Legend, et si Hardy y rentrait, dans la légende ?

Legend, et si Hardy y rentrait, dans la légende ?

Brian Helgeland, dont Legend est le sixième long-métrage, se colle pour la troisième fois à une biographie après Chevalier et 42. Tom Hardy, après le succès de Mad Max : Fury Road, confirme un talent exceptionnel en interprétant les deux frères jumeaux Kray qui firent les beaux jours de la pègre londonienne dans les années 50 et 60. Le film est inspiré par les romans de John Pearson, comparse de Ian Fleming, le père de James Bond.

Frances Shea (Emily Browning) habite les quartiers pauvres du East Side londonien. Son frère, Frank (Colin Morgan II) , travaille comme chauffeur pour un malfrat nommé Reginald Kray (Tom Hardy que l’on a donc vu dans Mad Max : Fury Road). C’est ainsi qu’elle fait sa connaissance et en tombe amoureuse. En épousant Reginald, elle accepte la promiscuité de son frère jumeau dément, Ronald Kray (Tom Hardy également).

Legend, et si Hardy y rentrait, dans la légende ?

Ronald Kray et Reginald Kray (Tom Hardy)

Difficile de savoir si la réussite de Legend repose sur la mise en scène de Brian Helgeland ou bien si c’est la prestation hallucinante de Tom Hardy qui donne tout son cachet au film. On serait tenté de dire que c’est l’ensemble, hautement maîtrisé, qui nous a fait passer deux heures sans s’en rendre compte dans l’univers du Royaume-Uni d’après-guerre. Legend décrit le passage d’une ère à une autre, d’un banditisme classique à une véritable entreprise mafieuse. C’est l’avant-dernière étape avant la criminalité en col blanc de la finance. Régulièrement, les liens unissant la pègre et l’aristocratie sont démontrés lorsque des scandales explosent. C’est ce qu’il arriva lorsque l’on s’aperçut que le Lord Boothby, un conservateur et Tom Driberg, un travailliste, furent convaincus par la presse de participer à des sauteries au domicile de Ronald Kray. À travers les yeux de Frances Shea, Legend donne aussi à voir le milieu machiste de la pègre, la bête propension des hommes « normalement » constitué à tout régler par les points… même les disputes conjugales. Elle compare à juste titre, l’aristocratie londonienne avec la pègre dont elle rapproche le goût de l’artificiel, l’envie permanente de tromper l’ennui et le goût de l’argent gagné sans sueur. C’est toujours vrai aujourd’hui même si les administrateurs ont remplacé les Lords. Ils confondent opulence et bon goût, honneur et éthique. Si Legend rend charismatiques les deux frères Kray, dans la plus pure tradition du film de gangster, Frances est le contrepoids nécessaire pour les renvoyer tout deux là où il devrait être : sous les quolibets et jeter dans l’opprobre.

Legend, et si Hardy y rentrait, dans la légende ?

Nipper Read (Christopher Eccleston) et Reginald Kray (Tom Hardy)

Sans compter le maquillage incroyable, le soin apporté aux décors et aux costumes, les costards des frères comme les atours de Frances, la reconstitution des bars et des rues londoniennes, imprègnent immédiatement le spectateur de l’ambiance des années 50. Legend adopte un point de vue assez réaliste et en suivant les parrains de la pègre, il évite de faire trop de digressions sur des hommes de mains au travail. Globalement, le film contient peu de scène violente. Il n’est donc vraiment pas dans l’intention de Brian Helgeland d’esthétiser à outrance les gangsters et la violence sous-jacente à leur milieu. Toute la tension de Legend se construit sur la dichotomie entre les deux frères avec la prestation incroyable de Tom Hardy, louchant parfois sur Marlon Brando, pour incarner Ronald, le psychotique de la fratrie. On est toujours tendu de savoir quand les choses vont dégénérer, Legend réussissant à nous tenir dans une haleine constante. Alors que Reginald a de l’allure, toujours classieux, un vrai dandy, Ronald est une bombe à retardement dont les yeux brillent d’une pure folie. Son unique ambition est d’assouvir une violence contenue qui ne demande qu’à s’exacerber. Au milieu de ce duel permanent, Emily Browning, qui a fait bien du chemin depuis Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire et que l’on a pas réussi à oublié dans Sucker Punch, est parfaite. C’est elle qui insuffle une âme supplémentaire au film en lui donnant un aspect plus humain et cassant l’habituelle hagiographie que l’on sert aux mauvais garçons emblématiques du self-made man. Sans l’amour de sa belle, le grand garçon n’est plus l’ombre que de lui-même. S’il les deux hommes inquiètent, c’est la seule à émouvoir.

Legend, et si Hardy y rentrait, dans la légende ?

Frances Shea (Emily Browning) et Reginald Kray (Tom Hardy)

Venus de rien, mais ayant choisi de continuer à l’être, malgré les apparences d’opulences, renonçant à la société du côté de Ronald et à l’Amour du côté de Reginald, les deux malfrats vont tout perdre. Legend, c’est un peu La cigale et la fourmi chez les gangsters. Tout autant qu’une tragique histoire d’amour.

Boeringer Rémy