Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd du film « Body double » de Brian De Palma en version restaurée.
« Je te présente ma voisine préférée »
Jack, jeune comédien au chômage souffrant de claustrophobie, quitte son appartement après avoir surpris sa femme avec un autre homme. A la suite d’un casting, il rencontre Sam Bouchard, aspirant acteur, qui lui propose d’occuper pendant quelque temps l'appartement d'un ami. Profitant de la vue panoramique, il observe sa charmante voisine, Gloria, dont il ne tarde pas à devenir fou amoureux. A force de l'épier, il assiste un jour à l'assassinat de la jeune femme...
« Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il y a quelqu’un qui vous suit depuis un moment »
Issu du cinéma indépendant, Brian de Palma débute sa carrière de réalisateur dès la fin des années 60 par des films à petits budgets (dans lesquels on découvre quelques jeunes comédiens débutants comme Robert De Niro) pour lesquels il se fait très vite remarquer. Il reçoit notamment l’Ours d’argent à Berlin en 1969 pour la comédie protestataire « Greetings ». De quoi lui ouvrir peu à peu les portes des studios hollywoodiens. Au cours des années 70, il réalise plusieurs films horrifiques ou du moins angoissants (« Carrie au bal du diable », « Obsession », « Furie », « Pulsions », « Blow out »), dans lesquels il développe ses thèmes de prédilections : l’obsession, la manipulation, la frustration sexuelle. Son cinéma évolue à partir des années 80. Il met en effet fin au cycle des thrillers horrifiques et s’oriente désormais vers de plus gros projets plus grands publics (« Scarface », « L’impasse », « Les incorruptibles », « Outrages », « Mission impossible »). Une exception toutefois, en 1984, il renoue avec son cycle d’inspiration hitchcockienne et tourne « Body double », présenté comme une relecture de « Sueurs froides » sur fond de milieu hollywoodien et d’industrie porno. D’ailleurs, pour la petite histoire, il avait engagé la star du X Annette Haven pour le principal rôle féminin mais décida en cours de tournage de la remplacer car il ne la trouvait pas assez sensuelle à l’écran. Après que plusieurs actrices en vogue (Jamie Lee Curtis, Tatum O’Neil notamment) aient refusé le rôle, celui-ci reviendra finalement à Melanie Griffith, une habituée des rôles sulfureux (« Dangereuse sous tous rapports », « New York deux heures du matin ») qu’il retrouvera cinq ans plus tard sur « Le bûcher des vanités ».
« A mon avis, la seule raison du meurtre de Gloria, c’est vous »
« Body double », c’est une sorte d’hommage appuyé de Brian De Palma au cinéma d’Alfred Hitchcock, cinéaste qu’il admire depuis toujours. Une relecture pop (et surtout kitsch) de « Fenêtre sur cour » mâtiné d’éléments plus ou moins prégnants de « Sueurs froides », « L’inconnu du Nord express », « Le crime était presque parfait » ou encore « Psychose ». Mais « Body double » est aussi un film somme. Un film qui synthétise toutes les obsessions, les névroses et les thèmes du cinéma de Brian De Palma que sont le voyeurisme, l’obsession, la frustration sexuelle ou encore la manipulation. Jusque dans son titre, « Body double » se traduisant littéralement comme « la double corps ». De Palma entraine donc ses spectateurs dans un labyrinthe pervers jouant sur la notion de double et la manipulation, chaque personnage se retrouvant ainsi avec une double identité (l’anxieux Jack s’inventera un personnage pour rencontrer Holy Body et vaincre ses démons, derrière le gentil acteur courant le cachet, Sam est aussi le tueur indien après lequel Jack court, Holy est la doublure de Gloria, etc...). La quête du personnage deviendra vite par analogie une quête intérieure, mentale, dans les méandres de sa psyché. De Palma signe donc un film dense, mais parfois un peu abscons. La scène finale, sorte de switch scénaristique, laisse planer un doute sur le récit tout entier. Malin donc. Mais extrêmement tortueux.
***