Un simple conflit

Un conflit simple peut être aussi puissant qu’un conflit compliqué : ce sont les réactions des personnages et leur manière de le résoudre qui fera toute la différence. Un conflit simple dépends davantage de l’intériorité des personnages (de leurs conflits internes, de leurs personnalités) alors qu’un conflit complexe se base plus sur l’extérieur, sur l’intrigue.
Un conflit simple puise sa source dans le passé. Il s’agit d’un incident inaugural qui ne cessera de hanter le personnage au cours de sa vie jusqu’à ce qu’il en fasse l’expiation.

Imaginons la biographie de votre personnage.
Alors qu’il était enfant, au cours d’un jeu innocent avec son frère, les deux garçons déclenchèrent un incendie dans leur maison.
Notre  protagoniste (nommons-le Damien) eut les mains brûlées ce qui le laissa avec des mains inutiles et affreusement marquées. Son frère y laissa la vie.
Leur mère qui avait, malheureusement pour Damien, une nette préférence pour son frère reporta tout le chagrin de cette perte sur Damien qu’elle accusa de la mort de son frère.
Comme si les cicatrices sur les mains de Damien ne suffisaient pas à rappeler ces moments douloureux alors que son frère et lui étaient tous deux responsables (ou bien innocents vu leur jeune âge) de cet accident terrible.

Un soir de Noël alors que Damien n’avait que 9 ans, Damien voulut offrir un dessin à sa mère. Vous pouvez imaginer qu’il y a passé des heures vu l’handicap de ses mains.
En approchant de sa mère, il renversa maladroitement un vase. Ce fut la goutte d’eau pour sa mère qui l’abreuva des choses les plus horribles qui soient en regrettant le jour de sa naissance et que ce soit lui qui ait survécu à l’incendie et non son frère. Rassemblant son courage devant ce déluge de haine, il lui remit cependant le dessin. Elle s’en empara et le jeta dans la cheminée parmi les buches enflammées en lui disant que le démon qu’il était devrait aller brûler en enfer comme son dessin.

Plus que l’expérience douloureuse de l’accident, c’est pourtant le rejet de sa mère au cours de cet incident de Noël qui sera fondateur d’un trait de caractère dominant chez Damien. En effet, à partir de ce moment-là, Damien va vivre toute sa vie avec cette opinion déformée qu’à sa mère sur lui.
Le mépris et le rejet de sa mère détermineront chez Damien la conviction non pas qu’il est un démon bien-sûr, mais plutôt qu’il est quelqu’un qu’on ne peut aimer. Le dégoût qu’elle avait pour lui, cet amour maternel qu’elle lui refusa affecteront toutes les relations que Damien établira à partir de ce moment précis.

Ce trait de caractère dominant chez Damien peut être ensuite illustré de différentes manières. Il peut être un être isolé, fuyant, refusant de croire en l’amour ou bien il peut devenir un être violent dès qu’il se sent rejeté. A partir de Damien et de son passé, vous pouvez écrire autant d’histoires différentes que votre muse vous le permet.

Cependant, cette blessure qui détermine le trait dominant dans la personnalité de Damien ajoute aussi à la contradiction du personnage. En effet, le Damien du début de notre histoire n’est pas un être complet, en accord avec sa nature profonde dénaturée par le rejet de sa mère.
Cela crée en Damien un déséquilibre, une fragilité, une vulnérabilité sur lesquels un quelconque méchant pourrait bien appuyer pour le blesser ou l’empêcher d’atteindre le but que vous lui aurez fixé. En quelques mots, ce défaut dans sa personnalité humanise le personnage de Damien.
A noter que cette faille est liée ici à un trait de caractère dominant, mais tous les traits ne sont pas nécessairement négatifs.

Donc à partir d’un conflit simple dont nous venons d’envisager ci-dessus une origine possible, ce conflit interne chez Damien prendra de l’ampleur au fur et à mesure qu’il grandira et sera de plus en plus prégnant pour alimenter l’intrigue jusqu’à ce que Damien parvienne à l’exprimer (généralement juste avant le climax).

Cet événement dans l’enfance de votre personnage qui lui laisse une telle cicatrice qu’elle marque à jamais sa personnalité n’a pas non plus à être totalement négatif ou une expérience dramatique. Si vous souhaitez que le trait dominant dans le caractère d’un personnage soit la malchance, vous pourriez inaugurer cette poisse par un événement amusant, voire comique.
Vous n’avez pas non plus l’obligation de mentionner cet événement dans votre histoire ou alors vous y faites rapidement allusion. Le travail ici consiste à définir votre personnage non à raconter une histoire. L’idée par exemple serait que votre personnage se sente toujours comme un chien dans un jeu de quilles dans toutes les situations où vous le placerez.
Vous aurez donc un conflit intérieur qui a convaincu le personnage qu’il était maudit pour être aussi maladroit et à partir de ce conflit simple, développez des conflits beaucoup plus complexes dans lesquels sa maladresse légendaire sera capable d’alimenter votre intrigue.

Cependant, bien que vous pouvez illustrer et faire comprendre à votre lecteur pourquoi votre personnage agit ainsi et pas autrement sans faire référence à son passé, votre personnage sera bien plus légitime et crédible si ses motivations sont révélées et explicitées.
Sa motivation (pour ne pas dire sa hargne ou sa rage) à atteindre son objectif sera mieux perçue si elle est soutenue par une explication liée au passé du personnage (et donc une information à donner au lecteur soit par des lignes de dialogue d’autres personnages, soit par d’autres techniques narratives telles qu’un flashback).

Le conflit toujours simple au départ doit être personnalisé et spécifique. Pour obtenir de puissants conflits, vous devez connaître vos personnages et ce qui les motivent. Etre ainsi intime avec ses personnages impliquent d’en connaître leurs histoires personnelles.

Si vous utilisez une force vague ou trop générale pour motiver votre personnage, vous ne produirez qu’une intrigue faible, sans relief, sans consistance. En étant très pointu avec vos personnages, vous augmenterez l’intensité émotionnelle de votre histoire. Le temps passé sur la biographie de vos principaux personnages est une technique gagnante.