Dimanche dernier j'ai vu franchement par hasard. La promo du film m'avait totalement laissée de marbre. Il faut dire que le film de Tom McCarthy a tout l'apparat du film à Oscar, facile et lisse. Ça commence par un casting cinq étoiles : Michael Keaton, revenu en grâce au cinéma depuis Mark Ruffalo, Rachel McAdams, Liev Schreiber ou encore Stanley Tucci et Billy Crudup. Une belle brochette d'acteurs appréciés du public et que l'on croise régulièrement parmi les nommés aux plus prestigieux awards. Après les acteurs, il y a l'histoire qui porte la sacro-sainte appellation " basé sur des faits réels ". En effet, revient sur une affaire sordide qui a fait scandale en 2002 aux États-Unis et dont l'onde de choc a été internationale : la révélation d'abus sexuels sur des mineurs perpétrés par une vingtaine de prêtres de l'église catholique, à Boston, et que le Cardinal Law aurait systématiquement couverts. Sans étonnement, les personnages sont donc inspirés des journalistes qui ont enquêté plus d'un an pour révéler l'ampleur de l'affaire dans les colonnes du Boston Globe. Ce dossier a eu l'effet d'une bombe et a été récompensé par le Prix Pulitzer. Le thème même du film semblait donc fournir un bon prétexte au mélo et au film tire larmes. Rassurez-vous, il n'en est rien ! Si j'avais été un peu plus curieuse avant ma séance, j'aurais appris que le réalisateur, Tom McCarthy, a également réalisé et écrit deux très bons films que j'ai beaucoup apprécié : The Visitor et The Winners, deux dramédies bigrement sympathiques et touchantes. Et, à l'image de ces deux films, traite son sujet sans jamais taper dans le larmoyant, le misérabilisme ou la curiosité malsaine.
La narration est sobre et délicate. Aucun flashback, aucune image ne viendra révéler les sévices subis par les victimes, un parti pris de bon goût. Les personnages sont humains, à notre portée. Le spectateur assiste à l'avancée de l'enquête du point de vue de l'équipe de journalistes, sans surenchère dramatique. Et le film fait la part belle au dialogue et à la parole. Car, oui, c'est avant tout l'histoire de personnage qui discutent et réfléchissent ensemble pour briser l'omerta de toute une institution. Face aux secrets et au silence, c'est la parole et sa fixation à l'écrit qui s'avérera libératrice. remet au goût du jour le film de journalistes et livre un véritable hommage au journalisme d'investigation à une époque où l'information est devenu un produit de consommation de fast-food. D'aucuns diront qu'il manque de tension et de bouleversements dramatiques. L'argument du film qui, pour moi, fait tout son intérêt c'est sa sobriété même et sa délicatesse. Voilà une manière noble de traiter un sujet aussi sensible et que beaucoup d'autres auraient traité avec surenchère d'effets. Les personnages que l'on nous présente sont des êtres humains dans le cadre de leur fonction. Ce ne sont ni des super héros, ni des redresseurs de torts mais simplement des individus dévoués à une tâche, celle d'enquêter sur un sujet qu'on leur a attribué et qu'ils finiront par embrasser. C'est le personnage de Marty Baron -Liev Schreiber, magistral- qui les incite à creuser une histoire passée quelque peu sous silence.
Et voilà encore une preuve de subtilité de la part du réalisateur qui semble prêcher pour un journalisme de professionnels dépêché sur une affaire à l'époque même où l'information est répétée et amplifiée sans contexte et sans fond dans tous les medium imaginables. En étant amené à travailler sur ce scandale, les journalistes sont différemment touchés selon leur degré d'investissement, leurs vécus ou même leurs convictions personnelles. Ils mènent une quête de vérité, étayée par des faits, et ne tombent pas dans le traitement superficiel ou, à l'inverse, passionnel de l'information tel qu'on le voit désormais. Plus que la revisite d'un scandale d'ampleur sociale, nous livre sa vision de ce que doit être le journalisme. Venons-en au fun fact : Tom McCarthy n'était autre que le journaliste Scott Templeton dans la saison 5 de . La série, à l'image de , tient au réalisme et à la véracité de ses propos. Ce n'est donc pas un hasard si vous voyez quelques similitudes entre l'ambiance de la rédaction du Baltimore Sun et celle du Boston Globe. Si la harangue sur l'état actuel du journalisme est louable et bienvenue, le film en lui-même, bien qu'agréable, ne vous laissera pas un souvenir impérissable. Sinon peut-être celui de son extrême justesse.