Garçon d'honneur

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd de « Garçon d’honneur » d’Ang Lee.

« Nous t’avons inscrit dans la meilleure agence matrimoniale de Taipei. Tu recevras prochainement une fiche. Les jeunes filles sont parfaites. Arrête de faire le difficile. »

Taïwanais naturalisé américain, Wai-Tung vit aux Etats-Unis avec son petit ami Simon, dont il n’a rien dit à sa famille. Pour faire plaisir à ses parents qui ne connaissent pas son homosexualité et qui ne comprennent pas son célibat, il organise un mariage de convenance, choisissant pour épouse Wei-Wei, une jeune artiste peintre en quête d'une carte verte.

« Simon a de la chance. Il a un petit ami beau et riche. Dis-lui de m’en trouver un pour m’aider à payer mon loyer ! »

Passionné de théâtre, Ang Lee se destinait initialement à devenir acteur. Parti étudier l’art dramatique aux Etats-Unis, il se rend vite compte que sa pratique de la langue anglaise serait un obstacle à ce rêve. De manière presque naturelle, il se réoriente donc vers la réalisation, à l’Université de New York. En dépit des récompenses reçues pour son film de fin d’études, Ang Lee va disparaitre du circuit pendant six années, au cours desquelles il va principalement se consacrer à ses enfants. Ce n’est qu’à l’occasion d’un concours de scénarios organisé par la République de Taïwan, son pays natal, qu’Ang Lee se remet vraiment au travail. Avec succès, puisque ses scénarios obtiennent les premier et deuxième prix du concours. L’argent obtenu à cette occasion lui permettra de  réaliser son premier film (basé sur son scénario primé), « Pushing hands » (1992), qui deviendra le premier volet de sa trilogie « Father knows best ». Fort du succès d’estime du film, il met en scène l’année suivante « Garçon d’honneur », basé sur son deuxième scénario primé. Présenté dans de nombreux festivals, le film remporte notamment l’Ours d’Or à Berlin. Pour l’anecdote, Ang Lee tournera le dernier volet de sa trilogie l’année suivante avec « Salé Sucré ».

« Ces mensonges sont stupides mais je m’y suis habitué »

« Garçon d’honneur » est ainsi un titre à double sens. D’un côté, il parle d’un fils, Wai-Tung, incapable de révéler son homosexualité à son père et qui de ce fait se plie aux traditions pour lui faire plaisir et garantir l’honneur de la famille. Et de l’autre, il parle de Simon, le compagnon de Wai-Tung, qui assiste au mariage fantoche de son petit ami en qualité de témoin. Par un effet miroir, Ang Lee oppose ainsi deux mondes : celui de la tradition séculaire asiatique et celui de la modernité occidentale. Le héros du film, Wai-Tung, vit ainsi à cheval sur ces deux mondes. Sur ces deux cultures, souvent inconciliables. A l’évidence, il est question ici d’incommunicabilité. A l’image de ces scènes où Simon tente de baragouiner le mandarin pour se mêler à la conversation et ainsi d’exister pour la famille de Wai-Tung (alors que la caméra le place régulièrement à l’écart du groupe). Sans jamais les juger, Ang Lee porte un regard amusé sur l’hypocrisie et les mensonges de ces personnages. A l’image du père, qui avoue s’être engagé dans l’armée pour fuir un mariage arrangé auquel il ne voulait pas se plier. Tout en « arrangeant » le mariage de son fils dans le but d’avoir une descendance. Ou de la mère, qui finit par apprendre l’homosexualité de son fils mais qui lui demande de jouer le jeu sans rien dire à son père au détriment de son propre bonheur à lui. Si Ang Lee porte toujours un regard très humain et très doux sur ces personnages et sur leurs compromissions, il porte aussi un regard très ironique sur les traditions (le mariage fastueux peuplé d’inconnus, les gages « humiliants » imposés aux mariés). Derrière ses dialogues bien ciselés et ses abords de comédie raffinée, le film se teinte pourtant d’une douce amertume. Car au fond pour Ang Lee, le respect des conventions ne permet pas le bonheur ni l’épanouissement personnel. Ce n’est d’ailleurs qu’après le départ des parents (et donc des traditions) que le retour à l’équilibre semble se dessiner. Un équilibre précaire, nouveau, et à construire autour d’une famille recomposée au format inédit (deux hommes, une femme et un bébé à venir). Trait d’union entre deux cultures, Ang Lee fait montre dans « Garçon d’honneur » d’une acuité d’observation et d’un regard ironique sur le conservatisme des traditions collectives qui briment l’épanouissement individuel. Et signe un très joli feel-good movie aux saveurs douces-amères.  

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Le dvd : Fort de sa nouvelle restauration HD, le film nous est proposé en VF et en VOST. Cette très belle édition est accompagnée de quatre bonus de grande qualité : « Taïwan et New-York » (24 min), dans lequel Ang Lee et son scénariste James Schamus nous racontent le début de leur collaboration. « Valeurs familiales » (26 min.) dans lequel Ang Lee revient sur la genèse et le tournage de « Garçon d’honneur ». « La comédie du remariage » (22 min.) dans lequel le scénariste revient sur l’écriture du film. Et enfin « Le garçon d’honneur » (21 min) propose une interview de l’acteur Mitchell Liechtenstein.

Edité par Carlotta, « Garçon d’honneur » sera disponible dans les bacs en dvd et en bluray à partir du 25 novembre 2015.

Plus d’informations sur le site de Carlotta et sur sa page Facebook.