[DVD] La mascarade des Makishi, une fascinante initiation ancestrale

Publié le 18 janvier 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Cinquième reportage du documentaire Ethnies, sorti chez ZED, La mascarade des Makishi de Jérôme Ségur est une nouvelle invitation au voyage que nous ne pouvions que vous faire partager. Séquence de passage à l’âge adulte des peuples Luvale, Chokwe, Luchazi et Mbunda, cette mascarade est empreinte d’une poésie habitée de mystères ancestraux.

Chaque année, en Zambie, les enfants de huit à douze ans sont conviés à s’initier aux secrets du Makanda pendant lequel les ancêtres ressuscitent pour aider les jeunes à devenir des adultes. Au village de Kashushu, Patrick, qui organise la dernière session est inquiet du coût financier de l’opération autant que de sa disparition progressive.

La légende raconte qu’il y a plusieurs siècles, un chasseur fut blessé au pénis. Pour le protéger, ses compagnons lui construisirent un abri de branches et de feuilles au milieu de la savane. Alors qu’il se mourrait, on le circoncit pour enlever sa plaie. Miracle, cela le sauva. Depuis lors, les descendants du guerrier perpétuent la tradition en circoncisant leur enfant lors du passage dans la communauté des adultes. C’est cette reconstitution historique qui se joue encore, au printemps, en dans le Nord-Ouest de la Zambie. Après la circoncision, les enfants passent un mois isolé dans la hutte, le temps de la cicatrisation, pour les protéger des mauvais esprits. À cette occasion, les ancêtres réapparaissent et viennent hanter le village. Certains sont bons et d’autre malicieux. Seul les initiés savent qui revêt les masques et les costumes symbolisant les figures tutélaires de leur peuple. Dans le secret de la hutte, ce sont les jeunes garçons qui les confectionnent.

Parmi les personnages emblématiques du Makanda, on trouve le Chisaluke représentant un homme riche et puissant à la grande influence spirituelle, le Mupala, esprit protecteur, le Pwevo, personnage féminin représentant une femme enceinte, symbole de fertilité et le Makishi qui évoque l’esprit d’un ancêtre décédé. Pendant que les enfants poursuivent leur initiation dans le secret le plus total, quatre mois durant, où ils apprendront les bases de l’artisanat local et recevront des leçons sur leur futur rôle de marié au sein de la communauté, les adultes chargés du culte viendront tous les jours pour semer la zizanie la plus festive au village. Cela dit, même si l’heure est aux festivités, les femmes et les jeunes enfants non initiés conservent une certaine défiance envers ses divinités dont l’acteur humain est totalement occulté. La farce fonctionne sur les esprits. Il fut un temps où les villages des alentours participaient aux dépenses faramineuses engendrées par l’achat d’habits neufs et des victuailles mais Patrick déplore que ce ne soit plus le cas. Pour y subvenir, il va devoir vendre deux bêtes de son troupeau.

Ce désintérêt progressif pour cette tradition ancestrale, dernière représentation d’une tradition orale très ancienne, trouve sa trace dans une misère grandissante qui pousse les adultes à émigrer en ville pour subvenir les besoins de leur village et délaisse alors les cultes ancestraux. Les bas prix négociés pour leur culture par les négociants internationaux participe de la mort de toute une culture. Avec le temps, la mascarade des Makishi, devient tout juste apte à servir de distractions lors des meetings politiques et de piège à touriste, perdant son âme et son rôle initiatique.

Boeringer Rémy