Synopsis : "Un braquage tourne mal. Les 4 criminels trouvent refuge dans un centre commercial où éclatent coups de feu et mouvements de panique. Cernés, ils abattent un homme et prennent en otage une femme. Acculés, ils arrêtent une voiture et prennent la fuite. A bord, un père et son enfant malade, qu'il doit emmener d'urgence à l'hôpital. Hors de contrôle, leur fuite va se transformer en traque sans merci. Désormais, il n'y a plus aucun retour possible pour ces chiens enragés..."
En déclarant que le cinéma français est loin d'être un cinéma bas de gamme, j'ai l'impression de me répéter. Afin que le message soit clair et que petit à petit les avis commencent à évoluer envers le cinéma français dans sa plus grande généralité, il est finalement bien de se répéter. Le cinéma français à l'international a longtemps été vu comme un cinéma d'auteur. Un cinéma notamment représenté par le mouvement de la Nouvelle Vague. Truffaut, Godard, Rohmer et bien d'autres encore, étaient des cinéastes représentatifs du cinéma français à l'international. Jusqu'aux décennies 1960/70, le cinéma français disposait encore de l'image d'un cinéma d'auteur. Un cinéma d'auteur certes, mais éclectique dans ce qu'il était capable de proposer. Les genres du polar et du thriller étaient encore à cette époque fortement présent dans la conscience collective du spectateur français. Ils se déplaçaient pour voir de grandes figures tels que Jean Gabin ou encore Alain Delon. La carrière la plus représentative de ce qu'était et ce qu'est devenu à l'heure d'aujourd'hui le cinéma français pour le grand public, est celle de Jean-Paul Belmondo.
Acteur touche à touche, Belmondo c'est Borsalino ou encore Paris brûle-t-il réalisé par René Clément. Mais c'est également Le Cerveau de Gérard Oury, ainsi que toute une flopée de films d'action. Du divertissement drôle et spectaculaire, à l'image de Flic ou Voyou, Le Magnifique ou encore Le Professionnel. Pour n'en citer que quelques exemples. Un cinéma véritablement universel, qui n'est aujourd'hui seulement représenté par des comédies pour le grand public. À l'inverse du cinéma indépendant américain ou du cinéma anglais, le cinéma français s'est enfermé autour d'un registre qui plaisait bien au spectateur. On savait faire rire et divertir par le rire. Des comédies burlesques et absurdes, avec des acteurs qui vont de Jean-Pierre Marielle à Louis de Funes en passant par Pierre Richard. Le succès était présent et les spectateurs en redemandaient. D'une force, le registre de la comédie est devenu un carcan pour le cinéma français. Carcan dans lequel il s'est enfermé et peine à ressortir. Les films français dont on parle le plus sont des comédies. Comédies qui généralement réussissent à engranger entre 2 et 6 millions de spectateurs, même si la qualité n'est pas au rendez-vous. Cependant, le cinéma français ce n'est pas que ça. Encore aujourd'hui.
Éric Hannezo. Cet ancien directeur délégué de chez TF1, société pour laquelle il officiait en tant que patron des sports et des magazines, a réalisé son premier long-métrage entre 2014 et 2015. Celui à qui l'on doit des émissions de divertissement et reportages comme 50 Minutes Inside et Harry Roselmack en immersion a réalisé un remake du film Rabid Dogs, production italienne chaperonnée par Mario Bava. Film auquel personne ne s'attendait, jusqu'à ce qu'il soit présenté en avant-première à l'occasion d'une séance publique sur la plage, lors du Festival de Cannes de 2015. Éric Hannezo a déclaré à l'occasion de la sortie du film, "dans une première réalisation, il faut y mettre toute son énergie". Sur ce point, il a totalement raison. Une première réalisation, notamment lorsqu'on passe directement par la case long-métrage, est le moment parfait pour faire transparaître par son objet cinématographique que l'on en a à revendre. Que le film qui va être visionné par un public possède une force, une énergie. Force, qui ne passe pas nécessairement par un dynamisme et une présence physique. Enragés, est un film de genre qui prouve à toutes et à tous que le cinéma français ce n'est pas qu'un lot de comédies de recyclage. Il s'agit d'un film audacieux, qui grâce à une mise en scène travaillée et à un scénario qui met en tension, dans l'attente d'une action qui va arriver et arrivera de nouveau, réussi à faire transparaître la force de conviction de son réalisateur.
Co-scénarisé par le trio Benjamin Rataud, Éric Hannezo et Yannick Dahan, Enragés dispose d'un scénario suffisamment bien écrit pour tenir en haleine le spectateur. Habitué du cinéma de genre, on retrouve au sein de ce film l'implication et la violence verbale comme physique à laquelle avait pu nous habituer Yannick Dahan. Cependant, il s'agit d'une violence plus relative. À l'inverse d'un film comme Goal of the Dead ou encore La Horde, la violence et les explosions d'hémoglobine ne sont pas le mot d'ordre du film. La violence est ici perçue comme une arme, véritable réflexion de la psychologie des personnages. Des personnages torturés, qui, malgré un objectif commun, ne partagent pas la même façon de penser et de voir les choses. Ce qui va donner lieu à des rivalités et permettre au film d'être constamment en mouvement et au spectateur de rester happer par les événements. Des psychologies qui vont s'ouvrir au fil des événements, à l'image d'un background en constante évolution. Un monde qui n'est autre que notre réalité, notre société de consommation qui cherche à aller toujours plus vite et à faire des choix sans avoir le temps de réfléchir.
Dans le cinéma de genre, le traitement de l'image est un élément majeur. Certains cherchent la surenchère visuelle avec des saturations de couleurs, d'autres vont chercher le réalisme. Enragés, est un film qui emprunte aux deux styles esthétiques, partant de l'un pour aboutir à l'autre. Le monde s'obscurcit autour des personnages avec la nuit tombante et la nuit tombée. La lumière douce et naturelle laisse place à la vivacité et la force de spots artificiels et du feu. Une esthétique très travaillée et suffisamment soignée et réfléchie pour en plus d'apporter du cachet au film, apporte un sous-texte et vient souligner les traits de caractère des personnages. Une lumière judicieusement bien placée renforcée par une direction artistique réfléchie également réussir à décupler la force d'interprétation d'un acteur ou au contraire, de le faire devenir plus insignifiant qu'il ne l'était. Techniquement, c'est une première réalisation impressionnante, tant son aspect technique va venir renforcer son scénario, son ambiance et offrir encore plus de force au film.
En Conclusion :
Enragés est un excellent film de genre français. Un film de genre qui, contrairement à la majorité des films de genre, va prendre son temps. Sans pour autant mettre le spectateur dans l'attente et le plonger dans l'ennui. C'est un film au scénario bien écrit, dont les éléments d'action s'avèrent judicieusement bien placés pour redonner au film le punch nécessaire. Techniquement irréprochable, tant sur le point visuel que sonore, le long-métrage dispose d'une direction artistique soignée et de compositions qui rendent un bel hommage au genre, dont le film d'origine fait partie intégrante. Pour les curieux, qui ont envie d'acquérir ce film, il est disponible dans une très belle édition signée Wild Bunch. Édition Blu-Ray qui comprend un peu plus de deux heures de bonus, dont un making of très intéressant dont la durée avoisine les 1h30.