Il arrive souvent que des films décevants en salles trouvent une nouvelle vie quand nous avons enfin la possibilité de les retrouver dans leur version initialement vue par le réalisateur. C’était le cas pour le Kingdom of Heaven de Ridley Scott, ce l’est également pour le Alexandre d’Oliver Stone maintenant disponible dans un final cut épique et passionnant !
Mais un film pareil n’est pas si simple à monter, d’autant plus qu’Oliver Stone en a une vision particulière et sa personnalité et celle de son héros vont avoir du mal à convaincre les grands studios américains. Le film trouvera donc des financements partout dans le monde dont une partie chez Warner aux Etats-Unis et une autre chez Pathé pour la France. Cela n’empêche toutefois pas les stars de s’investir dans le film avec un Colin Farrell alors en pleine ascension à Hollywood dans le rôle titre, Angelina Jolie dans celui de sa mère possessive, Val Kilmer (qui retrouve le réalisateur plus de 10 ans après the Doors) dans celui du père infidèle mais aussi Jared Leto en amant transi, Rosario Dawson en femme déçue ou encore Anthony Hopkins en narrateur.
Le film sortira sur les écrans en janvier 2005 et les critique ne seront pas tendres. Il faut dire que le film est assez charcuté. Vu comme un film boursouflé qui oublie tout le génie militaire d’Alexandre pour s’intéresser à son rapport ambivalent avec ses parents, personne n’accroche à cette vision psychologique qui tranche avec les péplums vus depuis le retour du genre avec Gladiator. Trop long, trop de bavardage avec un montage linéaire qui se révèle sans surprise et est à la limite de rendre le personnage légendaire ridicule (tout le monde ne retient que la perruque blonde de Colin Farrell plutôt que ses débats intérieurs). L’échec au box office est monumental.
Mais qu’à cela ne tienne, Oliver Stone aura quelque année plus tard l’opportunité de sortir en vidéo une version remontée du film (le revisited cut) qui obtient de bonnes critiques et se vend tellement bien que Warner offre au réalisateur l’opportunité de retoucher une dernière fois le film pour aboutir au montage qu’il avait bien prévu à l’origine et qui, aujourd’hui, change bien toute la vision du film par rapport à ce que l’on avait vu au cinéma, passant de péplum aux yeux plus grand que le ventre en véritable spectacle épique sur l’un des personnages les plus fascinants de l’antiquité et donc seule et unique version à voir.
En effet, le film est complètement réinventé et réorganisé. La bataille de Gaugamèles se trouve maintenant dans le premier quart du film avec un montage beaucoup plus sanglant et épique qui montre bien tout le génie militaire d’Alexandre. Puis le film s’organisera entre l’avancée du héros en territoire perse, libérant les peuples et adoptant leurs cultures tout en déjouant les pièges politiques qui se tendent à lui et en s’intéressant à ses sentiments pour Héphaistion puis sa femme Roxane, et des flashbacks sur son éducation, répondant parfaitement à ce qu’il vit actuellement. Ce parti pris audacieux permet d’avoir un récit bien mieux rythmé et rend le personnages bien plus intéressant et dévoilant ses facettes au fur et à mesure, jusqu’à sa grande chute en Inde lors d’une bataille qui virera littéralement au rouge sang.
Cette vision audacieuse et ambitieuse d’Alexandre le Grand est donc maintenant bien à la hauteur du personnage et le film, complètement différent, retrouve toutes ses lettre de noblesse. Avec tout ce travail accompli, Oliver Stone peut maintenant être heureux d’avoir réalisé le biopic qu’il souhaitait et qu’il peut enfin offrir au public et rester culte !