Un grand merci à Pathé pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le bluray du film « Les disparus de Saint-Agil » de Christian-Jaque en version restaurée.
« Ce n’est pas bien d’espionner ses camarades. Si tu continues, nous ne serons pas amis. »
Peu de temps avant la seconde guerre mondiale, au collège de Saint-Agil, des choses étranges se passent la nuit. Beaume,Sorgue et Macroy, trois élèves du collège de Saint-Agil, ont créé une association secrète, Les Chiches Capons, dans le but de préparer un tout aussi secret projet de départ pour l'Amérique. Un soir, dans la salle de sciences naturelles où ils tiennent leurs réunions, Sorgue voit un homme sortir d'un mur. À la suite d'une visite chez le directeur à propos d'un chahut, Sorgue disparaît. Puis c'est au tour de Macroy. L'établissement est en émoi. Le directeur envisage de renvoyer Beaume, le dernier membre du trio encore présent, après la fête du collège.
« Il y a du mystère dans les livres. Mais dans la vie, c’est très rare »
De son enfance dans la campagne charentaise, le jeune Pierre Véry gardera un amour immodéré pour les livres et la littérature ainsi qu’un goût prononcé pour l’aventure. Bercé par les romans de Jules Verne, il n’aura qu’un rêve : partir à la découverte du monde. Même en pensionnat où il est placé après le décès prématuré de sa mère, il fonde une société secrète dont le but est d’organiser un départ pour l’Amérique. L’histoire ne dit pas s’il a pu réaliser ses rêves de voyages. Toujours est-il qu’il finit par ouvrir une librairie à Paris avant de se lancer dans l’écriture. Ses romans d’inspiration policière rencontrent vite un certain succès qui lui vaut de concourir pour les Prix Renaudot et Femina. Surtout, ce succès attire l’attention des jeunes réalisateurs de l’époque et lui ouvre rapidement les portes du cinéma. Christian-Jaque sera ainsi le premier à adapter l’un de ses romans sur grand écran. Ce sera « Les disparus de Saint-Agil », qui, en 1938, s’impose comme l’un des plus grands succès français de l’avant-guerre.
« Dans une pension qui se respecte, les petits enfants qui ne dorment pas la nuit doivent être punis... »
« Les disparus de Saint-Agil » c’est avant tout un classique d’aventures policières pour enfant. Un peu à l’image de ce que sera quelques années plus tard le « Club des cinq ». Il y est question d’amitié, de société secrète, de mystères à résoudre et surtout d’une opposition entre le monde des enfants, pur et naïf, et celui des adultes, totalement corrompu. Prenant pour décor un pensionnat de province, qu’on imagine être une respectable institution, Christian-Jaque s’amuse de ce huis-clos et de l’aspect impersonnel et froid des lieux pour installer son intrigue et faire planer le mystère. Si 80 ans après sa sortie, on se doit de reconnaitre que le film ne fait plus très peur, la mise en scène réserve néanmoins encore de jolis moments, à l’image des scènes de disparition des enfants au détour d’un couloir. Mais surtout, en posant un regard d’enfant sur le monde, Christian-Jaque dresse un portrait sans concession de son époque, évoquant sans détour l’imminence de la guerre, l’antisémitisme ambiant, ou même la corruption qui gangrène les institutions les plus respectables. Et que dire de la symbolique de voir Erich Von Stroheim, acteur juif allemand opposé au nazisme, jouer le rôle du seul adulte fiable, honnête et droit ? Enfin, « Les disparus de Saint-Agil », c’est également une concentration folle de talents de l’époque réunis dans un même film. Un vrai plaisir de cinéphile de voir tant de grands comédiens (Erich Von Stroheim, Robert Le Vigan, Michel Simon) interpréter des dialogue délicieusement ciselés de Prévert. A noter également que deux de ces enfants feront par la suite une très belle carrière musicale, en l’occurrence Marcel Mouloudji et Charles Aznavour.
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