Un grand merci à Ad Vitam ainsi qu’à l’Agence Cartel pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd du film « Les deux amis » de Louis Garrel.
« Il faut qu’on arrête de se voir. Je ne peux pas avoir quelqu’un pour l’instant. »
Clément, figurant de cinéma, est fou amoureux de Mona, vendeuse dans une sandwicherie de la gare du Nord. Mais Mona a un secret, qui la rend insaisissable.
Quand Clément désespère d’obtenir ses faveurs, son seul et meilleur ami, Abel, vient l’aider.
Ensemble, les deux amis se lancent dans la conquête de Mona.
« Je suis très libre. Ma vie est très compliquée. Je n’ai de place pour personne »
Petit-fils du comédien Maurice Garrel, fils du réalisateur Philippe Garrel, Louis Garrel est un enfant de la balle, bercé depuis son plus jeune âge à l’ombre du septième art. Il était presque naturel de le voir devenir acteur. Il s’est d’ailleurs construit en une dizaine d’années une jolie filmographie, très orientée vers le cinéma d’auteur (Bernardo Bertolucci, Christophe Honoré, Philippe Garrel, Valeria Bruni-Tedeschi...). Néanmoins, l’envie de passer à la réalisation le titillait depuis un moment. Ainsi, après deux courts-métrages (« Mes copains » en 2008 et « Petit tailleur » en 2010) et un moyen-métrage (« La règle de trois », lauréat du Prix Jean Vigo 2012), il signe avec « Les deux amis », adaptation contemporaine de la pièce « Les caprices de Marianne » d’Alfred de Musset, son premier long-métrage. L’occasion de retrouver son metteur en scène fétiche et complice, Christophe Honoré, qui cosigne le scénario du film.
« Quand tu veux pas qu’une porte se ferme, il faut mettre le pied dans la porte »
« Les deux amis », c’est avant tout l’histoire d’un triangle amoureux. De deux amis qui ont en commun de désirer la même femme. Un thème qu’on peut considérer comme un classique du Cinéma français (les souvenirs de chefs d’oeuvre comme « Jules et Jim » ou « César et Rosalie » ne sont pas bien loin) et que Louis Garrel avait déjà effleuré dans son précédent court-métrage « La règle de trois », porté par le même trio d’acteurs. Mais l’originalité du film repose sur le parti pris scénaristique de ne pas tant focaliser le récit sur les relations amoureuses de Mona mais bien de le recentrer sur la relation d’amitié qui unit Clément et Abel. Avec beaucoup de délicatesse et d’élégance (magnifique photographie), Garrel ausculte donc cette amitié ancienne mise à mal par la rencontre de Mona et la rivalité entre les deux amis. Avec en point d’orgue un magnifique face-à-face entre Garrel (qui pour le coup ne s’est pas donné le beau rôle) et Macaigne, dans lequel ce dernier déclare magnifiquement mettre fin à une amitié devenue ambigüe et toxique. Sur la forme, Garrel signe un film d’où transpire une certaine liberté, rappelant un peu les films de la Nouvelle Vague. Bien qu’ancré dans un réalisme social plutôt mélodramatique (il y est notamment question de prison, d’amitié finissante et d’amours impossibles) et dans des décors impersonnels (gares, prison, douches publiques, hôtel), le récit ose néanmoins quelques belles embardées humoristiques (la rencontre du veilleur de nuit de l’hôtel) et poétiques (l’oiseau offert en cadeau, la scène où le trio fait de la figuration sur le tournage d’une scène de barricade) qui insufflent au film une certaine légèreté ainsi qu’une tonalité singulière. D’autant plus que le réalisateur a la bonne idée d’éviter toute fioriture inutile en misant sur un format plutôt court (1h36). Porté par un trio de comédiens épatants de fraicheur, « Les deux amis » se révèle être au final une très belle surprise. Un film élégant, touchant et attachant.
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