De: Hilary Mantel.
Tome 1 et 2
Résumé Wikipédia: Born to a working-class family of no position or name, Cromwell rose to become the right-hand man of Cardinal Thomas Wolsey, adviser to the King. He survived Wolsey’s fall from grace to eventually take his place as the most powerful of Henry’s ministers. In that role, he oversaw Henry assert his authority to declare his marriage annulled from Catherine of Aragon and marriage to Anne Boleyn, the English church’s break with Rome and the dissolution of the monasteries.
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C’est durant la période qui a suivie mon anniversaire que j’ai fait la rencontre avec cette saga. Rencontre totalement fortuite au rayon livre d’un supermarché.
Moi, qui d’ordinaire n’aime pas vraiment acheter à l’aveuglette un roman d’autant plus si je connais pas l’auteure: là, j’ai pris un risque. Risque atteignant d’ailleurs les 958 pages en version pocket. Ceci dit, une fois le livre bien calé dans ma main j’ai eu la certitude que je ne serai pas déçue. En effet, j’ai su d’instinct que cette œuvre était faite pour moi.
Il faut dire que l’année 2015 fut rythmée par l’histoire anglaise avec notamment la découverte de l’excellente série, Les Tudors. Durant mon visionnage, une question me turlupinait gravement: qui était Thomas Cromwell. Il m’a semblé alors que le récit d’Hilary Mantel pourrait m’apporter la réponse; là où la série et ce pour des raisons évidentes, ne faisait que l’effleurer.
Bon sang, songe-t-il, à mon âge je devrais savoir. On ne réussit pas en étant original. On ne réussit pas en étant brillant. On ne réussit pas en étant fort. On réussit en étant un escroc subtil
Thomas Cromwell ou Cremuel pour les intimes, est une énigme pour tous. Dieu sait si son fervent ami le feu Cardinal Wosley en savait davantage que les autres sur cette question. Ses origines modestes et troublantes ont façonné un mythe mais l’homme, le politicien cachent très bien leur jeu. Impassible, intelligent, modeste ( du moins à ses débuts) et redoutable fin stratège, l’avocat sait mieux que quiconque comment plaire au roi.
Mais quand Cremuel délaisse ses habits, qu’en advient-il? Qui est Cremuel dans l’intimité de sa demeure à Austin Friars? Un brillant érudit qui forme à la pelle des jeunes issus de familles modestes; redistribuant ainsi la chance qui a lui-même eu durant sa jeunesse. C’est aussi un père aimant quoique distant. L’homme semble obnubilé par ses affaires, par les fantômes aussi; ceux de son épouse et de leurs filles, Wosley, son père Walter puis un peu plus tard par Thomas Moore.
Il est évident qu’ici on en sait plus sur le personnage bien qu’ici Cremuel passerait presque pour un honnête homme alors qu’il n’en est rien du moins pas tout à fait. Néanmoins, j’ai la très nette impression que plus j’en sais sur l’homme moins j’en sais. Lui-même le savait-il? Il faut dire que dans un monde régi par les traitrises, les complots et l’instabilité d’un roi: il y a de quoi à avoir peur, à apprendre à garder son sang froid en toute circonstance et à apprendre à se protéger. A ne pas trahir peut-être son vrai moi; à l’enfermer à double tour quelque part où nulle autre que soi ne peut l’atteindre. Mais, le risque c’est de ne plus savoir qui on est vraiment; Cremuel semble enfiler jour après jour une identité – avec autant de facilité qu’un vêtement – selon les dispositions et le bon vouloir du roi.
La guerre était leur nature, et la guerre est toujours prête à revenir. Ce n’est pas juste au passé qu’on pense quand on traverse ces champs à cheval. C’est à ce qui est latent sous le sol, ce qui se multiplie ; c’est aux jours à venir, aux guerres futures, aux blessures et aux morts que le sol d’Angleterre garde au chaud comme des graines.
Dans un tout autre registre, je me dois d’ajouter qu’en commençant le tome 1, j’avais en tête pour je ne sais quelle raison que Cremuel était Thomas Moore. Contrairement à la série, ce dernier est traité comme une érudit ayant brûlé des hérétiques tandis que le portrait de son rival est traité sous un meilleur jour. Aussi, Thomas Moore nous apparait avec plus de nuances, moins édulcoré mais aussi très subjectif puisqu’il est vu à travers les yeux de Cromwell. Et, je ne vous parle même pas de Charles Brandon traité ici comme un duc stupide et incompétent. Entre nous soit dit, je préfère la version incarnée par Henry Carvill.
Tout ça a fait aussi que je cherchais à chaque fois de mettre des visages sur les personnages; à comparer. Parfois, je me souvenais pas de qui était qui; d’autres fois, je me disais : » Ah tiens, je le voyais pas du tout comme ça ». Autre chose qui n’arrange rien c’est qu’il semble qu’en Angleterre à cette époque là, la tendance était d’appeler ses fils Thomas. Du coup, pour s’y retrouver avec les Thomas Moore, Thomas Wosley, Thomas Cromwell, Thomas Boleyn, Wyatt et j’en passe…c’est hardi. Ajoutons histoire de corser un peu la chose, la multitude de titre aux sonorités avoisinantes: Le duc de Nolfork, Sulfork…etc.
Heureusement, que l’auteure a eu l’ingénieuse idée d’établir au début de chaque tome une rapide chronologie des événements ainsi qu’une liste des personnages et de leurs titres. L’arbre généalogique des Tudors est également dessiné ainsi que les autres héritiers à la couronne comme les Plantagenêt. Cela facilite grandement la lecture bien que celle-ci soit difficile au début.
Une génération plus tard, les fautes doivent être pardonnées, les réputations rétablies ; sinon l’Angleterre ne peut avancer, elle retournera sans cesse à son sale passé.
Difficile pour les raisons que j’ai évoquées plus haut mais pas que. J’avais acheté le tome 1 en version poche ayant l’épaisseur d’un dictionnaire avec ses 946 pages. Très vite, cela s’est révélé inconfortable, encombrant pour la lecture et pour mes poignets délicats à force. Il aurait vraiment fallu séparer le tome 1 en trois parties ou alors lire une édition plus aérée comme celle de Sonatine ( ce que j’ai fait pour le tome 2).
Il serait peut-être temps de vous dire pourquoi j’ai tant aimé cette fresque historique, intellectuelle, passionnelle sur la cour anglaise sous le règne d’Henri VIII. Ça n’aurait pas été injuste de mettre la note maximale à cette œuvre tant c’est passionnant, exaltant, enrichissant et dépaysant. Nous côtoyons et festoyons, nous lecteurs, aux côtés d’hommes illustres, brillants ; et pourtant, humains en proie aux mêmes désirs, aux mêmes rêves et ambitions que nous. En prise aussi aux mêmes démons dans une Angleterre qui pourtant regorge d’érudits. Il est toujours intéressant de voir que même une cour savante, entourée des meilleurs (comme des pires) ne peut s’empêcher de faire des erreurs. Roi et reine oui mais humains avant tout; « pauvres » pécheurs surtout.
J’en viens maintenant à ce qui m’a moins plu. Une fois encore, je ne sais pas si c’est la condensation des mots dans le version poche qui a exagéré ce méfait mais cela m’a profondément dérangé dans le tome 1: les dialogues. C’est l’unique défaut du livre et surtout de la prose d’Hilary Mantel. J’en serai presque à dire qu’elle n’aime pas les dialogues du moins leur forme de sorte que style direct et indirect s’emmêlent dans un galimatias conséquent. Fervente adepte des » Il dit « , il est très difficile pour le lecteur de différencier celui qui parle et celui qui écoute notamment lorsque deux Thomas discourent.
Pendant des centaines d’années les moines ont tenu la plume, et ce qu’ils ont écrit est ce que nous prenons pour notre histoire, mais je ne crois pas que ça le soit réellement. Je crois qu’ils ont supprimé l’histoire qui ne leur plaît pas et écrit celle qui arrange Rome.
En outre, ce genre de procédés est très indigeste et pas très esthétique non plus. Très souvent, il m’a fallu relire tout un passage pour comprendre ce dont il était question. De façon générale, cela a tendance à rendre la lecture très laborieuse; et plus grave, à désenchanter les lecteurs les moins courageux à poursuivre le combat. Mais, au risque de me répéter encore et encore, le choix de l’édition y est pour beaucoup. Dans celle de Sonatine par exemple, le texte est beaucoup plus aéré, les dialogues mis en valeur avec les signes de ponctuation inhérent à cette particularité textuelle.
Après avoir suivi l’ascension de Cremuel, il me tarde de voir sa chute. Dans la série, Thomas Moore enfermé à la Tour disait à ce dernier: » Aujourd’hui, c’est moi. Demain, c’est vous ». Le martyr ne s’était pas trompé; seulement voilà il me faudra attendre car à mon plus grand regret, le tome 3 n’est toujours pas publié et sans doute inachevé.
19 SUR 20
Cette saga a fait l’objet d’une adaptation en série, intitulée Wolf Hall.
Elle a d’ailleurs remportée pour l’Emmy Awards de la meilleure série tandis que Damian Lewis (inoubliable Brody dans Homeland) était nominé pour meilleur second rôle dans une mini-série.