Sous-genre de l’horreur : le zombie (1)

L’horreur se subivise en plusieurs sous-genres bien délimités et il est important qu’un auteur qui souhaite s’approcher de l’horreur ait une compréhension des codes qui régissent ces sous-genres et les aspects sous-jacents de chacun d’entre eux.
Ce premier article porte essentiellement sur le zombie.
La nature même de l’horreur permet de distinguer

  • Le mort-vivant dont le vampire et le zombie sont les principaux représentants.
  • Les monstres.
  • L’horreur psychologique.
  • Les démons, les possessions (y compris celles des enfants).
  • Le surnaturel et ses histoires de fantômes, d’objets ou de lieux hantés et les poltergeists.
  • La sorcellerie et les malédictions.
  • Les lycanthropes et toutes les métamorphoses horrifiques des corps.
  • La science sous son aspect le plus sombre pour l’humanité.
  • Le slasher et ses tueurs psychopathes.

Le mort-vivant : le zombie

La nature humaine a toujours été fascinée par l’après-vie. Des religions ont été fondées sur la croyance d’une vie après la mort. Pour l’amateur du genre de l’horreur, ce qui est intéressant reste cependant ce qui sort de sa tombe pour s’en aller s’abreuver de la vie de pauvres victimes.

A la fois vivant et mort, dans un état de décomposition avancée (parfois visuellement très beau), le non mort est l’abjection pure.
Dans La Nuit des morts-vivants (Night of the living dead) en 1968, George Romero en a fait des masses titubantes mûes seulement par le besoin de se nourrir.
Notez cependant que le zombie chez Romero n’est qu’un prétexte pour une satire politique et sociale. Cette histoire et ses suites ont inspirées de nombreux auteurs dont les œuvres se sont révélées d’ailleurs très originales pour nombre d’entre elles dont Shaun of the dead de Edward Right et Simon Pegg.

Il semble d’ailleurs que le zombie possède une capacité pour nombre d’allégories  essentiellement critiques. Le zombie de la culture populaire et de la fiction est assez différent de celui de ses origines dont les racines puisent à la source de la culture vaudoue (Afrique, Haïti). C’est à partir de 1915 et de l’occupation de Haïti par les Etats-Unis que le personnage du zombie a été introduit dans le patrimoine culturel américain.

Doit-on considérer le zombie comme un monstre ? Nous ne le pensons pas. La créature de Frankenstein est davantage un monstre qu’un mort-vivant, par exemple.
Ce serait ainsi déconsidéré le zombie si nous le traitions de monstre dans un scénario. La fiction, cependant, en a fait une menace très populaire.

Nous disions que le zombie de fiction était fort différent de celui de la culture vaudoue. Ce dernier est un mort réanimé par un sorcier (terme générique pour désigner ces prêtres et autres officiants que les traditions religieuses distinguent du commun des mortels).
Donc, quelle signification symbolique ou quelles possibilités narratives ont permis au personnage du zombie de connaître un tel succès ?

Pourquoi le zombie est-il si intimement lié à l’horreur ?

Il y a bien sûr ce comportement si typique du zombie à s’alimenter de chair fraîche et pour cela d’abattre au préalable ses victimes. Cela provoque indéniablement une répulsion viscérale.
Mais plus précisément ?

Le zombie est une menace d’abord parce qu’il est un tueur mais il n’est pas le seul : les monstres (les requins, par exemple), les serial killers et les pandémies (et leur incarnation virale) sont tout autant décrits comme tuant et dévorant chacun à leur façon leurs victimes.

Le zombie semble assurément une version monstrueuse de l’être humain mais d’autres formes rivalisent avec lui : les vampires, les loups-garous, les mutants.
Le zombie menace l’avenir de l’humanité. Il est un élément majeur de la fin des temps mais d’autres menaces telles les astéroïdes ou les fléaux ont le même but. De plus, le zombie n’est en rien une catastrophe naturelle et l’homme est souvent à l’origine de ses propres fléaux et donc la main même de sa propre destruction.

Le mort-vivant a la particularité de faire des adeptes. En effet, les victimes du zombie deviennent à leur tour une créature semblable mais c’est aussi ce que font les lycanthropes et les vampires. Cependant, ces derniers provoquent moins d’effroi et de révulsion que le zombie. Ils sont en effet plus puissants, plus intelligents et ont ce petit quelque chose qui provoque l’empathie.
Une créature aussi stupide qu’un zombie condamnée à errer sans but sur une terre ravagée et désertique est beaucoup moins attractif.

Ce qui distingue le zombie et qui en fait une menace si particulière et populaire est que cette menace de forme humanoïde est synonyne de fin de la civilisation en transformant chacun d’entre nous en eux.
Les virus ou les astéroïdes ne sont pas humains et les autres monstres contrairement au zombie n’ont pas la domination du monde comme une fin en soi.
Le zombie pourrait alors être considéré comme un substitut fantastique et un symbole pour toutes mouvances religieuses extrémistes et ses applications historiques telles l’Inquisition.

La popularité du thème du zombie pourrait aussi être la concrétisation d’une vieille peur universelle : celle de l’autre, de l’étranger.
En 1932, Les morts vivants (White Zombie) de Garnett Weston (le premier film à mettre en scène des zombies à la sauce vaudoue) propose au-delà du mélodrame une menace de l’autre sous l’angle racial.
La guerre froide au cours des années 1950 privilégiait l’extraterrestre comme image de l’autre pour concrétiser une peur de l’invasion.
L’évolution des mœurs et des peurs afférentes permit à Bruce LaBruce de sortir Otto; or, Up with Dead People en 2008 où l’autre par le truchement de l’homosexualité est une menace.

En 2005, Le Territoire des Morts (Land of the Dead) de George A. Romero affine le concept du zombie en lui apportant une proximité dont il était jusqu’à présent dépourvue. Nos connaissances (amis, voisins, famille) sont une menace beaucoup plus subtile et concrète que l’étranger de passage. Romero a même plaisanté en précisant que ses zombies étaient simplement des voisins.

Lorsqu’il est demandé à Peter ce que sont ces zombies (appelés ghouls qui signifie goule, une créature pourtant différente du zombie), celui-ci réponds :
They’re us. That’s all
Elles sont nous. C’est tout.
Il n’y a rien de bien sophistiqué ou mystérieux sur les zombies. C’est probablement la raison pour laquelle Romero ne traite que superficiellement les possibles explications de leur présence : ils ont toujours été là, après tout.

En fin de compte, que procure cette proximité ? que l’être humain est une menace pour lui-même bien plus fatale que l’autre, l’étranger. Le zombie serait alors notre propre reflet. C’est une explication beaucoup plus psychologique que des raisons pseudo scientifiques ou des pandémies virales beaucoup moins crédibles et qui n’apportent que peu du point de vue narratif. Richard Matheson dans Je suis une légende a la même approche.

D’ailleurs, dans La nuit des morts-vivants (Night of the dead) en 1968, Romero confondait déjà l’identité des morts et des vivants. Il ne s’agissait pas d’évoquer la terreur d’un inconnu autre mais la peur que des personnes de confiance et intimes pouvaient susciter en nous.
Avec La nuit des morts-vivants (œuvre fondatrice du mythe moderne du zombie), la confusion quant à savoir ce qui est zombie et ce qui est vivant est un problème permanent et entre dans la caractérisation des personnages.
Les êtres humains sont davantage une menace les uns pour les autres que les zombies. Le danger des zombies serait facilement surmontable si seulement les sept personnages pouvaient coopérer mais non, ils se battent non seulement contre les zombies mais aussi et surtout entre eux. Cela est d’ailleurs renforcé par le fait qu’il n’y a aucune tension, ni désaccord parmi les zombies.

Les relations entre les vivants sont basées sur la peur, la méfiance, la suspicion et un désir de pouvoir en prenant la tête du groupe ce qui conduit évidemment à des résultats désastreux. De l’autre côté, les zombies apparaissent coopératifs, amicaux entre eux et restent concentrés comme un seul homme sur leurs ennemis vivants.
Concernant cette approche du zombie, la menace ne serait donc pas extérieure mais intérieure.

Dans Zombie (Dawn of the dead) en 1978, Romero introduit une notion qui ne figurait pas dans La Nuit des Morts-Vivants. Les zombies ont un reste d’humanité dans les quelques souvenirs qu’ils possèdent encore de leur précédente existence. Leurs comportements sont ainsi imprégnés de leurs souvenirs.
C’est pour cela que le centre commercial est encombré de zombies. Ce centre était un lieu important pour tous ces gens et ils y sont retournés naturellement. Romero intensifie aussi cette part d’humanité résiduelle lorsque le point de vue adopté lors des combats est celui des zombies. Romero va même jusqu’à montrer chez Fran et Roger une sorte de sympathie envers les zombies : ceux-ci sont montrés (certes fugacement) comme des êtres en souffrance et non comme un simple amas de chair sans conscience.
Et tout ce développement autour du mythe du zombie ne gêne en rien le message de Romero dont l’histoire se veut une critique acerbe de la société de consommation.

A la fin de l’histoire, bien en accord avec sa vision satirique, Romero montre le centre commercial seulement occupé par des zombies chancelants et en paix regardant avec convoitise tous ces objets qu’ils possèdent maintenant même s’ils n’en ont plus aucun usage.
Joe Dante dans l’épisode 6 de la première saison de Masters of Horror (Homecoming) utilise ainsi les morts-vivants pour une satire sociale en faisant voter des soldats morts pour combattre une réélection aux Etats-Unis.

En 1985, George A. Romero continue sur sa lancée avec Le Jour des morts-vivants (Day of the dead). Il y introduit cette fois Bub, un mort-vivant capable d’émotions humaines et qui semble bien plus humain que les humains qui l’entourent. Ces derniers sont encore plus dégénérés que dans ses deux histoires précédentes.
Les militaires sont montrés sous leur plus mauvais jour avec force actes de violence, les scientifiques sont plus cléments envers les autres mais le traitement qu’ils réservent aux zombies atteint un niveau de sadisme rare chez Romero.
Il faut noter un point de vue intéressant dans Day of the dead : alors que Bub est capable de se contrôler et de ne pas se précipiter sur le premier vivant pour le déchiqueter, les humains sont capables de torturer pendant des jours et faire peser tout leur soit-disant intellect pour trouver de nouvelles façons de faire perdurer le tourment. C’est le moins humain des deux qui s’avère le plus civilisé en fin de compte. Nous sommes maintenant non plus à une idée de reflet de l’âme humaine dans l’image du zombie mais plutôt à une espèce non humaine qui évolue vers sa propre humanité alors que l’humanité se dégénère inéluctablement vers sa fin (qu’elle orchestre elle-même). Comme le fait remarquer John, peut-être est-ce la nature humaine qui veut çà.

Ainsi, très peu d’histoires mentionnent la culture vaudou pour parler des zombies – il faut cependant se souvenir de Vaudou (I walked with a zombie) de Jacques Tourneur en 1943 et le mythe du zombie serait alors employer comme allégorie pour aider à faire passer une critique souvent sociale.
La menace zombie cependant est beaucoup plus pertinente et efficace lorsqu’elle est proche c’est-à-dire lorsque ce sont des membres de sa famille, ses amis ou ses voisins qui sont atteints et menacent directement l’intégrité physique du héros.

Le remake de Dawn of the dead en 2004 (L’armée des morts de Zack Snyder écrit par James Gunn) propose une séquence d’ouverture très éprouvante lorsque Ana et son petit ami sont attaqués par la fille de leurs voisins devenue un zombie. Au-delà du choc pour le spectateur, c’est surtout la preuve que Snyder a bien compris les intentions de Romero.

Si vous avez l’intention de créer des zombies dans vos scripts (si du moins vous ne souhaitez pas aborder l’aspect vaudou), nous vous conseillons de respecter cette relation intime entre les zombies et vos autres personnages. La violence des sentiments y est plus forte, les réactions sont plus intenses. Vous devez parvenir à faire ressentir comme avec Romero ou Snyder que la menace est intérieure au groupe de survivants. Elle ne menace pas le groupe de l’extérieur, le problème est le groupe lui-même. Et vous pouvez la transcrire à travers une relation intime qui prend fin ou à de l’égoïsme, par exemple. Tout ce qui perturbe les relations à l’intérieur d’un groupe ou d’une communauté est appelé à détruire le groupe.

Une autre icône parmi les non morts est le vampire. Bien qu’œuvrant dans un univers souvent merveilleux c’est-à-dire un monde où la normalité relève du domaine merveilleux (l’étrange est normal contrairement à notre réalité), le vampire encore et toujours se prête bien à toutes sortes de métaphores sans jamais qu’elles n’aient un goût de resucée.