[DVD] Dans la bouche du Diable, à la rencontre des damnés de la terre éthiopiens

Publié le 14 janvier 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Troisième excursion avec le coffret Ethnies, sorti chez ZED, nous vous emmenons Dans la bouche du diable. Jean Queyrat nous transporte dans un magnifique voyage, dans le sud de l’Ethiopie, au contact du peuple Borana, éleveurs semi-nomade contrôlant les riches ressources de sel du Grand Rift Africain.

Wario est un petit garçon de onze ans appartenant à l’ethnie des Borana. Dans sa famille, son père s’occupe du commerce tandis que sa mère s’occupe du bétail. Son rôle principal est d’aller chercher l’eau au puits. Aujourd’hui, il doit partir avec son père pour entamer son premier voyage. Son périple initiatique le conduira, en terres ennemis, à deux cents kilomètres de chez lui, pour vendre du sel qu’il achètera à bon prix aux exploitants des lacs salés nichés au cœur des cratères volcaniques.

Dans la bouche du diable, c’est l’histoire saisissante d’être humains liés inexorablement à des travaux harassants. Ces damnés de la terre vivent pour leur travail, seul moyen de subsistance qui leur soit offert, dans des conditions inchangées depuis des centaines d’années, et perpétuent des guerres ancestrales pour conserver cet état de fait aliénant. Au fond d’un cratère majestueux gît un lac asséché au fond duquel, inlassablement, jour après jour, les sauniers vont récolter le fruit de leur labeur. La concentration en sel est si forte qu’il agit comme un puissant acide qui ronge la peau et attaque des plaies qui ne cicatrisent jamais. Si l’on arrive à l’âge canonique de soixante-quinze ans comme en témoigne pour son père un adolescent qui a commencé à l’âge de dix ans à descendre dans les profondeurs du volcan, on est plus alors que l’ombre de soi-même. Les récolteurs de sel arrachent celui à la dure terre volcanique à force d’acharnement avec l’aide de perche en brisant le sol par leurs coups répétés. Pour se protéger, il s’enduise le nez et les oreilles de graisse animal sans laquelle leurs muqueuses serait attaquée irrémédiablement. C’est ici que le père de Wario vient acheter sa cargaison de sel. Il a appris qu’à plusieurs centaines de kilomètre de chez lui, une pénurie sévit. Il compte en profiter pour vendre sa précieuse denrée et payer ainsi le mariage de sa fille cadette.

Pour préparer le voyage, il achète un chameau qu’il offre à son fils et emporte une chèvre qui sera sacrifiée si la faim se fait sentir ainsi que du lait de chameau, riche et fortifiant. Le voyage dure cinq jours et il emporte aussi avec lui son fils aîné. Le deuxième jour, ils arrivent aux frontières de leur clan. C’est aussi le dernier puits disponible pendant leur périple, il s’agit donc d’emporter un maximum d’eau qu’ils obtiennent en troquant avec l’autorisation du clan propriétaire. Creusé à même la roche dans le creux d’un lac complètement asséché dont les eaux ont rejoins une nappe phréatique, du puits s’élève une musique étonnante. Pour remonter l’eau à l’aide de seau depuis le fond du puits, les puiseurs chantent en chœur un chant de travail fixant la cadence. Plus loin, en chemin, perdu au milieu de la savane, la famille rencontre des hommes armés. La tension est à son comble, on angoisse pour eux. Appartenant à la même ethnie, avec un peu d’hésitation, les soldats les laissent repartir. Sous un rocher immense orné de peintures rupestres où ils bivouaquent, le père se confie sur les conflits meurtriers auxquels il a participé dans sa jeunesse. Étrange lieu où les armes sont bannies, ils arrivent à destination sans encombre dans le village d’Arbore. Ici, se tient un marché où les différents peuples éthiopiens, même en guerre, peuvent commercer sans peur. C’est une zone neutre. Le père prend néanmoins soin de ne pas répondre aux questions concernant son ethnie.

Dans la bouche du diable nous emmène dans une longue expédition dans le Grand Rift Africain. Les paysages mis en boite par Jean Queyrat sont tout simplement flamboyants. Dans cette immensité sans cesse renouvelée au sein d’une nature surprenante, l’homme n’est que bien peu de choses.

Boeringer Rémy

Pour voir la bande-annonce :

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