Genre : drame, érotique (interdit aux - 16 ans)
Année : 1976
Durée : 1h52
L'histoire : Un jeune provincial, cambrioleur d'occasion, visite l'appartement d'une jeune femme rencontrée le jour même. Il y découvre une trappe menant à un autre appartement inoccupé ainsi que la profession de sa nouvelle amie, maîtresse.
La critique :
Dès 1969, Barbet Schroeder s'impose comme un réalisateur polémique et controversé avec son tout premier long-métrage, More. Avec ce drame, Barbet Schroeder s'inscrit déjà dans le mouvement hippie. Tendance qu'il confirme avec son film suivant, La Vallée (1972). A l'époque, le cinéma suit l'évolution des moeurs. En 1974, Gérard Depardieu tourne Les Valseuses de Bertrand Blier, une comédie dramatique à la fois grivoise et goguenarde. Avec Les Valseuses, Depardieu devient un acteur emblématique et générationnel.
En compagnie de Miou-Miou et de Patrick Dewaere, il devient également le symbole de cette France indocile et moribonde qui fustige les années de Gaulle et Pompidou. Après l'immense succès des Valseuses, l'interprète déjà ventripotent enchaîne les tournages.
En 1976, il apparaît dans cinq longs-métrages : Barocco (André Téchiné), 1900 (Bernardo Bertolucci), Je t'aime moi non plus (Serge Gainsbourg), La Dernière Femme (Marco Ferreri) et Maîtresse. Ce dernier film fait partie des illustres inconnus dans la filmographie de l'acteur. Lorsque Depardieu rencontre Barbet Schroeder... Hormis Gérard Depardieu, ce drame réunit Bulle Ogier, André Rouyer, Nathalie Keryan et Tony Taffin. Attention, SPOILERS !
Fraîchement arrivé à Paris, Olivier (Gérard Depardieu) rejoint un copain qui l’embauche pour vendre des livres en faisant du porte-à-porte. Dans un vieil immeuble, ils viennent en aide à Ariane (Bulle Ogier), qui a des problèmes de plomberie, et qui leur apprend que l’appartement du dessous est inoccupé.
Ils reviennent pour le cambrioler et découvrent qu’il est en fait le « donjon » d’une dominatrice professionnelle, se retrouvant prisonniers... d’Ariane, descendue de son logement par un escalier amovible. Elle les libère en contrepartie d’un service très particulier rendu par Olivier lors d’une séance avec un client. Commence alors une idylle entre lui et Ariane...
En l'occurrence, Barbet Schroeder signe un film complexe qui s'inscrit à la fois dans le cinéma de la Nouvelle Vague et dans un contexte de libération sexuelle. Dans Maîtresse, il est bien question d'une sexualité débridée, entre autres, de sadomasochisme, de tortures et d'urophilie. Conspué et moriginé au moment de sa sortie, le film sort (plus ou moins) dans l'indifférence générale.
Confiné et relégué aux oubliettes, Maîtresse pâtit du succès d'Emmanuelle (Just Jaeckin, 1974). Dans le film de Barbet Schroeder, point de décors paradisiaques ni d'atermoiement sur la psychologie des protagonistes. Le long-métrage relate avant tout l'histoire d'amour impossible entre Olivier, un jeune paumé, et Ariane, une adepte du sadomasochisme.
A l'instar de Salo ou les 120 Jours de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1975), Barbet Schroeder revisite à sa manière cette dialectique du maître et de l'esclave. Par certains aspects, Maîtresse n'est pas sans rappeler La maman et la putain (Jean Eustache, 1973). Pour Schroeder, il s'agit de comprendre et d'analyser les relations entre les hommes et les femmes. Lorsque le sexe féminin s'ouvre aux fantasmes et au désir sexuel...
Libérée du joug masculin, Ariane joue les dominatrices et s'ébaudit du sexe masculin, de ce phallus en détumescence. Dans Maîtresse, les hommes ne sont pas seulement bafoués et humiliés. Ils sont aussi tancés, brocardés et ridiculisés. Dans la première partie du film, Barbet Schroeder nous convie dans un huis clos étouffant et anxiogène. Tout d'abord, il y a Olivier, un petit larron sans envergure qui s'éprend de la belle Ariane. Aveuglé par le magnétisme, la volupté et la vénusté de cette femme, Olivier se laisse transporter dans un monde érotique et fantasmagorique.
Dans Maîtresse, le sadomasochisme devient un jeu de domination et d'assouvissement total. Fallacieuse, manipulatrice et machiavélique, Ariane invite son nouveau partenaire dans des jeux d'humiliation et de torture.
Comment posséder et désirer cette femme à la fois dominatrice, vénale et cupide ? Olivier enquête sur les cachotteries de son énamourée. A aucun moment, Barbet Schroeder ne pose de diagnostic ni de jugement sur la psychologie de son duo libidineux. Le réalisateur confère à son film une ambiance souvent déroutante, limite lénifiante. Ici, peu de séquences en extérieur.
La plupart du temps, le film s'apparente à une dramaturgie et à une guerre des sexes impitoyable. Le long-métrage se veut indocile, cru et brut de décoffrage. A l'image de cette scène se déroulant dans un abattoir. Plus que jamais, le sexe est relié à la mort. La romance entre Olivier et Ariane doit se finir dans la violence et la déréliction. Tel est le propos nihiliste de Barbet Schroeder.
Clairement, Maîtresse ne plaira pas à tout le monde et s'adresse à un public particulièrement averti. Paradoxalement, le long-métrage ne sombre jamais dans la vulgarité. Au contraire, ll se dégage même de cette oeuvre particulière, presque inclassable, une amertume, une grande mélancolie.
Note : 15/20
Alice In Oliver