Genre : drame (interdit aux - 12 ans)
Année : 1975
Durée : 2h10
L'histoire : Rébellion dans un hôpital psychiatrique à l'instigation d'un malade qui se révolte contre la dureté d'une infirmière.
La critique :
A la fois scénariste, réalisateur et professeur de cinéma, Milos Forman débute sa carrière derrière la caméra dès 1963. Il signe tout d'abord des courts-métrages. D'origine tchécoslovaque, il s'expatrie aux Etats-Unis et réalise une comédie dramatique, Taking Off (1971). Quatre ans plus tard, il adapte un roman de Ken Kesey sur les milieux psychiatriques. Vol au-dessus d'un nid de coucou va asseoir définitivement sa notoriété. Dans un premier temps, l'opuscule est porté au théâtre et plus précisément sur la scène de Broadway. Michael Douglas joue le rôle principal, celui de Randle P. McMurphy.
Lui aussi est séduit à l'idée de transposer à la fois le roman et la pièce sur grand écran. Il devient le producteur du film. Pour interpréter McMurphy, Milos Forman pense immédiatement à Jack Nicholson, mais l'acteur est déjà sur le tournage d'un autre film.
Plusieurs interprètes sont alors approchés, notamment James Caan, Marlon Brando et Gene Hackman. Mais Milos Forman insiste et se tourne à nouveau vers Jack Nicholson. Viennent également s'ajouter Louise Fletcher, Will Sampson, Brad Dourif, Dannu DeVito, Christopher Lloyd, Scatman Crothers, Vincent Schiavelli, Peter Brocco et Michael Berryman.
Pour le rôle de l'infirmière Ratched, plusieurs actrices sont également envisagées : Faye Dunaway, Jeanne Moreau, Geraldine Page, Anne Bancroft, Ellen Burstyn, Angela Lansbury ou encore Jane Fonda. Finalement, c'est Louise Fletcher qui est engagée pour interpréter cette femme retorse, séditieuse et presque machiavélique. Certes, le film va connaître un immense succès à sa sortie. Il obtient même plusieurs Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario.
Pourtant, Ken Kesey, l'auteur du livre original, n'apprécie guère les libertés d'un scénario qu'il juge grotesque et amphigourique. Pantois, il refusera toujours de regarder le film. Pour la petite anecdote, Angelica Huston, la compagne de Jack Nicholson à l'époque, effectue une (très) courte apparition dans le long-métrage. Mais son nom n'est pas mentionné dans le générique. Attention, SPOILERS !
Randle P. McMurphy se fait interner pour échapper à la prison alors qu'il est accusé de viol sur mineure. En attendant qu'on évalue sa santé mentale, il assiste aux séances thérapeutiques de l'infirmière en chef, l'autoritaire et cynique Mademoiselle Ratched, dont il cherche à révolutionner les règles. Le tempérament furieux et jovial de McMurphy entraîne bien vite les autres internés à prendre conscience de la liberté qu'on leur refuse.
Mais bientôt il comprend qu'en entrant volontairement dans l'établissement il a peut-être lui-même perdu cette liberté pour toujours. Il semble se lier d'amitié avec certains des internés, surtout avec le « chef », un colosse Indien qui lui restera fidèle en amitié jusqu'au bout et qui n'apparaît pas comme un fou dangereux. McMurphy, lui, apparaît comme impulsif, pouvant devenir parfois violent.
Il entraîne les autres pensionnaires à la rébellion et les amène à la désobéissance. Malgré quelques crises de violence et surtout de nerfs de la part des internés et l'intransigeance de l'infirmière, tout se passe à peu près bien jusqu'au moment où deux drames se jouent. A juste titre, Vol au-dessus d'un nid de coucou va s'imposer comme un véritable classique du noble Septième Art. Le film est souvent considéré comme une dénonciation ou une diatribe de la psychiatrie des années 1970.
Un leurre. A l'époque, ce domaine si particulier de l'univers médical (ou plutôt mental) a déjà instauré les préceptes de l'auguste Docteur Pinel. La folie ne doit plus être enfermée mais libérée de ses chaînes. Sur le fond, Vol au-dessus d'un nid de coucou s'apparente davantage à une allégorie sur le milieu carcéral, ici transformé en centre d'aliénation mentale. Plus exactement, cet hôpital psychiatrique est lui aussi une allégorie sur les régimes communistes et staliniens.
En vérité, Vol au-dessus d'un nid de coucou ressemble à une variation du ministère de la pensée dans le roman 1984 (George Orwell, 1948). Autrement dit, la liberté c'est l'esclavage. Tel est le propos alarmiste de Milos Forman. Par le passé, lui-même a fui ce régime autocratique et atrabilaire. Mais Big Brother peut désormais s'immiscer dans les murs d'un asile psychiatrique.
Cet établissement n'a qu'un seul objectif : enfermer la pensée, détruire tout sentiment de révolte et finalement d'humanité. Tel est le fil rouge (c'est le cas de le dire) et conducteur du scénario du film qui oppose une autorité irréfragable et irrépressible, incarnée par Miss Ratched et ses ouailles (donc le personnel de l'asile) ; et un nouveau patient, Randle McMurphy, qui se regimbe contre ce pouvoir hégémonique. Très vite, Randle conteste et fustige les pratiques à l'intérieur de l'établissement.
Pour parvenir à instaurer une discipline de fer et quasi soldatesque, Miss Ratched et ses séides médicamentent, rudoient, sermonnent et admonestent leurs patients. Même les émissions diffusées à la télévision sont réglémentées. Ce petit monde indocile, celui qui a été répudié par la société, doit être à tout prix coupé de la réalité.
Certains d'entre eux ont sombré dans la dépression ou la psychasténie mentale. D'autres ont choisi de se murer dans le silence. A l'image du grand chef indien, coi, flegmatique et incroyablement figé. Pourtant, cet immense colosse va être réveillé par les joutes verbales de McMurphy. Reprendre le mouvement pour revenir à la vie... Un autre message du film symbolisé par une partie de basket pour une fois remportée par les patients ! Mais la présence de cet indien est forte en signification.
Il préfigure nos racines ancestrales, notre rapport primaire à la nature. La société moderne, dictatoriale et consumériste nous a coupés de nos propres origines. Mais dans ce petit univers réglementé, verrouillé et claustré de la réalité, il n'y a pas de place pour la révolte et la liberté de pensée. Rétif, McMurphy convie quelques unes de ses copines dans une partie de débauche et d'alcool au sein de l'hôpital (et avec la complicité du gardien). La fête se transforme à nouveau en répression.
Cette fois-ci, le film prend une autre tournure, beaucoup plus dramatique. McMurphy l'ignore encore. Mais il va bientôt endosser les oripeaux de Winston Smith, le héros de 1984. Dans ce monde régenté et cloîtré par des barreaux, toute insubordination doit être annihilée et néantisée. Le verrou mental et comminatoire peut définitivement se refermer, à l'image de l'affiche du film.
Note : 17.5/20