Chère année 2016,
C’est un euphémisme que d’affirmer que ton prédécesseur n’a pas été facile à vivre. Entre les attentats de Daech, la montée toujours croissante du FN, les élucubrations de Donald Trump ou les diverses magouilles politiques annuelles, autant dire que l’on a connu périodes moins anxiogènes et en proie à la bêtise générale. Une sorte d’appel au nihilisme qui pousserait presque, pour un cinéphile comme moi, à m’installer en Turquie afin de retrouver la foi dans leur religion Jedi. Et dans ce marasme de médiocrité, la culture a été l’une des premières victimes, aussi bien menacée par les intégristes religieux que par des actions soit-disant politiques (les appels à la censure de l’association Promouvoir…). Tout le monde s’est alors rendu compte que le pouvoir de l’art sur la réalité était finalement bien mince, y compris pour les plus populaires, comme le cinéma. On a pu se demander quelle était leur place en ces temps de crise, souvent supposée loin de la bataille alors qu’ils en sont l’un des sujets centraux. Non pas que le septième art (puisque c’est celui-là qui nous intéresse) soit politique, mais il peut contenir du politique, et refléter mieux que n’importe quel discours les troubles de notre société.
Il faut dire cependant que la production de 2015 n’a pas forcément aidé à mettre ses qualités en valeur, reposant beaucoup trop sur des high-concepts faiblards et des franchises à gogo. En bref, la manifestation couarde d’une industrie de plus en plus calibrée, refusant de reconnaître la réalité de son époque (Made in France privé de sortie en salles) ou l’humanisme dont il a plus que jamais besoin. Fort heureusement, les quelques Spielberg ou Miller ont pu rehausser la barre, en nous rappelant ce que c’est que d’être humain, mais aussi plus simplement en nous transportant pendant deux heures, et nous éloignant de la cruauté d’un monde que nous ne voulons plus voir.
Alors pour se rassurer, on se dit que ton tour sera forcément plus rayonnant, qu’il sera difficile de faire pire que ta grande sœur. Pourtant, rien n’est moins sûr. Peut-être que le cinéma deviendra dès lors l’un des derniers moyens efficaces de réconfort. Certains critiqueront probablement cette description d’un art qui mènerait presque à une certaine forme d’autisme, mais elle est néanmoins l’un de ses éléments magiques, une « suspension de l’incrédulité » bien plus subtile qu’il n’y paraît, puisqu’elle suggère à longueur de temps le réel à travers l’irréel. Nous comptons donc sur toi pour nous faire rêver, mais aussi pour nous faire réfléchir au-delà de l’opacité d’une salle obscure. Il faut d’ailleurs avouer que tu as bien commencé en abattant dès ton premier mercredi une grande carte, celle d’un Quentin Tarantino en colère, revenu à l’époque du Far-West dans ses Huit Salopards pour mieux nous montrer l’héritage de ce dernier sur la culture américaine, et plus généralement le monde actuel. Du cinéma comme on l’aime, divertissant et intelligent à la fois. Et si tu apparais forcée de nous livrer toujours plus de volets casse-gueules à de grandes franchises, je me réjouis à l’idée de te voir prendre quelques risques, notamment avec Deadpool, qui pourrait peut-être enfin donner un grand coup de pied dans la fourmilière super-héroïque. Bien entendu, je ne vais pas jouer les hypocrites, car je suis le premier à attendre avec impatience les gros blockbusters alléchants tels que Batman v Superman, Civil War, Suicide Squad, Assassins’s Creed ou Warcraft. Des blockbusters qui promettent de s’éloigner d’un certain manichéisme pour opposer d’anciens alliés, voire même de prendre le point de vue des habituels antagonistes. Je ne sais pas si tu nous laisses y déceler un message caché, mais nous verrons bien.
En tout cas, en ce qui concerne le septième art, tu sembles avoir donné de ta personne avec des projets dont on attend beaucoup : Creed, Carol, Spotlight, Legend, The Revenant, Avé, César !, Triple 9, 13 Hours, The Nice Guys, Le Bon Gros Géant, La la Land et j’en passe. J’espère passer une bonne année en ta compagnie, avec du bonheur, des rêves et des étoiles pleins les yeux. Mais je suis sûr que tu me réserves le dernier pour le mois de décembre, quand nous retournerons pour un premier spin-off dans une galaxie lointaine, très lointaine…
Bonne année (je suppose que c’est ce qu’on doit te dire) !
Le Cinéphile Cinévore