Un sujet beaucoup trop ambitieux pour Adam McKay, d’habitude aux commandes de comédies.
On attendait la sortie de The Big Short : Le Casse du siècle principalement pour son casting : Ryan Gosling, Steve Carell, Christian Bale et Brad Pitt réunis à l’écran n’est pas chose courante. Inspiré de faits réels, le film nous plonge dans la période précédant la crise des subprimes de 2008. En 2007, Michael Burry (Christian Bale), docteur en économie, prédit un éclatement de la bulle financière de Wall Street, bâtie sur des prêts bancaires frauduleux. Tandis que le trader Jared Vennett (Ryan Gosling) y voit l’opportunité d’accomplir « le casse du siècle » et de s’en mettre plein les poches, le banquier Mark Baum (Steve Carell) met tout en œuvre pour vérifier les dires de Burry, tout en protégeant ses intérêts.
Impossible de développer davantage le synopsis, tant l’intrigue est complexe et le nombre de personnages trop important pour y voir clair. En 1h50, le réalisateur Adam McKay (Very Bad Cops, Frangins malgré eux) tente de nous expliquer pourquoi la crise financière de 2008 est survenue. Programme trop ambitieux pour ce film qui utilise de lourds artifices, jusqu’à nous faire exploser le cerveau. La caméra, jamais stable, est horripilante dans sa manière de filmer. Que peuvent chercher le réalisateur et son chef opérateur à travers ces images saccadées, trop mobiles et qui ne laissent jamais le temps au spectateur de voir, de scruter ? Cela pose tout de même un énorme problème de cinéma !
A cette photographie hyperactive s’ajoute une frénésie de paroles. Au contraire de Margin Call (J.C. Chandor, 2011), qui s’emparait des côtés sombres et haletants des manipulations dont les traders sont coutumiers, The Big Short nous abrutit de sigles divers et variés, qui finissent par nous lasser. On ne comprend les manœuvres financières que par le biais des expressions des acteurs, qui, eux, semblent savoir de quoi ils parlent. Heureusement, leurs airs soucieux ou outrés nous indiquent que oui, effectivement, quelque chose de grave est en train d’arriver. Mais qu’il est fastidieux pour nous de suivre ces longs échanges, énoncés à la vitesse de l’éclair, nous annonçant l’apocalypse financier ! Que le film est bavard ! Plus il parle, moins on comprend ! Le vocabulaire utilisé par les personnages, mais aussi le monde dans lequel ils évoluent, sont opaques… et le restent malheureusement pendant tout le métrage. Le réalisateur nous noie dans les détails et les explications (sous-titres, métaphores plus ou moins bien senties). Comme si le sujet le dépassait, McKay fait des pauses pédagogiques. Les comparaisons qu’on utilise tout au long du film, d’abord drôles et rafraîchissantes, sont finalement lourdes et beaucoup trop nombreuses. Les apartés déclamés par Ryan Gosling, face caméra, tentent de nous impliquer dans ce monde calculateur indigne d’intérêt. Loin de nous y inclure, ces scènes en suspens nous excluent progressivement. Le débit de paroles des personnages, proche, on le sent bien, de la réalité, finit de nous achever. Quelques éclats de rire, momentanés, émanent du montage nerveux et survolté ou des réactions de certains personnages hauts en couleurs.
Parmi ces derniers, Michael Burry et Mark Baum sortent du lot. Christian Bale incarne le docteur en économie, millionnaire marginal aux pieds nus, génie féru de death metal. A l’opposé, le personnage de Mark, avec son air bonhomme et sa diction rapide, devient de plus en plus humain. Steve Carell, comme Bale d’ailleurs, cherche encore des rôles inédits. Tous deux constituent les seuls points forts du long métrage, et parviennent à donner de l’épaisseur à leurs personnages, atypiques et attachants. Quant à Ryan Gosling, il est certes excellent dans son rôle de trader cynique, mais ne sort pas des sentiers battus. On retrouve chez Jared Vennett beaucoup du personnage de spin doctor que l’acteur incarnait dans Les Marches du pouvoir (Georges Clooney, 2011).
On ressort donc de The Big Short avec la sensation d’avoir vu un mauvais documentaire. Bien que la seconde partie du film soit plus intelligible, difficile de s’intéresser au propos comme à la forme. Adam McKay, habitué aux comédies, a tenté de produire, sans succès, une indigeste notice explicative de la crise financière, en utilisant les codes qu’il connaissait bien. On ne rit pas vraiment, on n’apprend pas vraiment… on n’aime pas vraiment.
La Cinéphile Éclectique (http://carnetscritiques.over-blog.com/)
Réalisé par Adam McKay . avec Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling, Brad Pitt…
Sortie le 23 décembre 2015.