Un grand merci à Pathé pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le bluray de « Trois hommes à abattre » de Jacques Deray en version restaurée.
« S’il m’étais donné de choisir, je renaitrais bien en chat. Même coupé. ça me donnerait beaucoup de valeur ! »
Un joueur de poker professionnel, Michel Gerfaut, découvre en pleine nuit un blessé à bord d'une voiture encastrée dans des arbres, sur une route de campagne. Il l'emmène à l'hôpital et part finalement sans faire de déclaration. Il apprend par la presse la mort du blessé ainsi que de celle de deux de ses collègues, cadres supérieurs aux établissements Emmerich, société spécialisée dans l'aviation et l'armement. Il échappe aux balles des tueurs lancés à ses trousses mais son ami Liéthard, des Renseignements Généraux, meurt à sa place. Devenu justicier, il élimine ses adversaires directs et comprend enfin qui sont les commanditaires.
« C’est un professionnel, je l’ai toujours dit. Et un des meilleurs. Si vous n’étiez pas aussi con, vous le sauriez comme moi »
Profitant de sa belle gueule, Alain Delon s’installe comme le parfait jeune premier du cinéma français au cours des années 50 et surtout 60. Il tourne alors avec les plus grands réalisateurs de l’époque (Visconti, Antonioni, Clément, Duvivier), aussi bien dans des dramesque de dans des fresques historiques en costumes, jusqu’au troublant et sensuel « La piscine » de Jacques Deray dans lequel l’acteur est au sommet de sa séduction. Pourtant, il amorce dès le milieu des années 60 un tournant, en multipliant les rôles de durs à cuire mystérieux (« Les centurions », « Le samouraï ») qui l’installent progressivement dans le genre du polar et du film de gangsters, jusqu’à « Borsalino », où il partage l’affiche avec son ami Jean-Paul Belmondo. Leur amitié se muera en rivalité au cours des années 70 où les deux acteurs se partageront les succès box-office. Chez De Broca et Verneuil pour Belmondo. Chez Losey, Giovanni ou Lautner pour Delon, dont le nom restera surtout associé à celui de Jacques Deray avec lequel il tournera pas moins de neuf films. Après « Borsalino and Co. » (1974), « Flic story » (1975) et « Le gang » (1977), il retrouve son réalisateur fétiche en 1980 pour « Trois hommes à abattre », adapté d’un roman de Jean-Patrick Manchette (« Le petit bleu de la côte ouest »), qui sera (avec plus de deux millions de spectateurs) l’un des plus gros succès français de l’année 1980. Dans la foulée, Delon tournera dans deux autres adaptations de roman de Manchette : « Pour la peau d’un flic » (1981) et « Le choc » (1982).
« Ce siècle est une putain : il suce la moelle de ceux qui veulent bâtir, construire, conquérir »
La fin des années 70 fut marquée par la multiplication des scandales liés à la collusion des milieu politiques, des affaires et du grand banditisme. Qu’il s’agisse du scandale du Watergate aux USA ou des affaire du S.A.C. en France, tout cela participa à créer un climat de paranoïa générale dont le cinéma de l’époque su se faire le témoin. Des films comme « Les trois jours du condor », « Les hommes du Président », « Missing » pour les Etats-Unis, ou comme « Mille milliards de dollars » ou « I comme Icare » en France ont tous ainsi tous comme dénominateurs communs des ennemis venus de l’intérieur et des institutions d’Etat devenues déloyales. Avec sa machination orchestrée par un complexe militaro-industriel de concert avec la police, « Trois hommes à abattre » s’inscrit parfaitement dans le genre du thriller paranoïaque de l’époque. Fort d’un scénario à rebondissements, Deray essaye ici de faire un polar « à l’américaine », à savoir avec beaucoup d’action et d’efficacité. Si les ramifications de l’intrigue, pourtant simple, paraissent parfois télescopés, il parvient cependant à construire une belle ambiance sombre et pessimiste. Tout de cuir vétu, Delon retrouve à cette occasion son rôle habituel d’ancien aventurier séducteur, bien entouré par une pléiade de grands seconds rôles de l’époque (Michel Auclair, Jean-Pierre Darras, Bernard Le Coq, François Perrot, Christian Barbier, Pierre Dux, Feodor Atkine...). Même s’il apparait un peu daté, notamment dans son efficacité, « Trois hommes à abattre » reste un agréable polar.
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