Comme promis, nous continuons notre exploration du globe avec le deuxième documentaire du coffret Ethnies, édité chez ZED. Cette fois-ci, c’est Jérôme Ségur qui nous emmène dans les confins de l’Himalaya, dans les vallées les plus reculées du Népal. On y trouve les derniers grimpeurs intrépides qui affrontent des falaises infestées d’abeilles géantes pour y recueillir un miel précieux. Himalaya, face aux abeilles géantes est un documentaire enivrant, apte à donner le vertige aux plus aguerris.
Moti, un jeune garçon déscolarisé qui aide sa famille au champ et aussi le fils aîné de l’un des derniers cueilleurs de miel népalais. Cette année, il va le suivre à plusieurs jours de marche de son village pour accomplir son apprentissage et perpétuer ainsi la tradition.
Moti rêvait de devenir inventeur ou pilote de ligne. Il a quitté l’école à l’adolescence pour aider à subvenir aux besoins de sa famille. Celle-ci vit dans un village isolé de l’Himalaya, à plusieurs heures de marches de la dernière route carrossable. Moti ne renonce pas à ses rêves mais il est empreint d’une gravité de mise avec les réalités tangibles de sa vie. Alors que la plupart des jeunes du coin, y compris ses petits frères, souhaitent partir à l’étranger, Moti s’est fait une raison. Avec un entrain hors du commun, le jeune garçon intrépide est enthousiaste à l’idée de suivre les traces de son père et de ses acolytes du village. Les responsabilités s’effacent peu à peu devant la beauté du geste et l’envie de perpétuer un savoir-faire ancestral. Finalement, Moti porte fièrement ses origines. L’attachement à sa terre est plus fort que les illusions d’un ailleurs hypothétiquement paradisiaque. Quand on voit l’accueil déplorable des réfugiés économiques à travers le monde, on serait tenté de penser qu’il a raison.
Au cœur de paysages sublimes, les falaises vertigineuses surplombant des rivières impétueuses donnent de magnifiques images. L’intervention du documentariste est réduite à peau de chagrin se qui donne plus de substance et de corps à des instants magiques qu’aucune description ne serait rendre avec fidélité. Celui-ci se contente juste de prendre des nouvelles de la santé de Moti et de s’enquérir si son apprentissage lui plaît et si son père est fier de lui. Faisant preuve d’une ardeur à toute épreuve, Moti raconte avec fierté combien d’abeilles l’ont piqué sans jamais se plaindre. Il faut le voir descendre sur une échelle tissée en bambou, sans aucune sangle, à même le vide, risquant sa vie en enfumant les ruches naturelles et en volant le miel. Au village, peut importe qui est parti chercher le miel, chaque printemps, celui-ci sera partagé de manière équitable, les cueilleurs n’obtenant qu’une part supplémentaire. Les falaises sont considérées comme le patrimoine commun du village. Ceux qui revendent leur part à la ville pourront éponger un peu de leurs dettes.
Himalaya, face aux abeilles géantes posent le problème d’une acculturation envahissante. Dans la toute petite ville la plus proche du village, les effets de la mondialisation se font déjà sentir et le père de Moti ne parvient à vendre son miel assez cher uniquement, car on lui prête des vertus guérissantes New-age. Pour lui, il est « quelqu’un » car il demeure l’un des derniers fous capable de risquer sa vie pour le nectar des Dieux. Pour cela, on le respecte. Avec un air malicieux, il dit que les gens de la ville maîtrisent l’argent. En sont-ils plus heureux ?
Boeringer Rémy
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