs, fustigeant le choix artistique paresseux de J.J.Abrams, coupable à leurs yeux d’avoir caressé les fans dans le sens du poil en leur donnant ce qu’ils attendaient, un spectacle truffé de références à la saga originale, au détriment de l’innovation et du cinéma.
Ce n’est pas notre cas. Nous n’avons pas du tout été gênés par cette volonté de coller au plus près à la structure de l’épisode IV. Bien au contraire, nous trouvons la manoeuvre plutôt habile…
Déjà parce qu’économiquement parlant, le choix est judicieux. En opérant une sorte de retour aux sources, la production rassure les fans de la première heure quant au respect des canons de la saga et les place d’emblée dans un environnement familier. “On est à la maison!” comme le dit Han Solo (Harrison Ford) à son vieux complice Chewbacca (Peter Mayhew) lors de leur apparition dans le film. Car ils sont bien évidemment de la partie, tout comme la Princesse Leia (Carrie Fisher), les droïdes C3PO et R2D2 et bon nombre de grandes figures de la Rébellion (le Général Ackbar, Nien Nunb…). Le fan se sentira parfaitement à l’aise dans cet environnement. Mais les néophytes ne sont pas oubliés pour autant. Le but est de fidéliser également un public différent, plus jeune, en imposant de nouveaux personnages. Et force est de constater que les scénaristes nous ont gâtés, tant les nouveaux venus possèdent un beau potentiel scénaristique.
A en croire cet épisode, il semblerait que le personnage central de la troisième trilogie est une femme. Rey (Daisy Ridley) est une pilleuse d’épaves qui végète sur la planète Jakku. Elle se retrouve brusquement embarquée dans un affrontement qui la dépasse, entre la Rébellion et le “Premier Ordre”, né sur les cendres de l’Empire, et se découvre un goût et un talent insoupçonnés pour les aventures galactiques.
Il y a aussi Finn (John Boyega), un stormtrooper plus finaud que les autres qui réalise qu’il n’a pas vraiment envie de servir de chair à canon pour des assassins sans scrupules. L’enjeu est de savoir s’il va fuir vers une galaxie plus clémente ou se rallier à la Rébellion.
Enfin, on ne peut s’empêcher de craquer pour BB8, le droïde nouvelle génération, aussi espiègle que son ancêtre R2D2.
Côté obscur, les attractions se nomment Snoke (Andy Serkis), le leader du Premier Ordre, et son disciple, Kylo Ren (Adam Driver). Ce chevalier Jedi entend bien marcher sur les traces de Dark Vador, son idole, dont il s’est d’ailleurs inspiré pour façonner son armure. Mais, à l’inverse de son illustre prédécesseur, il se distingue par une tentation certaine pour le côté “lumineux” de la Force et semble en permanence lutter pour rester loyal aux forces du Mal. Cette configuration laisse augurer quelques beaux rebondissements pour les épisodes à venir…
On est d’autant plus confiant que la production, contrairement à ce que l’on aurait pu craindre avec l’estampille “Disney”, ne cherche pas à édulcorer l’univers de Star Wars. Le Côté Obscur pille et tue des villages, détruit des planètes et des galaxies. Après la déculottée subie sur la Lune d’Endor face aux Rebelles et aux Ewoks (la honte!), ce qui reste de l’Empire contre-attaque et entend bien faire très mal à ses opposants, à commencer par les héros . Autant prévenir, il y aura du sang et des larmes d’ici à la fin de cette nouvelle trilogie…
Grâce à cette fidélité à l’esprit original, en posant les bases d’un nouveau récit dense et complexe et en faisant cohabiter figures historiques et newbies charismatiques, Le Réveil de la Force ne peut qu’inciter les spectateurs à aller découvrir ses deux suites (en 2017 et 2019) et donc de faire le plein d’entrées à chaque fois. Habile, on vous dit…
L’idée de coller au script du premier opus se justifie aussi par le sous-texte politique voulu par J.J.Abrams.
Le “Côté Obscur”, qui véhicule la haine et la peur de l’Autre, a toujours constitué une parabole des régimes totalitaires qui ont sévi au cours du XXème siècle. La construction similaire entre l’épisode IV (Un nouvel Espoir) et l’épisode VII (Le Réveil de la Force) indique que l’histoire est un éternel recommencement, et qu’il est impératif de rester vigilant face à la montée des idées fascistes, de se révolter contre la “tentation du côté obscur”.
Même si cela n’est sûrement pas volontaire, les spectateurs français s’amuseront probablement de l’indicatif des matricules donnés aux stormtroopers du “Premier Ordre”, qui correspond aux mêmes initiales qu’un parti d’extrême droite local…
Le film aborde aussi, indirectement, la question des enfants soldats, puisqu’il semblerait que lesdits stormtroopers soient des jeunes gens arrachés à leur famille pour être programmés pour tuer.
Reste à voir si les scénaristes vont continuer le récit en se calquant sur la structure de la première trilogie ou s’ils vont explorer d’autres voies. On croise les doigts très fort pour la deuxième option, car même si L’Empire contre-attaque demeure un petit bijou de construction narrative, avec ce qu’il faut de rebondissements et de moments dramatiques, on souhaiterait se laisser embarquer dans une histoire différente, toujours plus sombre et tortueuse. Après plus de trente ans d’attente, les scénaristes nous doivent bien cela…
Cela dit, le scénario ne fait pas tout. Devant un Star Wars, le spectateur exige sa dose de grand spectacle et de duels au sabre laser, d’effets spéciaux et de combats spatiaux, de cris de wookies et de bips de droïdes, d’humour et d’amour, d’action et d’aventures… Et de ce point de vue là, Le Réveil de la force remplit parfaitement son office. La mise en scène de J.J. Abrams est plutôt efficace et, malgré les codes propres au genre et à l’univers Star Wars, il parvient à apporter sa touche personnelle à l’oeuvre, faisant souffler un vent de fraîcheur sur la saga, après trois épisodes “vampirisés” par George Lucas.
Seul bémol, mineur, les séquences dans l’espace à proprement parler sont assez rares, même si le film recèle de belles séquences de bataille entre les chasseurs Tie du Premier Ordre et les X-Wings des pilotes Rebelles, à la surface des planètes visitées…
De toute façon, bien vaine cette critique est puisque voir le film sans doute tu iras (si ce n’est déjà fait). Le pouvoir d’attraction d’un film Star Wars est trop intense, surtout après dix ans d’attente, voire plus, pour ceux qui n’ont pas adhéré à la prélogie de George Lucas.
Alors, on vous souhaite juste un bon spectacle. Et que la Force soit avec vous…
Star Wars VII : The Force awakens
Réalisateur : J.J.Abrams
Avec : Daisy Ridley, John Boyega, Adam Driver, Harrison Ford, Peter Mayhew, Carrie Fisher, Andy Serkis, Mark Hamill, Oscar Isaac
Origine : Etats-Unis
Genre : Pouvoir de la Force
Durée : 2h16
date de sortie France : 16/12/2015
Contrepoint critique : Sciences & Avenir