Le mois de janvier est une vraie nécrologie, un mois désastreux pour le 7ème Art et on apprend un énième décès avec la disparition du réalisateur Jacques Rivette en ce jour du vendredi 29 janvier 2016 à l'âge de 87 ans.
Né en 1928 à Rouen, fils de pharmacien, le jeune Jacques Rivette se passionne très tôt pour le cinéma et animera d'ailleurs un ciné-club dans sa ville natale. Il sera marqué par le film "Mon homme Godfrey" (1936) de Grégory La Cava et par la lecture du journal de tournage de "La Belle et la Bête" (1946) de Jean Cocteau. Il monte à Paris en 1949, année où il signe son premier court-métrage "Aux quatre coins". Il s'inscrit à la Sorbonne mais passe plus de temps au ciné-club du Quartier Latin que sur les bancs de l'université.
Il rencontre Maurice Schérer avec qui il devient ami, qui sera plus connu plus tard sous le nom de Eric Rohmer. Ils fondent ensemble la Gazette du Cinéma en 1950 avant de rejoindre l'équipe du magazine Les Cahiers du Cinéma, avec entre autres François Trufaut et Jean-Luc Godard. Il est décrit par Jean Douchet comme "l'âme secrète du groupe, le penseur occulte, un peu censeur". Jacques Rivette sera rédacteur en chef de la revue de 1963 à 1965 et y collaborera jusqu'en 1969.
Il effectue quelques stages sur des tournages dont sur celui de "French Cancan" (1954) de Jean Renoir, un de ses maitres auquel il consacrera d'ailleurs plus tard un documentaire (1967). Il signe un autre court métrage "Le coup du berger" (1956), le succès international de ce court produit par Pierre Braunberger décide ses amis François Truffaut et Claude Chabrol à passer eux aussi à la réalisation. Rivette se lance ensuite pour son premier long métrage "Paris nous appartient" (1958) qui ne sortira en salle qu'en 1962, un film dans lequel se dessine déjà ses sujets de prédilection comme le complot, le théâtre et Paris. Le film a de grandes difficultés à se terminer pour des raisons de financement. Jacques Rivette le termine grâce à un emprunt au Cahier du Cinéma et arrive enfin à le sortir grâce au soutien financier de ses amis Chabrol et Truffaut. Malheureusement, le film est un échec.
Son second film est un adaptation littéraire, "Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot" (1966 - ci-dessus), titré ainsi sur la volonté du réalisateur. Ce film (une jeune fille jouée par Anna Karina mise de force dans un couvent mais qui refuse de prononcer ses voeux) est censuré dans un premier temps, ce qui éveille un fort mouvement de soutien dont la célèbre lettre de Jean-Luc Godard intitulée "Lettre au ministre de la kultur" (André Malraux). Un mouvement de soutien qui reste un des éveils annonciateurs de Mai 1968. Le film sort finalement en juillet 1967 et rencontre un succès d'estime. La décision définitive d'annuler la censure ne sera confirmée qu'en 1975 !
Jacques Rivette tourne ensuite "L'Amour Fou" (1968 - ci-dessus), connu pour sa durée de 04 heures 12 minutes. Mais le réalisateur fait encore mieux (ou pire ?!) avec le film "Out 1 : Noli me Tangere" (1970) dont la durée de la version originale fait 12 heures 40 minutes ! Ne trouvant pas de distributeur, il en fera une version grand public "Out 1 : spectre" (1971) qui sortira en salle.
Il usera de la même méthode pour le film "Céline et Julie vont en bateau" (1974 - ci-dessus) qui dure au final 03 heures 12 minutes. Les films de Rivette feront très rarement moins de 2h...
Après un intermède plus "réaliste" avec "Le Pont du Nord" (1980), Jacques Rivette développe une nouvelle fois ses sujets favoris (complot, mystère et théâtre) avec les films "L'Amour par terre" (1984) et "La bande des quatre" (1988 - ci-dessus).
Il tourne ensuite son film qui est sans doute aujourd'hui son plus connu, "La Belle Noiseuse" (1991 - ci-dessus) avec Emmanuelle Béart en muse du peintre Michel Piccoli. Sublime film primé du Grand Prix du Jury au festival de Cannes 1991.
Fort de cette reconnaissance, le réalisateur signe ensuite un dyptique ambitieux sur la vie de Jeanne d'Arc. "Jeanne la Pucelle : les batailles" et "Jeanne le Pucelle : les prisons" (1994 - ci-dessous) avec Sandrine Bonnaire dans le rôle titre.
Il tourne ensuite "Haut Bas Fragile" (1995) et retrouve Sandrine Bonnaire dans un genre qu'il n'a que peu visité avec le policier "Secret Défense" (1998).
Les années 2000 débute avec "Va Savoir" (2000) inspiré librement du film "Le Carosse d'Or" (1953) de Jean Renoir. Il retrouve sa noiseuse Emmanuelle Béart pour "Histoire de Marie et Julien" (2003).
Ses deux derniers films sont des gros échecs commerciaux. "Ne touchez pas à la hâche" (2007) adapté de "La Duchesse de Langeais" de Balzac, ne totalise pas plus de 160000 entrées en Europe. Son dernier film, "36 vues du pic Saint-Loup" (2008 - ci-dessus sur le tournage) fera beaucoup moins encore...
Jacques Rivette est un réalisateur important de par son travail, de son influence au sein des Cahiers du Cinéma et de la Nouvelle Vague. La durée de ses films (souvent plus de 02h30) et la lenteur de ses récits rebutent le plus souvent. Jacques Rivette travaillait sans scénario, juste quelques pages de synopsis que les acteurs découvraient souvent la veille ou le jour même du tournage.
Jacques Rivette est décédé ce jour du vendredi 29 janvier 2016 à l'âge de 87 ans