Genre : horreur, épouvante (interdit aux - 16 ans)
Année : 1968
Durée : 1h36
L'histoire : Chaque année, Barbara et Johnny vont fleurir la tombe de leur père. La route est longue, les environs du cimetière déserts. Peu enclin à prier, Johnny se souvient du temps où il était enfant et où il s'amusait à effrayer sa soeur en répétant d'une voix grave : "Ils arrivent pour te chercher, Barbara."
La nuit tombe. Soudain, un homme étrange apparaît. Il s'approche de Barbara puis attaque Johnny, qui tombe et est laissé pour mort. Terrorisée, Barbara s'enfuit et se réfugie dans une maison de campagne. Elle y trouve Ben, ainsi que d'autres fugitifs. La radio leur apprend alors la terrible nouvelle : des morts s'attaquent aux vivants.
La critique :
Au début des années 1960, George A. Romero débute sa carrière cinématographique en tournant essentiellement des courts-métrages et des publicités. Parallèlement, il crée sa propre société de production, Image Ten Productions, et décide de réaliser son tout premier long-métrage, La Nuit des Morts-Vivants en 1968. A tort, Night of the Living Dead (le titre original du film) est souvent considéré comme le tout premier film de zombies. En vérité, George Romero n'a rien inventé.
Dès 1932, Victor Haleperin réalisait déjà The White Zombie avec Béla Lugosi. Pour La Nuit des Morts-Vivants, George Romero s'inspire de deux oeuvres majeures : Carnival of Souls (Herk Harvey, 1962) et Je Suis Une Légende (Sidney Salkow et Ubaldo Ragona, 1964).
Les deux films décrivent une société en plein marasme condamnée à sa propre perte et à la paupérisation. George Romero souhaite lui aussi réaliser un long-métrage à la fois pessimiste, nihiliste, politique et eschatologique. Dans La Nuit des Morts-Vivants, il est donc bien question de la fin du monde, mais pas seulement. C'est avec ce film que le cinéaste va inventer tous les codes inhérents du genre zombie : des êtres affamés qui sourdent de la terre et envahissent nos contrées.
Naguère, ils étaient encore humains. Désormais, ce sont des cannibales qui obéissent à leur pulsions primitives et archaïques. Comme un symbole. Dix ans plus tard, Romero deviendra cet oracle presque prophétique : "Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur la terre". Ce sera le script de Zombie.
Pour La Nuit des Morts-Vivants, George Romero doit composer avec un budget impécunier. Tourné en noir et blanc, Night of the Living Dead est donc un film indépendant. Pourtant au moment de sa sortie, le long-métrage obtient un immense succès. Paradoxalement, il scandalise à la fois le public et la presse cinéma. La Nuit des Morts-Vivants devient alors le ou l'un des films les plus rentables du cinéma indépendant. Le film sera donc suivi par de nombreuses suites et/ou succédanés : le fameux Zombie (1978) que j'ai déjà cité, Le Jour des Morts-Vivants (1984), Le Territoire des Morts (2005), Chronique des Morts-Vivants (2008) et Le Vestige des Morts-Vivants (2009).
Un remake homonyme (cette fois-ci en couleur) sera même réalisé par les soins de Tom Savini en 1990.
Pour la petite anecdote, juste avant sa sortie en salles aux États-Unis, le titre original du film, Night of the Flesh Eaters, fut changé en Night of the Living Dead par le distributeur. Le long-métrage de Romero écope d'une interdiction aux moins de 16 ans. Dans les salles de cinéma, le public est terrorisé et pousse des cris d'orfraie devant ses morts-vivants qui surgissent de nulle part, assaillissent et tortorent leurs victimes avec un appétit aiguisé et pantagruélique.
La distribution du film réunit Duane Jones, Judith O'Dea, Karl Hardman, Marilyn Eastman, Keith Wayne et Judith Ridley. Attention, SPOILERS ! Venus se recueillir sur la tombe d’un proche, Johnny et Barbara sont attaqués par un personnage inquiétant. Horrifiée, Barbara voit Johnny se faire tuer et dévorer.
Elle s’enfuit et trouve refuge dans une petite maison perdue au milieu de la campagne. Elle y trouve Ben, ainsi que d’autres fugitifs. La radio leur apprend alors la terrible nouvelle : des morts s’attaquent aux vivants. Night of the Living Dead provoque une rupture rédhibitoire dans le petit monde de l'horreur et de l'épouvante. A l'époque, ce sont encore les films de la Hammer qui triomphent au cinéma.
Mais le public commense sérieusement à se lasser de ces créatures d'une autre époque : les momies et les vampires sont donc priés de retourner sagement dans leurs sépulcres. Tourné la caméra à l'épaule, un peu à la manière d'un documentaire ultra réaliste, La Nuit des Morts-Vivants choque les spectateurs et suscite les anathèmes de certaines critiques cinématographiques.
Nihiliste, le film se divise en plusieurs parties bien distinctes. Dans la première, George Romero se focalise sur un petit cimetière isolé au beau milieu de nulle part. Cet endroit morbide devient alors le symbole d'une société en décrépitude, impression renforcée par cette imagerie funèbre, lugubre et finalement assez proche du cinéma expressionniste allemand. En ce sens, La Nuit des Morts-Vivants n'est pas sans rappeler Nosferatu (F.W. Murnau, 1922), avec cette créature vampirique et maléfique qui arpentait les rues d'une société moribonde. Cette fois-ci, la malédiction s'est transmutée en contamination.
Désormais, c'est la population humaine qui est condamnée à s'entretuer, se mordre, s'annihiler et même à se dévorer. Dans sa seconde partie, Night of the Living Dead se transforme définitivement en huis clos étouffant, éprouvant et anxiogène.
Pour la première fois dans un film d'horreur américain, c'est Ben (Duane Jones), un noir américain, qui va diriger les inimitiés. Les zombies ne sont pas ses seuls ennemis. Il doit également affronter la couardise et les atermoiements d'un père de famille. Finalement, les vrais monstres, ce ne sont pas forcément ces morts-vivants en quête de sang et de nourriture, mais ces "freaks" à visage humain.
Ils représentent et préfigurent cette Amérique pusillanime, intolérante, raciste et repliée sur elle-même. Pour Romero, c'est aussi l'occasion de réaliser un film engagé ou plutôt une diatribe à la fois personnelle et politique. Quant à la situation extérieure, le long-métrage se montre volontairement lapidaire. Ce qui renforce cette impression de malaise.
Ici point de monstres romantiques, un peu à la manière des films de la Hammer. Les morts-vivants ne font pas de prisonniers. Hommes, femmes vieillards et enfants : tous sont destinés à être tortorés, lacérés, dilapidés et donc "cannibalisés". Tout le monde y passe. Tout le monde est condamné à périr. Le choc ultime intervient dans les dernières minutes de bobine.
Là aussi, George Romero parachève une oeuvre profondément pessimiste et d'une noirceur totale. Certes, par la suite, le réalisateur retrouvera cette fougue et cette condescendance, notamment dans Zombie, mais sans jamais parvenir à réitérer la même performance. Que les choses soient claires. 47 ans après sa sortie, La Nuit des Morts-Vivants reste le sommet et la référence absolue du genre.
Note : 19/20
Alice In Oliver