[Avant-Première] Médecin de campagne, les chemins de l’ennui sont pavés de bonnes intentions

Publié le 15 janvier 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Ce jeudi 14 janvier 2016, nous avons pu assister à l’avant-première niçoise du troisième film de Thomas Lilti, Médecin de campagne, qui sortira le 23 mars 2016, en présence du réalisateur. Interprété par François Cluzet et Marianne Denicourt, le long-métrage serait parfait pour un dimanche soir sur France 3 mais pâtit d’un ennui téléfilmesque qui rend désagréable sa projection. Malgré tout, nous ne regrettons pas d’avoir rencontré le metteur en scène au demeurant très sympathique et investi dans sa démarche.

Jean-Pierre (François Cluzet que l’on a vu dans le dispensable Une rencontre) est médecin de campagne. Disponible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il rend service et soigne tous les habitants de la communauté rurale où il exerce. Atteint d’un cancer, il se voit imposé par un ami l’aide d’une autre médecin, Nathalie Delezia (Marianne Denicourt qui jouait dans le détestable La crème de la crème). Les relations tendues du tandem vont peu à peu s’améliorer.

Jean-Pierre (François Cluzet)

Lilti, c’est un peu le Marchal du bloc opératoire. Après Hippocrate, le voilà reparti pour une nouvelle intrigue (le mot est fort) en milieu médical. L’ancien médecin, qui a mis sa carrière entre parenthèse pour se consacrer au cinéma, a pour lui de savoir de quoi il parle pour l’avoir vécu. Ainsi, dans la description du quotidien, des postures et des gestes, on frise souvent le documentaire. Lilti nous dit néanmoins qu’une grande part de l’interprétation dans les sentiments liant le docteur à ses patients est le fait exclusif du ressenti et du jeu d’acteur de Cluzet. A vrai dire, on n’accroche pas au jeu de Cluzet dont on trouve la renommée particulièrement surestimée. On a d’ailleurs rit à chaud de larmes quand un spectateur l’a comparé à Dustin Hoffman. Mais ce n’est qu’une question de goût. Médecin de campagne est un exemple de scénario plat et de réalisation quelconque. On ne sent à aucun moment la personnalité du réalisateur transpirer par les pores de la caméra. C’est une réalisation académique et minimal. Tout juste Lilti tente-t-il de temps en temps d’embellir la laideur de l’image par des plans fixes d’une nature toute proche qu’on aurait tendance à oublier entre les intérieurs tristes et le froid cabinet du docteur.

Nathalie (Marianne Denicourt)

Vous l’aurez compris, d’un point de vue purement cinéphilique, on a pas vraiment apprécié Médecin de campagne. Dans le genre contemplation campagnarde, on a connu bien mieux. L’émotion peine à effleurer. A contrario, et c’est là le sel des avants-premières, nous avons un peu reconsidéré l’intérêt du film au contact du réalisateur. On a failli s’étouffer lorsque deux médecins présents dans la salle se sont plaint de l’impossibilité d’augmenter les prix de leurs consultations arguant que c’était sûrement pour cela que les jeunes désertaient les campagnes. C’est sûr qu’un taux horaire de quatre-vingt-douze euros de l’heure, ça dissuade de se lever… Dites ça aux smicards en soutenant le regard de haine compulsive qui pourrait les assaillir, surtout sachant que vous leur refusez le tiers payant, messieurs les notables. Thomas Lilti a d’ailleurs eu l’intelligence de ne pas relever. Ce qu’il relève, par contre, c’est le véritable sacerdoce que constitue une vie de médecin de campagne, une vie d’abnégation qui, il est vrai, pousse à l’admiration.

Jean-Pierre (François Cluzet)

D’autant plus que, minute philosophique du film, Cluzet se fend d’un plaidoyer contre la nature barbare de la vie contre laquelle le médecin se bat sachant qu’il perdra la bataille inexorablement. Un constat de l’absurdité qui pousse la vie à se perpétuer pour elle-même dans la souffrance. On touche là des questions qui doivent nécessairement saisir la conscience des médecins. Médecin de campagne milite pour que cesse les constructions de maison de santé qui restent vide après avoir rempli les poches des promoteurs immobiliers. Comme solution à la désertification, Litlti propose qu’une partie des carabins fassent leur externat avec un médecin au profil universitaire dans ces maisons de santés ou bien dans les cabinets. Il juge que les études de médecine sont trop exclusivement orientées vers le milieu hospitalier. À sa suite, nous somme séduits par l’idée qu’il conviendrait de creuser davantage. Autre thématique qui lui tient vraiment à cœur, Lilti est engagé pour que l’on puisse finir ses jours à domicile sans forcément être hospitalisé loin de ses repères et de sa famille. C’est une problématique émouvante développé dans le long-métrage.

Nathalie (Marianne Denicourt)

Avec Médecin de campagne, Lilti s’engage pour promouvoir une médecine à visage humain, une médecine de proximité au sens géographique comme au sens humain. Le corps de la santé qui étaient bien représentés lors de l’avant-première a bien accueilli le film, preuve s’il en est qu’il pose des problèmes essentiels. Touché par l’homme davantage que par le réalisateur, celui-ci ayant promis que son prochain film traiterait un sujet différent, nous irons voir par curiosité si l’affect lié au sujet n’aurait pas handicapé sa réalisation en enveloppant d’un aura de gravité plombant un scénario peu folichon.

Boeringer Rémy

Retrouvez ici la bande-annonce :