LES 8 SALOPARDS (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s'abat au-dessus du massif, l'auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L'un de ces huit salopards n'est pas celui qu'il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l'auberge de Minnie...

En apparence, pour son huitième film, Quentin Tarantino poursuit son hommage au western entamé avec Django Unchained. Seulement ce retour est aussi celui d'un réalisateur énervé qui a semble t-il décidé de pousser tous les curseurs dans le rouge. Le rouge qui tâche. Le rouge sang. En effet si Django Unchained n'était déjà pas avare en hémoglobine (mais quel Tarantino l'est vraiment?) cet opus incandescent bénéficiait de la figure héroïque du personnage-titre, iconisé au plus haut point. Avec Les 8 Salopards, plus de héros central auquel s'identifier mais huit authentiques figures du mal qui vont déchainer l'enfer dans un huis-clos étourdissant de maitrise. En proposant qui plus est son film dans un format plus utilisé depuis des années, le 70 mm (seules quelques salles diffusent le film dans ces conditions), qui permet un très large panorama, -ce qui pour un huis-clos ne semblait pas constituer le choix le plus évident-, Tarantino continue de clamer haut et fort son amour pour le cinéma auquel il a été biberonné en faisant de sa dernière œuvre un vrai spectacle à l'ancienne. Avec une très longue introduction musicale signée du maestro Ennio Morricone (qui parvient génialement à se réinventer lui aussi avec une composition pourtant quasi crépusculaire) le spectateur va être happé dans un véritable tourbillon qui le mènera au cœur même du typhon pour ne le lâcher qu'au générique de fin. Les 8 Salopards est un spectacle total qui n'use pas d'artifices tape à l'œil pour se mettre dans la poche tous les publics et qui est au contraire foncièrement honnête en suivant une progression aux allures linéaires mais que la malice du metteur en scène va aiguiller dans une direction où la surprise s'invite en permanence. Tarantino farde même son film d'un entracte de douze minutes (dans les salles où le film est projeté en 70 mm), faisant fi d'une époque où le zapping est roi et confiant en l'immersion du spectateur dans son histoire.

Outre la beauté des plans enneigés, une photographie somptueuse et une réalisation inspirée, Tarantino livre comme à son habitude un film intense dont les différents actes nous offrent des séquences dialoguées de haut vol. Si vous êtes allergique aux diatribes éructées avec virulence par des comédiens qui semblent jubiler, il est probable qu'une bonne moitié du film vous ennuiera et qu'il vous faudra attendre jusqu'aux déchainements de violence pour y trouver votre compte. Ou pas. Les 8 salopards n'est pas un film aimable de prime abord. Car de la violence, il y en a et pas qu'un peu. Dans Django Unchained le sang coulait certes, mais avec une sorte d'onctuosité qu'on ne retrouve pas du tout ici où les chairs sont meurtries et les plaies sanguinolentes bien visibles et bien crades. Une violence filmée frontalement, sèchement, sans lui offrir une justification autre que le fait qu'il faille que ceux qui resteront à la fin n'auront pas forcément été les plus honnêtes mais seront au contraire ceux qui auront réussis à parer le mieux le vice de leurs adversaires. A la lisière du théâtre filmé ou de sombrer parfois dans le grand guignol, Tarantino s'en sort miraculeusement grâce à sa virtuosité technique (certains plans témoignent d'une fluidité et d'une élégance racées), grâce à ses dialogues brillants et souvent d'une drôlerie infinie et aussi grâce à sa direction d'acteurs, à tout le moins, son choix de solistes fabuleux réussissant à s'inscrire dans un ensemble harmonieux et évident.

Car que ce soit Kurt Russell toujours aussi incroyable, Tim Roth , jubilatoire, Bruce Dern impeccable ou un Michael Madsen des grands jours, tout le casting est d'une très très haute tenue. Mais trois des comédiens sont encore au-dessus du lot : Walton Goggins est sans doute celui qui impressionne le plus et qui fait montre d'un talent hors normes pour jouer sur tous les registres. Samuel L. Jackson, lui est au-delà des superlatifs, repoussant sans cesse la perfection plus loin. Et que dire de Jennifer Jason Leigh qui, comme Travolta ou Pam Grier naguère chez Tarantino, trouve un rôle explosif, qui fait regretter plus amèrement encore son éclipse professionnelle de ces dernières années. Les 8 salopards n'est jamais politiquement correct ( Tarantino use et abuse notamment du " nigger " si décrié par Spike Lee) mais c'est sans doute le film le plus affirmé de son réalisateur dans la description d'un contexte socio-politique, un film radical qui parle aussi bien de l'oppression, du racisme omniprésent que des fondations d'une Nation sur laquelle le réalisateur a un recul critique juste et objectif. Si chacun cherchera au petit jeu des influences chères au réalisateur américain, qui ressort le plus de ce huitième film, il est fort possible qu'au-delà des évidences ( Carpenter, Leone, Ford...) ce soit Tarantino lui-même qui ait inspiré Tarantino. Comme un mash-up entre Reservoir Dogs et Django Unchained, Les 8 salopards est une œuvre lente et brillante, à laisser infuser, afin que toutes les saveurs qu'elle exhale se muent en un parfum inégalable et envoutant.

Titre Original: THE HATEFUL EIGHT

Réalisé par: Quentin Tarantino

Genre: Western

Sortie le: 06 janvier 2016

Distribué par: SND

CHEF-D'ŒUVRE

Catégories : Critiques Cinéma

Tagué: BRUCE DERN, JENNIFER JASON LEIGH, Kurt Russell, LES 8 SALOPARDS, LES 8 SALOPARDS CRITIQUE, Michael Madsen, quentin tarantino, Samuel L.Jackson, TARANTINO, tim roth, WALTON GOGGINS