Premier grand film français populaire parlant, Marcel Pagnol dû se battre pour imposer sa vision avant gardiste du cinéma parlant… en encaissant les coups des théâtreux jugeant qu’il se fourvoyait et des cinéastes critiquant ce cinéma bavard… alors que le parlant n’avait que 4 ans d’âge. Mais la popularité du film, toujours pas démentie aujourd’hui par des remakes malgré tout de bon niveau (version Auteuil), démontre que la qualité transcende le temps… 85 ans déjà… et que le côté bavard décrié fait contribue à son succès actuel.Fin négociateur Pagnol obtint l’entière liberté quant au casting et l’adaptation, devant simplement accepter en échange de ne pas mot dire sur les adaptations allemandes et suédoises que le studio produisait en parallèle et auxquelles le studio croyait bien plus que dans cette version hypothéquée par la présence de ce si exigeant (et inconscient) auteur qui imposait des comédiens de théâtre et refusait de raccourcir ses textes. Des versions"réalisées avec de vrais acteurs de cinéma, un vrai treatment (c'est-à-dire que le scénario department avait rendu la pièce méconnaissable), un vrai découpage (c'est-à-dire que la plus longue prise de vues ne dépassait pas trente secondes) et une vraie mise en scène (c'est-à-dire que l’appareil s’était continuellement promené à travers le décor comme s’il tournait autour du pot)" (Marcel Pagnol dans La Cinématurgie de Paris). La Paramount est effrayée par ce film si long (deux heures !) aux dialogues interminables, à même de rebuter des spectateurs qui, ils pensent, ne sont pas prêts à accepter une telle logorrhée verbale. Mais le producteur tient parole et laisse toute latitude à Pagnol quant aux choix artistiques et qui est assuré de superviser le tournage même s’il ne signe pas la mise en scène du film.Pagnol su aussi s’associer à un professionnel de la mise en scène, Korda. La grande qualité de sa mise en scène a été de recréé en décor naturel l’ambiance de Marseille. La trilogie nous offre quelques beaux moments de cinéma, notamment ses scènes de rue qui préfigurent le néoréalisme (de nombreux cinéastes italiens affirmeront que ce mouvement était déjà tout entier chez Pagnol), c’est la beauté et la profondeur des personnages qui font de cette trilogie le chef d’œuvre que l’on connaît. Tous les rôles sont ainsi fouillés, mis en avant à un moment ou à un autre. Il n’y a jamais de méchants chez Pagnol. Des personnes qui se fourvoient, des inconscients, des qui s’enferrent dans un rôle, oui. Et les personnages les moins défendables ont toujours leur chance, leur histoire.Et puis ce film renferme de grands moments comiques devenus anthologiques. On pense naturellement à la partie de cartes qui failli ne pas voir le jour. Les longs dialogues, caméra fixe, sont trop loin des standards de l’époque, le cinéma vient juste de commencer à parler. Et puis les improvisions permanentes de Raimu sont d’une drôlerie rarement égalée. Le pris de la pellicule imposait de ne pas tourner 15 fois la même scène et merci pour les perles qui en sont nés. La plus belle à mon goût est celle au Raimu se moque de l’accent alsacien de Fresnay (le seul à feindre l’accent marseillais) autour du mot « mère ».Donc une belle comédie tournant au mélodrame tout en retenu… Un film à voir et à revoir, revoir, revoir…
Sorti en 1931
Ma note: 20/20