Genre : horreur, épouvante, inclassable (interdit aux - 16 ans)
Année : 1968
Durée : 1h26
L'histoire : Les trois enfants de la famille Merrye sont atteints d’un syndrome de dégénérescence. Leur père est mort. Les trois vivent à la campagne dans une maison isolée, en compagnie d’un chauffeur qui leur sert de tuteur. Jusqu’au jour où ils apprennent l’arrivée d’autres membres de leur famille. Les victimes vont se succéder, à commencer par le coursier qui vient leur annoncer la nouvelle.
La critique :
Le nom de Jack Hill ne doit pas vous évoquer grand-chose. Scénariste et réalisateur indépendant, Jack Hill est un élève de Roger Corman. Aux côtés de son auguste professeur, il signe L'Halluciné en 1963. Par la suite, Jack Hill sombrera peu à peu dans l'oubli et la confidentialité jusqu'à disparaître totalement de la planète "cinéma" dès le début des années 1980.
Seul Spider Baby, sorti en 1968, fait figure d'exception. Hormis Lon Chaney Jr, le film ne réunit pas des acteurs très connus. A moins que vous connaissiez les noms de Carol Ohmart, Sid Haig, Jill Banner et Beverly Washburn, mais j'en doute. Petite production fauchée et indépendante, Spider Baby reste un long-métrage assez obscur et confidentiel. Néanmoins, le film va se tailler une certaine réputation au fil des décennies.
Le long-métrage est réalisé un an avant La Nuit des Morts Vivants (George A. Romero) et va inspirer de nouveaux films d'horreur particulièrement sombres, entre autres, Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974). Film précurseur, Spider Baby préfigure, dès la fin des années 1960, une nouvelle forme d'épouvante, cette fois-ci contemporaine.
Cependant, à l'époque, le long-métrage sort plus ou moins dans l'anonymat. Dans les années 1950 et 1960, ce sont surtout les films de la Hammer qui triomphent dans les salles obscures. En outre, Spider Baby est le digne épigone de Freaks, la monstrueuse Parade (Tod Browning, 1932). Les deux films partagent de nombreuses similitudes. Mais j'y reviendrai...
Attention, SPOILERS ! Les derniers descendants de la famille Merrye, trois adolescents, vivent dans un manoir sous la supervision du chauffeur de leur défunt père. Une maladie très rare les affecte, faisant déprécier leur intelligence à un niveau primaire à mesure qu'ils vieillissent. Flairant une occasion en or, des cousins éloignés de la famille se rendent au manoir avec leur avocat dans le but de prendre possession de la demeure et institutionnaliser les adolescents.
Spider Baby se focalise essentiellement sur l'étrange relation qui se noue entre les trois adolescents indociles et Bruno (Lon Chaney Jr), à la fois chauffeur de la famille et père de substitution. Comme je l'ai déjà souligné, le film partage de nombreuses analogies avec Freaks, la monstrueuse Parade.
Envers et contre tout, Bruno joue les éducateurs et tente de refouler les ardeurs criminelles de ces chers adolescents fougueux. Symboliquement, ils sont la lie et les rebuts d'une société consumériste qui les a rejetés et confinés dans l'oubli. Bruno tente alors de les protéger contre ce regard extérieur, ce monde adulte, à la fois inique, xénophobe et fallacieux.
En ce sens, l'histoire de ces éphèbes et de cette figure patriarcale n'est pas sans rappeler le scénario tragique de Freaks. Avant, pendant et après le tournage du film, Tob Browning se comportera lui aussi comme un père auprès de ces êtres ostracisés et répudiés par la société toute entière. Hélas, le couperet ne tardera pas à tomber.
A l'instar de Tob Browning et de ses acteurs dolichocéphales, Bruno et ses trois adolescents d'infortune sont eux aussi condamnés à l'anonymat, à l'oubli, à la déréliction et à la mort. Mais pour Jack Hill, c'est la société toute entière qui semble vouée à la paupérisation et à la décrépitude. Certes, le cinéaste doit composer avec un budget extrêmement modeste (à peine 65 0000 dollars).
Pourtant, le réalisateur nous gratifie de plusieurs séquences outrecuidantes. Dans Spider Baby, nos jeunes impubères se fondent totalement dans la nature. Ils symbolisent ce retour à la primauté animale. Le fils aîné chasse et prédate. Sa nouvelle proie, en l'occurrence un chat, est même servi à dîner lors d'un repas frugal. En revanche, peu de séquences se déroulent en extérieur.
Spider Baby s'apparente donc à un huis clos anxiogène qui analyse les comportements de ses divers protagonistes. Condamnés à refouler leurs pulsions les plus archaïques, les trois jouvenceaux ne vont pas tarder à s'attaquer à leurs nouveaux commensaux. Dans un premier temps, c'est Carole Ohmart, en adolescente "arachnide", qui tisse sa toile sur sa victime, un trentenaire poltron, et aussi le narrateur du film. Ensuite, c'est à nouveau l'aîné de la famille qui épie les dessous féminins d'une jolie blondinette. Par conséquent, difficile de ranger Spider Baby dans une catégorie particulière.
Parfois comique dans certaines situations scabreuses, tantôt éprouvante dans ses meurtres abominables, souvent dramatique dans son propos, Spider Baby est une oeuvre totalement inclassable. Le réalisateur parvient même à rendre ses trois adolescents attachants malgré leurs actes criminels. A contrario, le monde adulte est vilipendé par le cinéaste. Finalement, nos héros juvéniles sont les reflets de nos instincts barbares et primitifs, ceux qui sont profondément enfouis dans notre cerveau reptilien.
Ils symbolisent ce miroir de l'horreur, cette âme disgracieuse qui se tapit en chaque être humain. Certes, Spider Baby a bien souffert du poids des années. Filmé en noir et blanc, le long-métrage pourra paraître un peu obsolète aujourd'hui. Néanmoins, le film conserve toujours un charme indéniable, une mélancolie insondable...
Note : 16/20
Alice In Oliver