Faisant suite à nos deux articles précédents, Das Reich, une division SS en France et Résistants, collabos, une lutte à mort, nous continuons d’explorer le coffret des éditions ZED consacrée à la Seconde Guerre Mondiale. La fascination des femmes pour Hitler, en voilà un titre racoleur, est un documentaire d’André Annose, promettant de décortiquer les relations entre les femmes et le pouvoir hitlérien. S’il faut évidemment faire l’histoire du côté des opprimés, du côté des minorités, et donc du point de vue des femmes, n’est pas Howard Zinn qui veut. Le reportage que nous avons vu, malgré quelques points intéressant, verse parfois dans l’essentialisation hasardeuse et le documentaire people.
Avant son irrésistible ascension à la tête de l’Allemagne, Adolf Hitler était un jeune homme timide et réservé dont la vie sentimentale, réduite à peau de chagrin, était miséreuse. Avec son assurance politique, il va prendre confiance mais poursuivra des relations chaotiques. Sous sa dictature, les femmes deviendront un point central de son programme sans que, naturellement, on leur confie une quelconque responsabilité.
La fascination des femmes pour Hitler expose plusieurs grandes lignes du programme nazi en se qui concernent la gente féminine. Comme tous les régimes fascistes et conservateurs, il sacralise la femme au foyer. La femme ne devient qu’une matrice apte à concevoir les hommes et les femmes idéalisés de demain. Dans ce domaine, le troisième Reich pousse le bouchon très loin en instituant des établissements, les Lebensborn, qui accueille les femmes aryennes de modestes conditions pour qu’elle puisse accoucher anonymement et confier leurs rejetons à la nation. Entre neuf mille et douze mille enfants y serait nés. De nos jours, de nombreux allemands ne savent pas qu’ils en sont les descendants. Ironie suprême, preuve de la bêtise eugéniste, les Allemands ouvrirent surtout des Lebensborn en Norvège, déçu que les Allemandes donnent peu de blond aux yeux bleus. En dehors de cette institution, Hitler entame une politique nataliste où il exhorte les femmes à procréer. Dans l’optique nazie d’obtenir un homme nouveau, il encourage également les femmes à être sportive. En parallèle, aucune femme ne sera promu à un rôle politique au sein de son gouvernement. Seule Magda Goebbels fut mise en avant par le régime, mais toujours comme mère idéale. Sur les photos de propagande, toujours élégante, elle incarne la femme allemande au foyer ainsi que la mode à suivre. On la surnomma ainsi « La première dame du Reich ».
Le Führer se consacrant à la Patrie, dans un délire quasi-messianique, il refusa d’officialiser une quelconque relation amoureuse. C’est ainsi que le peuple allemand ne connut l’existence d’Eva Braun qu’au lendemain de la guerre. C’est autour de cet aspect que le documentaire vire au voyeurisme sensationnaliste. Ainsi, collant tout à fait avec les films d’exploitations des sixties qui firent de la nazixploitation un drôle de lieu où l’on trouvait des scénarios éroticomiques pervers et salaces, André Annosse nous informe que ce brave dictateur eu une relation sadomasochiste avec sa nièce qu’il séquestrait, ivre de jalousie, puis qu’il quitta brusquement, et que celle-ci mit fin à ses jours. Si l’anecdote ne surprend quasiment pas tant on n’en attend pas moins de l’ignoble personnage, le traitement fait par le documentaire semble être là dans le seul but de rajouter du sordide dans l’horreur. Une autre séquence montrent des femmes hystériques acclamant le tyran comme des adolescentes auraient pu le faire à un concert des Beatles ou des One Direction. On semble nous dire, et c’est l’essence du titre, que les femmes, plus particulièrement, étaient fascinées par Hitler. Pourtant, il est aisé de trouver les mêmes scènes avec des foules d’homme. Malgré tout, cet épisode du documentaire éclaire comment une foule peut être trompé par d’habiles propagandiste. Hitler, qui était petit et brun, est décrit par une femme de l’assistance comme un grand blond. Elle l’assure l’avoir vu de près. Quant à Eva Braun, pour en revenir à elle, elle n’est décrite que comme une ingénue passant des vacances agréables sans se soucier de l’homme qu’elle fréquente et qui l’entretient. Seule une vidéo où on la voit à converser avec Himmler laisse sous-entendre qu’elle en savait plus que ça.
Eva Braun
La fascination des femmes pour Hitler nous a laissé pantois, mélangeant maladroitement l’adhésion populaire au troisième Reich et les spécificités nazies à propos du droit des femmes, sous-entendant souvent que les femmes furent les premiers soutiens du régime. Une affirmation douteuse dont on ne voit guère la résonance historique et dans laquelle se perd le documentaire au lieu de s’attarder sur ce qu’il ne fait que survoler, à savoir le rôle des femmes tels que voulue par les nazis plutôt que l’admiration supposée de celle-ci pour le charisme d’un dictateur. On se serait bien passée de l’explication freudienne basée sur l’hystérie de ces dames à qui André Annose ôtent tout esprit critique pour en faire des fans manipulées ou des outils de plaisir, formulant « les femmes » comme une catégorie hermétique et uniforme.
Boeringer Rémy