Le voilà, le fantasme de tous les geeks depuis plusieurs années, l'anti-héros le plus célébré du comic-book débarque enfin sur grand écran. Avec un acteur qui s'implique de A à Z dans l'existence du film, une promotion marketing démesurée et le fameux R-Rated, tout semblait prêt pour fournir un film fun, irrévérencieux, vulgaire et nous l'espérions, ultra méta. Mais c'était sans compter sur le fait que nous sommes chez la Fox, fournisseuse de navet héroïque du style de X-men Origins ou Elektra/ Dardevil pour ceux du fond qui ont oubliés.
Alors oui, adapter un personnage comme Deadpool au cinéma est un défi audacieux et il s'avère compliqué de faire un film qui doit constamment rester dans l'esprit du personnage créé par Rob Liefeld et Fabian Nicieza. Mais qu'est-ce qui fait de ce film un ratage total ?
Passons vite fait sur la mise en scène, presque aussi laide que celle du tout aussi mauvais X-Men Origins. Si la photographie fait penser à un DTV tourné dans les mêmes décors que le dernier Steven Seagal, la réalisation du petit nouveau Tim Miller relève de l'inexistante. On est dans le film de super-héros basique, sans point de vue de réalisateur, avec le même découpage des scènes d'actions, à la limite du regardable, quand ce n'est pas carrément raté pour cause de CGI raté. Car ici, l'usage du CGI est partout, et dans 2 ans le film sera ringard tant la qualité des effets spéciaux est médiocre, encore à rapprocher de X-Men Origins. Ironique lorsque l'on sait que c'est dans ce dernier que Deadpool apparaît pour la première fois.
Par ailleurs, ne vous attendez pas à de la folie durant les scènes d'actions puisqu'elles doivent faire au total 25-30 minutes sur les 2h de films. Parlons d'ailleurs du fameux Rated-R, signifiant que nous allons voir un film violent, vulgaire et avec du sexe. Si sexe, il y a, la vulgarité et le gore peuvent repasser, car ici, la violence est non seulement moche, mais en plus ne va jamais plus loin que des éclaboussures. Pour ce qui est de la vulgarité dire ' fuck' et ' motherfucker' est drôle sauf quand c'est justifié la plupart du temps et que ce n'est pas juste de la gratuité pour faire bad boy. Disons le, Deadpool est au subversif ce que Avengers 2 est au grand cinéma populaire. Être subversif n'implique pas uniquement l'utilisation de violence et de ' fuck ', c'est aussi bouleversé les habitudes du spectateur et cracher au visage du système.
Avec un personnage comme Deadpool, renverser les codes ridicules des films Marvel aurait été un grand moment de rigolade et de doigt d'honneur. Mais à la place, nous avons un scénario encore plus mauvais que tous les Marvel sortis depuis 10 ans. Deadpool doit sauver sa copine et redevenir beau. Au lieu d'une aventure partant dans tous les sens, nous avons un récit ultra codifié et totalement dans les normes hollywoodiennes actuelles. Deadpool est méchant, mais bon faut qu'il soit gentil aussi quand même sinon comment on va vendre des jouets ? Et ce ne sont pas les sidekicks que sont Colossus et Negasonic Teenage Warhead qui vont remonter le niveau tant les personnages sont inutiles durant tout le film, d'ailleurs filmer deux scènes à l'école de Xavier, c'est cool, mais c'est bizarre une école vide ou personne ne se promène dans les couloirs.
Mais bon le plus important dans Deadpool c'est Deadpool, alors s'il n'est pas subversif, est-ce qu'il est au moins drôle et meta ? Non ! C'est un enchaînement de blagues grasses et vulgaires, des références à la pop culture et des blagues, certes, qui sont méta, mais ce n'est pas foufou non plus. Mais Deadpool c'est ça non ? Oui, sauf que c'est drôle et cela ne berce pas dans la gratuité, on ne sent pas l'envie de faire rire ici, mais plutôt la quête d'être fidèle à l'esprit du comics. En soit c'est louable, mais ce n'est ni le bon scénario, ni les bonnes blagues, et le bon Deadpool. Quant à la scène post-générique ce n'est pas un hommage, c'est de l'hommage facile faisant baigner le film dans son côté rétro nostalgie qui est dans pas mal de film actuel. Car Deadpool c'est Les Gardiens de la Galaxie avec des ' fuck ', ce sont les mêmes blagues de kékés, les mêmes allusions aux 80's, et le pire, c'est que c'est hype ! C'est la culture du cool, qui sacrifie tout sens critique sur l'autel du fun, car tant que c'est ironique et décomplexé, c'est forcément bien non ?
Que retenir donc ? Un film sans substance, ni humour, ni volonté d'offrir quelque chose de différent et subversif. Cependant, je ne peux que vous conseiller le jeu Deadpool, bien plus fou que ce blockbuster commun.
Stéphane Visse