[Direct-to-Vidéo] [Rétro] Roar, l’écologie est une affaire de famille

Publié le 03 janvier 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Roar, de Noel Marshall, est un film atypique, sorti en 1981, après six ans de tournage, dix-sept millions de budget annoncé par la production et soixante-dix accidents de tournage. Cet étalage de nombre plus ou moins fantaisiste est revendiqué haut et fort sur la jaquette du DVD, sorti le 20 octobre 2015 dans l’hexagone, chez Rimini Éditions. Contrairement à ce marketing tapageur, et son titre évocateur, le long-métrage de Noël Marshall n’a rien d’un survival horrifique animalier. Bien au contraire, c’est un véritable manifeste hippie et écologiste porté par la famille du réalisateur.

Hank (Noel Marshall) est un scientifique un brin farfelu qui a constitué une réserve de félin au Kenya. Après trois ans de vie solitaire, il décide de demander à sa famille de le rejoindre. Lorsque que ces derniers arrivent, il est parti en vadrouille avec son ami Mativo (Kyalo Mativo). Ne sachant comment réagir, sa femme Madeleine (Tippi Hedren), ses deux fils, Jerry (Jerry Marshall) et John (John Marshall) et sa fille, Mélanie (Melanie Griffith) sont terrorisés par les fauves en liberté. Hank (Noel Marshall)

Si vous prêtez attention au casting, vous vous rendrez vite compte que Roar est une affaire de famille. Noël Marshall était marié à Tippi Hedren. Melanie Griffith fut sa belle-fille par un premier mariage et John et Jerry sont les enfants du couple. Après avoir essuyé le refus de plusieurs dresseurs pour travailler sur un film jugé trop dangereux, le couple décide d’acheter un ranch et d’adopter plusieurs félins recueillis notamment auprès de zoo. S’attachant à leurs animaux, surtout des lions, des pumas, des guépards et des éléphants, ils vivent avec au jour le jour décidant de les apprivoiser sans les dresser. C’est ainsi qu’ils vont débuter le tournage sans dresseurs et avec leurs propres animaux habitués à la présence humaine. Toute la famille eut manifestement droit à ses points de sutures pendant un tournage qui s’avéra plus compliqué et aléatoire que prévu. Jan de Bont, futur réalisateur de Speed et collaborateur de Paul Verhoeven, John McTiernan ou Richard Donner, alors chef opérateur, subît cent-vingt points pour recoudre son cuir chevelu scalpé par un lion. Sans véritable scénario, Marshall a surtout laissé sa famille déambulée dans la réserve dans le but de créer les situations cocasses et se voulant angoissante de confrontation avec les félins. Ces derniers sont d’ailleurs crédités comme scénaristes, réalisateurs et acteurs du film à part entière. Mélanie (Melanie Griffith)

Cette accréditation avait pour but de reverser une grande part des bénéfices à la réserve Shambala fondée par Tippi Hedren à l’occasion du tournage de Roar, l’actrice étant devenue une fervente défenderesse de la cause animale. Roar est d’ailleurs avant tout un manifeste naïf et touchant en ce sens pour la préservation des espèces menacées. Si la famille de Marshall est, un temps, en danger, c’est parce qu’elle pêche par méconnaissance de la nature. Le réalisateur prône ici une coexistence saine avec le règne animal. Son film est conçu comme un cri d’alerte et un appel à reconsidérer nos rapports avec lui. Alors, évidemment, les fauves ne deviennent jamais les ennemis de l’être humain, bien au contraire, et l’ennemi est notre frère en la personne de deux agents de l’État se muant en braconniers contre l’avis de leur hiérarchie. L’aspect horrifique du récit, largement atténué malgré lui par le pittoresque des situations, est désamorcé lorsque la famille comprend qu’elle est au cœur d’un vaste quiproquo. La candeur du propos est renforcé par le jeu de Marshall qui prend un réel plaisir à évoluer parmi ses amis aux dents longues et se plaît à glisser le plus possible d’informations documentaires sur ses hôtes. Le générique lui-même est suivi d’un long plaidoyer écrit pour la sauvegarde des espèces vouées à l’extinction et appelant à militer dans les associations écologistes. John (John Marshall)

Film d’exploitation dans ce qu’il a de plus noble, c’est-à-dire profitant de sa liberté de ton pour divulguer un message, Roar ne fut pas exploité en salle à sa sortie aux États-Unis, les distributeurs trouvant absurdes de considérer les félins comme des artistes à part entière. C’est en vidéo qu’il connaîtra une deuxième vie. Il ne fut jamais rentable. La preuve s’il en est que sensibiliser l’opinion publique à la cause animale, même par le truchement du divertissement, n’est pas chose aisée malheureusement. Roar ne satisfera sûrement pas les aficionados de film d’action et d’aventure trépidant mais pourra s’avérer un très bon moment à passer en famille. D’autant plus qu’on ne peut pas bouder sa valeur didactique et les bons sentiments qui l’habitent.

Boeringer Rémy

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