François Delisle, réalisateur québécois, sort en France mercredi prochain son nouveau film, Chorus, qui retrace le parcours d'un couple en deuil suite à l'assasinat de leur fils survenu huit ans auparavant.
Depuis combien de temps un film n'avait il pas cerné aussi exactement l'atrocité ? Chorus appartient à ces films qui ébranlent tout lorsqu'on les voit, on se rappelle que c'est pour ça que le cinéma existe. François Delisles fait battre deux coeurs aux choeurs différents dans une expérience de vie criante de vérité. (La suite de notre avis à lire ici)
Entretien avec un cinéaste qui porte haut les couleurs de son pays.
Comment l'idée du scénario de Chorus est elle née ?
François Delisle: Ce n'est pas inspiré d'un fait divers, quoique ce fut vécu par d'autres malheureusement. J'avais le gout de parler du sentiment de la perte, auquel s'est greffé le sentiment de la réconciliation, l'idée de ce couple qui a perdu son enfant est arrivée. C'est une histoire plutôt simple, les morceaux et se sont placés rapidement, même si l'écriture m'a pris beaucoup de temps.
Les acteurs ont ils vu le film ?François Delisle: Oui. Le film est sorti il y a presque un an, la première était à Sundance donc il y a presque un an jour pour jour.
Des fois les acteurs préfèrent ne pas se voir à l'écran.François Delisle: Non, même si les premières projections sont toujours difficiles. Je pense à Fanny Malette, qui m'a accompagné dans plusieurs festivals, elle a apprécié le film.
Que pensent Fanny Malette et Sébastien Ricard de la séquence où ils découvrent le récit atroce du viol de leur enfant ? Ont - ils réussi à le jouer comme si il s'agissait d'une expérience personnelle ?François Delisle: La façon dont cette séquence a été tournée, c'est un peu comme c'est montré dans le film. C'est à dire que les acteurs n'avaient pas vu le témoignage avant qu'on arrive en plateau et qu'on installe la télé. Cette journée là, c'était comme une sorte de pic d'émotion pour eux, Fanny redoutait ce témoignage, tout était écrit, il n'y avait pas de secret. Ce fut une épreuve pour eux je pense, jusqu'à un certain point. Il fallait que l'on passe tous par là, autant nous qui faisions le film que vous qui le voyez. C'est un passage obligé malheureusement parce que ça fait parti du sujet. Passer à coté c'est ne pas parler de la vraie chose. On a tous des enfants, on se projette un peu dans ce scénario, c'est pas forcement simple. Moi ça fait longtemps que je travaille dessus, j'ai eu le temps d'absorber ce matériel là, de le mettre en perspective. Mais les acteurs doivent le jouer comme des parents qui le vivent pour la première fois, c'est pas simple.
Que pensez vous de la réception du film par un public qui a connu cette atrocité ?François Delisle: J'ai eu quelques témoignages au courant de l'année. Le film a été présenté un peu partout dans le monde. Pour ce qui ont eu le courage d'aller voir le film, je pense que ça a été pour eux une façon de se rassurer sur leur propre peine. Etrangement, ils se sentent moins seuls. C'est généralement ce qu'on m'a dit.
Doit on déduire qu'à vos yeux, Chorus est un film nécessaire ?François Delisle: Merci, (rire). Nécessaire oui, c'est un désir d'authenticité, de parler franc. ça fait parti de la vie, ce n'est pas un film qui est fermé sur lui même. Malgré la noirceur du sujet, il y a quelque chose qui émerge au bout du compte, c'est l'expérience humaine qui est importante, alors en ce sens là oui peut être.
Vous dites vouloir faire face au réel, pourquoi ne pas faire du documentaire ?François Delisle: Parce que ce n'est pas mon langage.
Tout est une question de langage ?François Delisle: C'est mon sixième film de fiction. La fiction permet la poésie, la transposition, l'allégorie, la métaphore. ça nous permet de voir à travers l'art des choses de la vie. Et le documentaire ce n'est vraiment pas mon langage, ça m'intéresse plus ou moins.
Pensez vous à des cinéastes qui auraient pu emprunter le même chemin que vous ? Qui vous ont accompagné par la pensée durant la construction du film ?François Delisle: Je suis assez cinéphile mais honnêtement, aujourd'hui, il y a beaucoup d'autres choses qui m'intéressent, autre que le cinéma. En particulier la danse contemporaine, l'art contemporain et visuel, la peinture, la photo ,le théâtre. Oui il y a des cinéastes qui ont été importants pour moi et qui le resteront, mais le cinéma je pense qu'il est un peu fermé sur lui. Moi j'explore, je pense qu'un film est un voyage, on ne sait jamais vers où on s'en va, où on va se placer. On connait le point de départ, le point d'arriver mais c'est toujours une aventure. Je suis assez instinctif, malgré le fait que le cinéma doit être préparé, j'essaye de ratisser le plus large possible quand je fais un film. Au début plus jeune j'étais très obnubilé par des cinéastes mais aujourd'hui je suis libre de tout ça et je me sens beaucoup mieux. ( rires ) Dans le sens où le cinéma est un art qui est pluriel ,il ne faut pas fermer les portes, alors je les ouvre grande.
Avez vous déjà des projets en route ?François Delisle: Oui, on est entrain de compléter le financement de mon prochain film qui va se tourner l'année prochaine. Je suis aussi producteur.
Vous gardez quand même un oeil sur le cinéma canadien.François Delisle: J'ai une boite de production et de distribution, on est très impliqué ici.
En France, si on pense cinéaste canadien on va penser Xavier Dolan..François Delisle: Oui, c'est une vue assez courte.
Malheureusement oui. Connaissez vous son cinéma? L'appréciez vous ? Comment vous placez vous par rapport à lui qui est aussi une grande figure du cinéma canadien.François Delisle: Je sais pas, je ne me définis pas par rapport à quelqu'un. Vous pouvez me dire ça pour n'importe qui, je ne vous répondrais pas. ( rires). Mais il est très gentil.