La Bombe - The War Game (L'Âge atomique)

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Genre : documentaire, anticipation (interdit aux - 12 ans)
Année : 1965
Durée : 1h50

L'histoire : Une bombe atomique soviétique s'abat en Angleterre. A partir de cette hypothèse faite dans le contexte de la guerre froide, Peter Watkins imagine les conséquences immédiates de l'attaque, l'éventualité et les conditions d'une survie. 

La critique :

Réalisateur britannique, Peter Watkins fait du documentaire-fiction sa spécialité. La guerre, la propagande et la critique des médias de masse deviennent ses sujets de prédilection à travers plusieurs longs-métrages, toujours tournés sous la forme de documentaire, notamment La Bataille de Culloden (1964), Privilège (1967), Punishment Park (1971) ou encore The Trap (1975).
Vient également s'ajouter La Bombe (aka The War Game), réalisé en 1965. Le film sort dans un contexte de Guerre Froide entre la Russie et les Etats-Unis. Le monde vit dans la terreur d'une éventuelle Troisième Guerre Mondiale. Désormais, les batailles ne se déroulent plus dans les tranchées, mais dans les déflagrations et les radiations nucléaires.

L'Humanité a franchi un pas supplémentaire vers le précipice et la décadence. Sommes-nous condamnés à nous annihiler ? Telle est la question posée par Peter Watkins. A l'origine, La Bombe doit être conçu comme une simulation crédible d'une attaque nucléaire lancée sur l'Angleterre. Sur les instigations du gouvernement britannique, Peter Watkins s'attelle à la tâche.
Mais, contre toute attente, le résultat final dépasse les espérances. Pour le gouvernement britannique, The War Game doit prendre l'apparence d'un documentaire de propagande, réalisé à l'effigie et à la gloire de leur armée et de leur puissance militaire. Or, Peter Watkins tient à réaliser un documentaire fiction particulièrement réaliste et alarmiste. Le gouvernement somme le cinéaste de revoir sa copie, mais Peter Watkins refuse. 

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Honni et voué aux gémonies, le réalisateur doit se résoudre à quitter sa terre natale. Censuré et banni, The War Game ne sortira pas sur le sol britannique. A contrario, le film obtient plusieurs récompenses, notamment un Oscar et le prix spécial au festival de Venise. Par la suite, La Bombe va inspirer et influencer de nombreux succédanés, entre autres, Le Jour d'Après (Nicholas Meyer, 1983) et Threads (Mick Jackson, 1984). Ces deux ersatz science-fictionnels seront eux aussi réalisés dans un contexte de guerre des missiles. Plus que jamais, le monde est menacé d'extinction.
Il faut à tout prix alerter les gouvernements sur les dangers d'une guerre nucléaire. C'est ce que tente de faire Peter Watkins à travers ce moyen-métrage d'une durée de 48 minutes.

Produit par la BBC, The War Game pose le postulat d'une hypothétique Troisième Guerre Mondiale. A partir de là, quelles seraient les conséquences immédiates de cette bombe atomique ? Ses corollaires sur les survivants, les cadavres et la population ? Pour la réalisation de La Bombe, Peter Watkins s'inspire de données et d'images recueillies sur plusieurs sites et lieux de bombardements : Nagasaki, Hiroshima, Dresde, Darmstadt et Hambourg sont des exemples tristement célèbres. 
La première partie du moyen-métrage s'apparente à une enquête journalistique. Caméra à l'épaule, Peter Watkins est le narrateur du film et aussi celui qui vient interroger une population vivant à la fois dans l'ignorance et la terreur. Plusieurs habitants sont tarabustés de questions : par exemple, en quoi consiste une attaque nucléaire ? 

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A la grande surprise du (faux) journaliste, la plupart d'entre eux ignorent la réponse. Hélas, quelques minutes plus tard, les premières conflagrations commencent. Les dépouilles faméliques et carbonisées s'amoncellent. Dépassée, l'armée doit à la fois gérer la panique au sein de la ville et entasser les morts. Ce sont donc des camions qui transportent les corps.
Pas le temps de les enterrer. Pas le temps de relever les identités. Pas le temps de prévenir les familles. Les dépouilles sont déposées dans des fossés puis littéralement incendiées. Pour contenir les éventuelles insubordinations, le gouvernement met en place une junte militaire, une sorte de dictature implacable et irréfragable. Ainsi, les rares contempteurs sont nûment arrêtés puis fusillés en place publique.

Dans cette société en déliquescence, Peter Watkins poursuit son travail d'investigation. Le cinéaste s'interroge sur le devenir des mères, des enfants et plus largement des populations. Dans La Bombe, il existe cet étrange paradoxe. Certes, d'un point de vue technologique et scientifique, l'homme a créé des armes de destruction massive. Bienvenue dans "l'Âge atomique" !
A l'inverse, d'un point de vue émotionnel et surtout pulsionnel, nous sommes retournés ou plutôt restés à l'Âge de pierre. A partir de là, Peter Watkins réalise un véritable brûlot antimilitariste. 
Personne n'est épargnée. Pour le cinéaste, il n'est pas question d'encenser l'héroïsme britannique ou de flagorner la politique de son gouvernement. Tourné en noir et blanc, La Bombe s'immisce carrément dans le quotidien de populations bombardées, exténuées, néantisées, sacrifiées, tétanisées et exterminées au nom de la guerre nucléaire. Tourné en noir et blanc et (encore une fois) caméra à l'épaule, La Bombe se veut être le plus réaliste possible. En résulte un documentaire-fiction effrayant et coup de poing.
Bref, une rareté à découvrir de toute urgence !

Note : 17.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver