L’illusion du dialogue

La magie du dialogue commence lorsqu’un auteur transforme une conversation de tous les jours en lignes de dialogue dramatiques et brillantes.
Le dialogue est une illusion car il ne s’agit pas de recopier les mots exacts prononcés par un individu mais de les suggérer. D’autant que ces mots exacts sont souillés de marmonnements, d’hésitations et souvent ne sont pas utilisés pour exprimer exactement ce que pense le locuteur.

La magie commence vraiment lorsque vous avez appris non seulement à faire des conversations qui semblent naturelles mais aussi lorsque vous avez éliminé tous les scories qui accompagnent nos conversations quotidennes.

Un dialogue fictionnel devrait se concentrer sur les pics émotionnels. Il devient part de l’action en faisant avancer l’intrigue, en révélant le caractère des personnages ou en donnant des informations. Vous devez décider quoi garder dans une conversation ou quoi rejeter. Essayer de réarranger les différents éléments afin d’obtenir un bloc de texte efficace et brillant.
Par exemple, dans la vie réelle, il n’est pas rare de noyer le poisson dans un bavardage banal avant d’en venir à la préoccupation majeure, objet de la rencontre qui préside à cette conversation.
Si vous souhaitez transcrire une telle conversation dans une histoire, votre lecteur n’aura que faire du bavardage préalable, comme pour briser la glace. Vous devez trouver l’essence de cette conversation tout en ajoutant les détails nécessaires pour la rendre réaliste. Les lignes de dialogue doivent aller au cœur de leur raison d’être sans emprunter un détour sinueux pour y parvenir.

Dans la vie réelle, on atténue les choses afin de ne pas risquer de braquer ou de choquer son interlocuteur. C’est cependant un comportement qui ne fonctionnera pas dans une histoire. Il n’y a donc pas de besoin à dramatiser certaines lignes de dialogue (pourtant courantes dans la vie réelle) qui ne font pas avancer l’histoire.
De même, si un personnage doit intervenir dans une scène qui a déjà débuté avec deux personnages, il est nécessaire qu’un troisième personnage ne vienne pas les mains vides. Les lignes de dialogue qui lui seront autorisées devront ajouter de la tension, du conflit ou du suspense si ses attitudes et comportements ne le font pas.

Toutes les scènes de votre script devraient être habitées par le conflit, de la tension ou du suspense. La tension dramatique est généralement amenée par le conflit mais ce n’est pas toujours le cas. Des non-dits (qui ont leur importance dans les dialogues) et des angoisses bien rendues peuvent ajouter à la tension d’une scène.

Elisabeth Bowen a écrit :
The writer must know, always, what the scene is trying to accomplish. If not, the characters will just run on, and the scene will lose the dynamic tension of the big picture, the ‘aboutness’ of the novel.
L’auteur devrait toujours savoir ce que la scène essaie d’accomplir. Sinon, les personnages ne feront que suivre, et la scène perdra la tension dynamique de l’ensemble, le propos du roman.

Voici aussi les conseils qu’elle donne :

  1. Le dialogue devrait être bref.
  2. Il devrait aider à la compréhension de l’histoire par le lecteur.
  3. Il devrait éliminer tout ce qui se retrouve dans une conversation ordinaire et qui n’ajoute rien à la teneur du discours.
  4. Il devrait faire apparaître un sens de spontanéité mais en allant droit au but sans les détours que prend parfois une véritable conversation.
  5. Il devrait permettre à l’histoire d’avancer.
  6. Il devrait être révélateur de la personnalité du personnage directement ou indirectement.
  7. Il devrait montrer les relations qui existent entre les personnages.

Une ligne de dialogue peut parfois même concrétiser ce que les personnages se font mutuellement lorsqu’un geste ou une attitude ne seraient pas assez puissants pour transmettre l’information.

Sol Stein écrit :
Dialogue is a foreign language, different from whatever a writer has grown up using. It can make people unknown to the writer cry, laugh, and believe lies in seconds. It is succinct, can carry a great weight of meaning in few words, and above all, it is adverserial. That doesn’t mean shouting. Avderserial dialogue can be subtle.
Le dialogue est un langage étranger, différent de celui avec lequel l’auteur a grandi. Il peut faire pleurer, rire des gens inconnus de l’auteur, et leur faire croire à des mensonges en un rien de temps. Il est succinct, peut être lourd de signification en quelques mots, et au dessus de tout cela, il est un moyen de contradiction. Cela ne signifie pas crier. Un dialogue contradictoire peut être subtile.

Le dialogue s’écoule aussi plus facilement lorsque vos personnages ont leurs propres mécanismes de réponse aux conflits et à la tension.
L’un de  ces mécanismes et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres est l’ellipse.
Caroline… En danger… Le monde entier… pandémie
L’ellispe est représentée par les points de suspension et malgré tout, la conversation puisque c’en est une semble authentique.
Soyez attentifs à ce que font les autres auteurs et jugez par vous-mêmes si vos lignes de dialogue demeurent authentiques comme par exemple de faire attention aux manières de parler.

En effet, un style ampoulé ne fonctionnera pas. Beaucoup de personnes utilisent des contractions, un peu dans la forme sms….
Rapide et presque négligé.
Ne faites pas dire à vos personnages :
Mère, je n’irais pas à l’école aujourd’hui parce qu’il pleut. Mes cheveux seront tout abîmés.
Une ligne de dialogue plus moderne et plus authentique serait alors :
Eh mam’ ! J’espère que tu crois pas que je vais sortir sous la pluie ! Tu penses à mes cheveux là ??