Blake snyder : whydunit

Par William Potillion @scenarmag

Blake Snyder a voulu identifié 10 genres spécifiques plus précis et offrant une ligne directrice plus pratique pour l’auteur. Cet article porte sur le genre du Whydunit.
Dans le Whydunit, c’est le lecteur qui découvre que quelque chose à propos de la nature humaine n’était pas possible tant que le crime n’était pas commis et que l’affaire soit lancée.
Bien que l’arc dramatique du héros soit toujours autant indispensable, ce n’est pas tant lui qui compte dans le Whydunit et il est par contre modéré par rapport à d’autres genres. Les histoires qui se déploient sous la forme du Whydunit explorent davantage les recoins les plus sombres du cœur humain. Le lecteur y découvre alors quelque chose d’inattendu, de sombre et souvent désagréable et puis peut-être surtout, la réponse à la question pourquoi ? (dixit Blake Snyder).

Pour Snyder, toutes les histoires où un mystère doit être résolu (les histoires policières essentiellement et autres thrillers) et le drame social parcourent le côté sombre de l’allée. Que ce soit Chinatown, Les hommes du président, JFK ou Mystic River, toutes ces histoires s’articulent sur une part d’ombre.

Le personnage principal d’un Whydunit est un substitut idéal du lecteur (il est très proche du narrateur dans sa fonction). Nous découvrons les indices au moment où il les découvre et en révèle la signification. Alors que la personnalité du personnage principal n’est pas modifiée par ses découvertes, elles agissent, par contre, sur la compréhension de l’histoire par le lecteur.

Que ce soit Jake Gittes dans Chinatown ou les deux journalistes dans Les hommes du président, ils possèdent toujours les mêmes valeurs et croyances qu’au début de l’histoire. Par contre, ce qu’on nous a montré dans cette histoire a un effet sur nous. Peut-être avons-nous acquis une certaine lucidité.

En pratique, bien qu’il y ait un substitut dans l’histoire, c’est le lecteur qui mène l’enquête, qui fait le tri des informations fournies par l’auteur et qui, en fin de compte, est bouleversé par ce qu’il découvre.
Le personnage principal de l’histoire nous représente pour mieux nous dire que cette investigation sur l’aspect le plus sombre de l’humanité qui nous est proposée avec cette histoire est souvent une investigation en nous-mêmes, à la découverte que cette part d’ombre illustrée devant nos yeux est aussi en nous.
Blake Snyder compare le Whydunit à une coquille de nautile comme nous progressons de plus en plus profondément dans les secrets de l’histoire, de plus en plus effrayé jusqu’à ce que se révèle l’horrible vérité : nous-mêmes.

Il est indéniable qu’il y a une part d’ombre en chacun de nous. L’auteur qui souhaite se lancer dans le mystère devra trouver des réponses dans l’obscurité de l’âme. Ignorant de ce qui peut se tapir mais qui nous guette, ce que l’on y trouvera est destiné à nous perturber. Les bonnes intentions et la droiture ne peuvent nous empêcher d’en être affecté.

Le motif récurrent du Whydunit est qu’il n’y a pas de mystère : tout est révélation. L’univers du héros est nécessairement sombre mais il est le seul à le comprendre et à l’arpenter ce qui donne la tonalité des histoires qui se réclament de  cette atmosphère particulière du Whydunit.

Le faucon maltais ou Chinatown sont des exemples marquants de Whydunit.  Toutes sortes  d’investigations sont susceptibles de relever de ce genre : Les hommes du président, JFK, Blade Runner, Qui veut la peau de Roger Rabbit, Basic Instinct, Fargo…

Cela peut être aussi l’histoire d’un limier amateur que la curiosité ou la nécessité pousse à vouloir résoudre un mystère pour se sauver lui-même ou d’autres mais qui, en fin de compte, ne découvrira que des vérités sur lui-même qui le bouleverseront à jamais (Mystic River en est un bon exemple).

Dans le Whydunit, il est important de comprendre le méchant de l’histoire et de découvrir le secret qui est à l’origine du crime. Le rythme d’un Whydunit est régulièrement ponctué de révélations que les auteurs font détonner tout au long de l’aventure.

Les composants d’un Whydunit sont :

  1. Une sorte d’enquêteur (généralement un peu blasé de la vie) qui n’est pourtant pas préparé à ce qu’il va trouver au cours de ses investigations,
  2. Un secret qui est la raison d’être de toute l’action,
  3. Un revirement sinistre au moment où le héros brise les règles dans la recherche du secret (que ce soit quelque chose qui le concerne personnellement ou non) et qui fait de lui un des rouages du crime.
Le mystère

Le secret et le besoin de savoir ce que c’est fait le mystère. Souvent, ce secret apparaît de façon insignifiante, un détail qui le trahit.

Il y a cinq questions qui constituent ce mystère :

  • Qui
  • Quoi
  • Quand
  • Pourquoi

et aucune de celles-ci n’est en ligne directe avec sa réponse, il faut contourner les leurres mis en œuvre pour les découvrir.

Pourtant le besoin d’aller jusqu’au bout de ce secret est si prégnant que nous ne pouvons nous empêcher de détourner le regard et ce secret devient de plus en plus puissant. Inévitablement, le revirement du héros se produit lorqu’il est si impliqué qu’il va aller à l’encontre de ses propres règles ou de celles du monde dans lequel il évolue pour trouver la réponse. Et il arrivera ce moment où il réalisera qu’il est l’un des éléments essentiels du crime ou bien qu’il est lui-même coupable d’un crime similaire dans son passé.
Dans Basic Instinct, Nick Curran ne se lance-t-il pas dans une relation intense et torride avec la principale suspecte jusqu’à en devenir la prochaine victime pour connaître la vérité ?

Le privé (1973) de Leigh Brackett, d’après le roman de Raymond Chandler et dirigé par Robert Altman met en avant une autre caractéristique du Whydunit.
Il s’agit de l’affaire dans l’affaire. Marlow commence à enquêter sur Terry Lennox accusé d’avoir assassiné sa riche épouse. L’enquête se clôt sur le suicide de Terry. Marlowe est ensuite engagé par Eileen Wade afin qu’il retrouve son mari alcoolique. Mais Marlowe apprend que le couple Wade connaissait les Lennox et est de plus en plus convaincu que toute la vérité n’a pas été faite concernant le meurtre de la femme de Terry et le suicide de ce dernier.
Ainsi l’affaire initiale est relancée par la seconde affaire. Cette technique narrative a pour avantage de révéler le thème de l’histoire. En reconsidérant la première affaire et en découvrant ce qu’elle signifie pour le héros, nous apprenons ce qu’était le véritable propos de cette histoire.

Le Whydunit fonctionne mieux lorsque le crime et les criminels qui l’ont ourdi sont d’abord introduit. Ainsi, l’immersion dans l’univers noir de l’histoire est mieux préparée.
Commencez par le méchant de l’histoire et imaginez pourquoi il a commis ce crime et comment il a leurré son monde pour couvrir ses traces. Ainsi, il vous sera plus facile de déterminer les indices qui seront progressivement découverts par votre personnage principal et vos lecteurs. Vous devez être ingénieux dans le camouflage des preuves et tout autant lorsqu’il s’agit de les révéler. Gardez à l’esprit qu’il s’agit d’une course contre la montre et vous ne devez jamais laisser trop de distance entre la révélation des preuves sans quoi le méchant de votre histoire risque de disparaître dans la nature.