Le précédent film de Frédéric Schoendoerffer, 96 heures (retrouvez nos critiques pour et contre), avait partagé la rédaction d’Une Graine dans Un Pot. Le convoi devrait mettre tout le monde d’accord. Le style académique du réalisateur s’adapte bien mieux à cette histoire de go-fast en quasi huit-clos où les personnages errent, fantomatiques, à l’ombre de leurs ambitions trahies.
Alex (Benoît Magimel que l’on a vu dans La French et La tête haute), Imad (Tewfik Jallab que l’on a vu dans La marche), Elyes (Madi Belem), Yacine (Amir El Kacem que l’on a vu dans Microbe et Gasoil), Rémi (Léon Garel), Réda (Sofian Khammes) et Majid (Foëd Amara) sont des potes de longues dates qui viennent tous de la même banlieue. Ensemble, il traîne dans des petits coups. Leur dernière magouille, c’est de participer à un go-fast entre la frontière marocaine et Paris. Ce qui devait ressembler à un convoi sans histoire va se transformer en cauchemar.
« Ce genre de gamins qui jouent les gros caïds au CJD, mais de peur qu’on ne les bute, le soir dans leur cellule, ils pleuraient comme des putes » chantait Akhénaton dans sa Lettre aux hirondelles, ce sont ce genre de gamins dont parle Le convoi. Et franchement, ça lui donne tout de suite un cachet monstre, une aura d’emblée mélancolique qui nous met à l’écart des histoires de caïds sans peur et sans reproches. Les types qui sont là auraient tous rêvés d’une autre vie, ils ne sont pas tombés dans la délinquance comme on entre en confession, comme tous les mafieux emblématiques du grand écran, ils ont l’air d’être là par inadvertance. On les voit faire les roublards, parler comme des queutards, dans leurs berlines aux vitres teintées et devant les artifices qu’ils étalent pour épater l’autre, on sent affleurer leurs faiblesses. Ils jouent les gros durs, mais ce sont tous des gosses. Les petites frappes veulent grandir trop vite, elles ont oubliés que rien ne sert de courir. Et lorsque le Go-fast déraille, plus personne n’a les épaules pour assumer.
Petit interlude, notons tout de même le gros point noir du scénario qui met quand même une fusillade avec la police qui n’est suivie ni d’une course poursuite ni de barrage routier renforcés… Paie ta cohérence ! Malgré tout, on se laisse emporter par l’histoire simpliste mais touchante de ses types dépassés par les événements. Les malfrats ont un petit cœur qui bat sous leurs vestes. Jusqu’à ce qu’elle s’invite dans la partie, la mort ne fait pas partie des options et la prison non plus. Pourtant, ça fait partie du jeu ma pauvre Lucette. Face à cette invitée incongrue, les gaillards sont mis en scène dans une optique nouvelle montrant leurs fêlures. L’un d’eux, blessés pleure toutes les larmes de son cœur à l’arrière d’une voiture. Ceux qui se font arrêtés, supplient la police de ne pas les blesser. Tous mesure que le jeu n’en valait pas la chandelle lorsque l’un des leurs rencontre la faucheuse. La plupart semblent ne s’être jamais servi des armes. C’est sur ce plan que Le convoi est agréable, sortant un petit peu des sentiers battus. Schoendoerffer réinvente les voyous à visage humain.
Petite surprise, Le convoi est un polar réussi à l’ambiance sombre porté par un casting investi. Alors que se déroule un véritable drame, que des solutions radicales sont envisagés, l’humanité des personnages ressort toujours tout en laissant la tension s’installer doucement. La caractérisation réussie permet de développer une véritable empathie de la part du spectateur. Le convoi réunit le charme des polars à l’ancienne et un soupçon de chronique sociale avec un style devenant de plus en plus nerveux. On ne peut que vous conseiller d’aller le voir.
Boeringer Rémy
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