RoboCop 3 (Martyr filmique)

Par Olivier Walmacq

Genre : science-fiction, action 
Année : 1993
Durée : 1h45

L'histoire : Dans un futur proche, la multinationale OCP décide de construire Delta City sur les ruines du vieux Detroit. Un groupe d'habitants irréductibles refuse de quitter les lieux. Pour les convaincre, OCP décide de reprogrammer Rococop, policier d’élite fabrique a partir de l'officier Murphy. Mais le docteur Lazarus, chargé de l'entretien de Robocop, refuse d'effacer la mémoire de Murphy

La critique :

Contre toute attente, RoboCop 2 n'a pas renconté le succès escompté. Irvin Kershner, réalisateur du film, est logiquement évincé par les producteurs. Ces derniers souhaitent financer un troisième chapitre très éloigné des deux précédents épisodes. RoboCop doit désormais s'adresser au jeune public. Autrement dit, RoboCop 3 doit prendre la forme d'un divertissement familial.
Orion Pictures fait donc appel aux services de Fred Dekker pour réaliser RoboCop 3, sorti en 1993. Au fil des années, Fred Dekker s'est imposé comme le véritable spécialiste des séries B horrifiques et science-fictionnelles. On lui doit notamment Monster Squad (1987), Extra Sangsues (1986) ou encore un épisode de la série télévisée Les Contes de la Crypte (1990).

Frank Miller est lui aussi appelé aux renforts pour écrire le scénario de RoboCop 3. Mais le célèbre cacographe reste assez décontenancé par le traitement de RoboCop 2, dont les producteurs n'ont pas retenu l'intégralité du scénario. A nouveau, Frank Miller est trahi par Orion Pictures. Son script est en partie modifié et déformé pour l'occasion. Hagard, l'auteur de comics décide de quitter la planète Hollywood vers des cieux et des horizons plus cléments, avant de revenir en 2005 dans Sin City
La distribution de RoboCop 3 réunit Robert John Burke, Nancy Allen, Rip Torn, John Castle, Jill Hennessy, CCH Pounder, Robert DoQui et Remy Ryan. Cette fois-ci, Peter Weller ne reprend pas le costume (en latex) du célèbre justicier métallique. En effet, l'acteur n'a guère apprécié les choix opérés sur RoboCop 2.

A l'instar de son prédécesseur, RoboCop 3 se soldera à nouveau par un échec commercial. Le film est à la fois conspué, tancé et chapitré par la presse cinéma et les fans de la saga. A raison, il est souvent considéré comme le pire épisode de la franchise, remake y compris. En outre, il préfigure la réalisation d'une série télévisée, elle aussi destinée à séduire et à flagorner le jeune public.
Lorsque le martyr christique d'Alex J. Murphy (dans le premier opus) se transmute en martyr "filmique". Tel est le terrible constat de RoboCop 3, soit le volet de trop. En l'occurrence, le scénario du film est à la fois laconique et amphigourique. Attention, SPOILERS ! L'OCP a été rachetée par une firme japonaise qui veut des résultats. L'OCP souhaite bâtir la ville de Delta City, sur les ruines de Détroit.

Pour cela, elle a engagé des agents, nommés Rehabs. Contrairement aux discours officiels, les Rehabs font partir les citoyens de Détroit sans ménagement. Les habitants de Détroit décident de s'opposer aux groupes de Rehabs. Pour lutter face aux insurgés, l'OCP décide de reprogrammer RoboCop. RoboCop 3... Ou comment ruiner définitivement une saga ?
Telle est la recette appliquée (hélas avec assiduité) par Fred Dekker, complètement à côté de son sujet... Premier constat : le scénario du film. A aucun moment, cette histoire de citoyens chassés de leurs pénates par l'armée ne parvient à retenir l'attention. Pourquoi la mairie ne propose-t-elle pas tout simplement de les reloger ? Une question évidemment éludée par Fred Dekker, peu inspiré pour l'occasion. 

A cela, s'ajoutent de nombreuses fautes de goûts, limite impardonnables. RoboCop n'est plus ce justicier torturé du passé, mais plutôt un produit estampillé "Walt Disney", étrangement assagi et absent de ce troisième épisode. Pis, le robot se transmue en assistante sociale qui vient défendre la veuve et l'orphelin. Quant à la psyché d'Alex J. Murphy, elle est ici oblitérée au profit d'un androïde promptement confiné aux oubliettes. Gravement touché suite à une opération de police, RoboCop est réparé et remis en état par... une jeune éphèbe de douze ans ! On croit rêver !
Au programme, un cyborg devenu presque secondaire, une populace qui se regimbe contre l'autorité policière et une jeune gosse génie de l'informatique. En presque vingt minutes de bobine, Fred Dekker a déjà assassiné sa machine. 

Hélas, le glas ne fait que commencer. Faute d'idées et de véritable scénario, le cinéaste ajoute quelques gadgets inutiles à son robot, entre autres, un lance-flamme puis une sorte d'aéroplane technologique. Même les séquences d'action ne sont guère éloquentes. Fini les publicités grivoises, cet humour noir et licencieux au profit d'un divertissement incroyablement poli et surtout fastidieux.
Désormais, RoboCop ne tire même plus sur ses assaillants. Le cyborg a échangé son flingue contre de longues conversations oiseuses. Un oxymore. Vous pouvez donc oublier cet univers capitaliste, spécieux, vénal et presque eschatologique, décrit par Paul Verhoeven dans le premier chapitre. A aucun moment, le remplaçant de Peter Weller, un certain Robert John Burke, ne parvient à transcender son personnage.

De surcroît, RoboCop est confronté à un nouvel ennemi cybernétique : un robot ninja ! Evidemment, la machine est une construction nippone, plus exactement "made in Japan". Sur ce dernier point, Fred Dekker élude toute diatribe de ce capitalisme mercantile désormais attiré par les marchés asiatiques. La franchise s'est définitivement transformée en nanar.
Nanti d'un budget impécunier, le film accumule les ellipses et les approximations. Même la mort d'Anne Lewis (la seule surprise de ce troisième chapitre) est expédiée en deux petites minutes (chronomètre en main). En 2014, José Padilha tentera de ressusciter le mythe par un remake. Une chimère. 
Beaucoup de contempteurs accuseront le cinéaste d'avoir assassiné la saga. A tort. Le meurtre s'est produit en 1993 et il se nomme... Robocop 3 !

Côte : Nanar

 Alice In Oliver