Critique – Carol

Par Avisdupublic.net @avisdupublicnet

Carol de Todd Haynes ou l'amour en fuite de deux femmes dans les années 50. En voici une critique.

Présenté au dernier festival de Cannes, Carol est un de ces films magnifiques qui auraient pu prétendre à la Palme d'Or. Servi par un duo d'actrices époustouflantes (Kate Blanchett qui tient là son plus beau rôle et Rooney Mara qui est repartie de Cannes avec le prix d'interprétation féminine), le film explore avec une finesse remarquable l'attirance mutuelle de deux femmes dans une Amérique des années 50 encore largement corsetée.

The Struggle for Liberty

Carol raconte la rencontre de deux femmes que beaucoup de choses séparent (leur condition sociale et leur âge notamment) et parle de la liberté personnelle de choisir son orientation sexuelle dans un pays et une époque encore très opposés à cette idée. D'ailleurs, dans le film, le mari de Carol se sert de la relation de sa femme avec Theresa pour en faire une clause morale qui lui interdirait d'obtenir la garde de leur fille après le divorce. On sent bien cette pression sociale qui pèse principalement sur les épaules de Carol, plus assise dans la société que sur Theresa qui préfigure aussi par son ouverture et son refus des conventions, la femme qui émergera dans la décennie suivante. Todd Haynes sait brillamment jouer de cette différence entre les deux femmes pour installer une tension dramatique qui dépasse leur relation même et montrer les tiraillements émotionnels forts que provoque cette situation sociale. Kate Blanchett est magistrale dans ce difficile équilibre qu'elle doit maintenir entre les apparences pour espérer obtenir de continuer à voir sa fille et son amour béant pour Theresa. Mais Carol sait finement tenir en lisière cet arrière-fond social pour se consacrer pleinement à la splendide relation amoureuse de ces deux femmes en insistant principalement sur les jeux de regards comme une grammaire des rapports amoureux.

Jeux de regards, jeux de miroirs

Si Carol se révèle un film magnifique sur la liberté féminine, par sa construction, par la superbe prestation de ses actrices, il emporte vraiment l'adhésion par la qualité des ses images qui reconstituent les Etats-Unis des années 50 avec précision et par sa mise en scène qui insiste sur les regards échangés entre les deux femmes et les scènes tournées souvent à travers la fenêtre d'une voiture, dans l'enfilade de portes comme pour signifier toujours l'importance du regard dans une histoire d'amour. La scène splendide de la rencontre entre Carol et Theresa au rayon poupées de ce grand magasin commence par un jeu de regards subtils qui attire Carol vers Theresa et lui fait entamer la conversation sur le choix du jouet qu'elle va offrir à sa fille pour Noel. Regard sur lequel s'attarde la caméra pour laisser poindre toute l'émotion de chacune d'entre elles, plus fugitives chez Theresa, plus profondes chez Carol par toute une série de cadrages dont les images restent dans l'œil du spectateur comme la plus belle des réminiscences. Combien est délicate la scène d'amour où la caméra se met à survoler les deux corps abandonnés l'un à l'autre puis à entourer d'un voile protecteur leurs passionnelles étreintes. Combien est magnifique la scène finale où seuls parlent les regards lorsque Theresa arrive dans ce restaurant bondé à la recherche de Carol, où la caméra elle-même la recherche, tremble légèrement comme les jambes de Theresa.

Vous l'aurez compris, ce film est une merveille qui décrit avec une délicatesse et un sens de l'image exceptionnels l'histoire à la fois douloureuse et légère de ces deux femmes en quête de liberté. A ne manquer sous aucun prétexte!

Un autre avis sur Carol:

"Carol": la rencontre amoureuse filmée comme un miracle

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