[CRITIQUE] : Les Huit Salopards

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Quentin Tarantino
Acteurs :Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Demian Bichir, Tim Roth, Michael Madsen, Walton Goggins, Bruce Dern, Channing Tatum,...
Distributeur : SND
Budget : 44 000 000 $
Genre : Western.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h48min.
Synopsis :
Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie…

Critique :
Western délirant, engagé, violent, crasseux et jouissif, #Les8Salopards ou la preuve que comme le bon vin,QT se bonifie avec l'âge @SNDfilms— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) January 6, 2016

Même si cette vérité en irritera certainement plus d'un, en l'espace de sept longs métrages à la qualité diverse (seuls Le Boulevard de la Mort et Inglorious Bastards font un poil figure de petits canards), l'inestimable Quentin Tarantino a su se hisser à la hauteur de Steven Spielberg, Martin Scorcese ou encore Clint Eastwood et Tim Burton, au panthéon des meilleurs cinéastes de ces trente dernières - tout autant qu'à celui des réalisateurs les plus adulés par les cinéphiles purs et durs.
Maitre des cinéastes geek régurgitant avec panache leur immense cinéphilie, le bonhomme nous a récemment annoncé qu'il comptait - à l'instar du faux départ de Luc Besson - laisser sa caméra au placard d'ici son dixième métrage.
Raison de plus donc pour apprécier comme il se doit la huitième cuvée Tarantinesque en salles ces jours-ci, The Hateful Eight ou un nouveau western après le bouillant Django Unchained, dont la production hautement mouvementée (de fuite de script sur internet à abandon du projet jusqu'à une improbable réécriture du tout et une mise en route des plus bandantes) à faillit clairement mettre en danger sa viabilité.

Western enneigé façon huit-clos littéralement barré - trailer délirant à l'appui - au casting indécent de talent (Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Demian Bichir, Tim Roth, Michael Madsen, Walton Goggins et Bruce Dern), Les Huit Salopards était sans conteste - avec Creed -, le premier rendez-vous majeur de la riche et prometteuse année ciné 2016.
Et autant l'avouer tout de suite, si il est difficile de le considérer comme le meilleur film de son auteur (quoique...), il est sans aucun doute l'un des meilleurs films de l'année, et l'un des plus fous de son metteur en scène.
Dans The Hateful Eight, qui se déroule six ans ou huit ans ou douze ans après la Guerre de Sécession, une diligence traverse à toute allure le paysage hivernal du Wyoming.
Parmi les passagers, le chasseur de primes John Ruth et sa prisonnière la fugitive Daisy Domergue, qui se rendent vers la ville de Red Rock où Ruth, ici surnommé ‘Le Bourreau’, doit livrer Domergue à la justice.
En chemin, ils rencontrent deux étrangers : le Major Marquis Warren, un ancien soldat de l’Union devenu chasseur de primes et Chris Mannix, un renégat sudiste qui prétend être le nouveau shérif de Red Rock.
Perdus dans le blizzard, Ruth, Domergue, Warren et Mannix trouvent refuge en pleine montagne chez Minnie Haberdashery. 
Là, ils ne sont pas accueillis par la propriétaire, mais par quatre visages inconnus.
Bob qui s’occupe des lieux pendant que Minnie rend visite à sa mère, Oswaldo Mobray, le bourreau de Red Rock, le cow-boy Joe Gage et le général confédéré Sanford Smithers.
Alors que la tempête fait rage autour d’eux, les huit voyageurs comprennent qu’ils ne vont peut-être pas parvenir à se rendre à Red Rock…
 
Comme la majorité de ses films - et plus encore que Django Unchained -, Les Huit Salopards est la mise en image d'un fantasme de cinéphile pour Tarantino, un western sous fond de huit-clos en plein blizzard, qui cite volontairement The Thing de John Carpenter (jusque dans la bande originale signé là aussi, par l'immense Ennio Morricone, sans oublier la présence d'un Kurt Russell barbu comme jamais), monument de cinéma paranoïaque et jouissif, tout en étant pleinement frappé par l'ADN de la filmographie de Quentin et son amour pour une mise en scène très théâtrale de la violence.
Version oppressante et (très) drôle sur près de trois heures de la scène de la maison de Calvin J. Candie (qui était déjà une version étirée de la scène de la cave d'Inglorious Bastards), le métrage, construit en plusieurs actes, est un tour de force sauvage et immoral, plus horrifique que western spaghetti, qui prend son temps pour mettre en place sa lente et implacable plongée dans les entrailles d'un enfer blanc qui n'aura de cesse de déstabiliser et de faire douter son auditoire dans un flux de violence sourde, déchainée et à la densité thématique renversante.
Au milieu de ses huit antihéros méfiants et pathétiques aux caractères prononcés, incarnant tous le mal et la cruauté à différente échelle et dont le seul but est de duper son (ses) adversaire le plus efficacement possible; le spectateur retrouve tout ce qui fait le charme du cinéma de son auteur - épurant pourtant son style ici au maximum -, au point qu'il incarnerait presque (volontairement ou non) son film somme.

Car il y a un bien peu de toutes ses péloches dans The Hateful Eight, de l'humour noir et la manipulation habile de Jackie Brown, en passant par la hargne sanglante de Django Unchained et Inglorious Bastards, le huit-clos tendu façon jeu de dupes de Reservoir Dogs ou encore la chronologie singulière de Pulp Fiction; le tout aboutissant à un objet filmique unique, rigoureux et doté de sa propre identité, une nouvelle preuve rappelant à tous que Tarantino est un storyteller de génie.
Délirant et surprenant dans tous les sens du terme (on a même droit à une présence vocale de QT himself), creusant encore un peu plus l'histoire Américaine (après l'esclavage, on est ici en pleine reconstruction post-guerre de Sécession) via un ton toujours plus politique (le statut de l'homme noir est une fois encore, au centre de son intrigue), porté par un casting absolument parfait - le bestial Kurt Russell et le charismatique Samuel L. Jackson en tête - et une mise en scène éblouissante (filmé en Ultra Panavision 70mm, le réalisateur magnifie le désert, ici enneigé, de l'Ouest); Les Huit Salopards est une bouillante épopée violente et crasseuse dans la noirceur de l'âme humaine doublée d'un pamphlet rageur de l'Amérique contemporaine, encore et toujours dominée par la peur, la haine (raciale et misogyne) et sa fascination pour les armes et la violence.

Alors certes, le métrage aurait mérité que le Quentin lui taille un bon bout de gras histoire de resserrer aussi bien la tension qui enserre son intrigue que lui éviter quelques longueurs, mais difficile de réellement bouder son plaisir face à cette expérience de cinéma unique.
C'est une évidence, comme le grand vin, Tarantino s'améliore décemment avec l'âge...
Jonathan Chevrier