Réalisé par : Pengfei Song
Avec : Ying Ze, Luo Wenjie, Zhao Fuyu
Distributeur : Urban Distribution
Synopsis :
Beijing. 23 millions d'habitants et une croissance urbaine démesurée. Sans cesse des quartiers sont détruits et reconstruits pour la nouvelle classe moyenne. Pour gagner sa vie, Yong Le récupère des meubles usagés dans les maisons abandonnées. Xiao Yun, elle, danse dans un bar. Tous deux habitent la " ville souterraine " et rêvent d'en sortir. Jin, lui, a sa maison. Il rêve pourtant d'ailleurs. Son quartier va être détruit. Il a accepté de partir mais il doit d'abord vendre sa maison à un prix décent. Trois rêves, trois destins, trois histoires de la ville. De la Chine d'aujourd'hui....
De retour en 2011 dans son Pékin natal après s'être exilé en France pour faire ses études de cinéma, quelle ne fut pas la surprise de Pengfei à la vue de la métamorphose de sa ville. Ainsi nait Beijing Stories, magma de trajectoires de vie dans les sous sols de la ville, prêtes à exploser au nez des Pékinois d'en haut, pas forcément mieux lotis.
Au delà du symbolisme parfois utilisé à gros traits, Beijing Story n'étouffe pas. Pengfei réussit à nous tirer vers le haut, et nous inclure dans la soif de verticalité de ses personnages. Ascension sociale ou immobilière, tout est histoire d'envolée. Il cite parmi ses inspirations le cinéaste classique japonais Yasujiro Ozu, et pour cause : même utilisation du cadre, même traitement de la narration. Il y a quelque chose de très zen dans Beijing Story, Pengfei filme la continuité du temps pour que la rupture se crée par le quotidien lui même. Mais là ou il fait preuve de modernité c'est qu'il ne s'agit plus d'un cinéma de l'ascèse, les personnages ne cherchent pas à atteindre une perfection spirituelle, mais luttent pour l'élévation sociale. Reste à savoir si les bords cadres sont synonymes d'enfermement ou d'espace privilégié ? Là où chez Ozu ils coupaient les personnages du reste du monde pour qu'ils ne se concentrent qu'à leur élévation spirituelle, ici au contraire, ils créent un certain espace protégé du reste de la ville où il est possible pour eux de trouver un peu de sérénité et d'intimité. Il a su garder l'importance du rituel de la cérémonie, cher au cinéma asiatique, où on prend le temps de filmer les repas autour de la table. Ce sont des instants festifs qui rattachent les personnage à quelque chose de la réalité, qui semble s'être évaporé dans ces petites pièces du Tokyo d'en bas.
La plupart des plans du film tiennent davantage de l'image documentaire, mais le vécu de Pengfei fait écran et sauve le film de ce qui aurait pu être un vulgaire documentaire avorté. En effet, le jeune réalisateur livre des souvenirs très intimes et répand un peu d'humanité dans ces lugubres situations. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Pengfei n'est pas tendre avec ses personnages . Malmenés par la politique d'expulsion, par de pénibles emplois, ça semble être eux contre le reste du monde. Il faut alors trouver un moyen de déambuler dans les sous sols des anciens abris anti nucléaires alors que l'on est aveugle, il faut s'affranchir des sens, accepter l'événement, et prendre le combat avec le réel à bras le corps. Il donne à voir un monde organisé et nous prouve que la banalité du quotidien peut être le lieu d'une dramaturgie possible, il filme un monde en constante mutation et évolution, mais à quel prix ?
Entre un Night on Earth de Jarmush, le respect des classiques chinois et quelque chose de très français dans la façon de filmer, Beijing Story est frais, et donne bon espoir pour la nouvelle génération du cinéma chinois. Un premier essai réussi, et percutant.