De: Fred Schepisi.
Avec: Paul Newman ( La chatte sur un toit brûlant, Les feux de l’été), Ed Harris ( The hours, The truman show), Helen Hunt ( The sessions, Ce que veulent les femmes), Joanne Woodward ( Les feux de l’été, Les trois visages d’Eve), Philip Seymour Hoffman ( The master, Magnolia).
Synopsis Allociné: Le quotidien de la petite ville d’Empire Falls et de Mile Roby, l’un des habitants. Il y est un père de famille déboussolé, entre une femme qui ne l’aime plus, un drôle de père et une fille en plein dans les tourments de l’adolescence.
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C’est une série dont je n’avais jamais entendue parler. Pourtant, elle réunit un casting d’exception avec en autre et pas des moins, Paul Newman et Ed Harris. Elle a remporté d’ailleurs en 2002, deux Golden Globes dont celui de la meilleure série.
Encore une fois, c’est tout à fait par hasard que j’ai découvert Empire Falls à la médiathèque. Je n’ai pas hésité longtemps en voyant le résumé d’autant plus qu’à l’origine il s’agit d’un livre. Œuvre qui de surcroit a remporté le prix Pulitzer.
Ayant vu la série avant, j’ai beaucoup pataugé dans la semoule notamment lors du premier épisode. En effet, j’avais du mal à comprendre les relations entre les personnages; pourquoi il y avait une telle animosité; et des fois, de la rancœur entre untel et untel. Des choses m’ont donc échappées au début car il y a beaucoup de non-dits, de suggestion. Aussi, j’ai eu à maintes reprises l’impression de prendre un train en route et d’en avoir manqué une bonne partie.
Pourtant, il y a une (longue) introduction expliquant la » genèse » de la grande famille Whiting. Mais, les images défilent à une vitesse folle faisant de sorte que la voix off ne nous atteint pas ou à moitié. Heureusement que cela s’arrête pour laisser place au présent bien que le passé revient souvent sous forme de flashback.
Peu à peu, le brouillard autour d’Empire Falls et ses habitants se dissipe nous laissant ainsi tout le loisir et le plaisir de découvrir cette petite ville du Maine dont seuls les écrivains anglo-saxons en ont le secret. Non à tord, le lecteur a parfois l’impression de se retrouver dans une de ces histoires à la John Irving et même à la Stephen King, l’horreur en moins cela dit.
Il semble que le Maine soit le témoin idéal pour abriter des histoires rocambolesques et des fantasques personnages. Ou bien n’est-ce qu’une légende née dans l’esprit de ceux qui la racontent et l’habitent. En tout cas, Empire Falls est le genre de ville où tout le monde se connait pour le meilleur et le pire. Et, ce n’est pas Miles Roby qui vous dira le contraire.
Il semble neutre et acceptait son sort comme si cela ne le dérangeait pas plus que ça. Il trace sa route sans demander son reste à personne quoiqu’il doit parfois donner des comptes à Mme Whiting qui possède pratiquement toute la ville.
Même dans ses relations amoureuses et amicales, Miles semble se retrancher en lui-même, inatteignable. Sa femme a pris un amant et cela ne le touche pas du moins en apparence; Charlene son fantasme du lycée sort avec son frère et idem. Cindy lui fait des avances mais il reste de marbre. Reste sa fille Tick, l’amour de sa ville; et sa mère, son premier amour sans doute. Le destin de cette dernière a scellé le sien. Miles semble ne pouvoir tirer un trait sur les choix de sa maman et les siens.
Empire Falls brille par son casting d’exception; c’est bizarre de revoir Paul Newman et Philip Seymour Hoffman à l’écran alors qu’ils ne sont plus. Malgré tout, cette série offre un portrait bien saisissant d’une petite ville somme toute ordinaire. Une ville où on croit qu’il ne se passe justement rien. Mais bien sournoisement, les tentacules des uns et des autres se faufilent et alors, les petites villes où ils ne passent jamais rien deviennent le théâtre de choses bien horribles.
17 SUR 20
A l’origine, Empire Falls est un roman écrit par Richard Russo. Mais, le monsieur a également travaillé sur la série en tant que scénariste. Ceci dit, les différences dans la façon d’aborder et de développer le récit sont nombreuses.
Dans l’ensemble et comme bien souvent, le livre est plus complet, plus dense. On ne s’attarde pas uniquement sur Miles non plus. La narration s’en retrouve ainsi enrichi permettant d’un même coup d’aborder la série sous un angle nouveau.
En français, le le titre est : Le déclin de l’empire Whiting. A mon sens, je trouve ce titre plus évocateur que l’autre. On ressent davantage dans le roman la mainmise de Mme Whiting sur Empire Falls. Cette dernière nous apparait alors comme tout les petits villes américaines un peu oubliées: chômage, désindustrialisation, exode progressif, les rêves déchus, la jalouse inhérente au confinement d’une petite ville et à l’éloignement des grandes capitales.
Mais plus que tout, c’est le poids familial dont il est question ici. Un lourd héritage transmis de génération en génération qui fait que l’histoire a tendance à invariablement se répéter notamment chez les Whiting, les hommes de la maison pour être plus précise. De père en fils et sans qu’aucun finalement ne retienne la leçon véritablement, ils contractent des alliances malheureuses qui les apportent certes fortune mais surtout drame et amertume. Et si, les désillusions du mariage sont grandes, les conséquences le sont encore plus.
Nos vies sont comme des fleuves. Nous nous croyons capables de nous diriger, alors qu’en fin de compte, nous n’avons qu’une destination, et c’est en fait à notre nature que nous restons fidèles, car nous n’avons pas le choix.
A un moment, Miles dit que » les habitants d’EF s’étaient tant habitués à l’infortune qu’ils n’attendaient plus rien ». Il est vrai qu’il y a un certain fatalisme qui se dégage de cette ville comme si ces habitants acceptaient bon gré mal gré la tournure qu’avait prise leur vie avec parfois un certain détachement et une terrible résignation aussi.
Miles en est peut-être l’exemple parfait mais dans un même temps, il semble être le seul à avoir trouvé un juste milieu entre son sens du devoir et des rêves. Il parle » de violer sa nature profonde « mais n’en est pas amer pour autant; il arrive même à trouver des sources de satisfaction dans sa vie en se contentant de peu. Ce qui fait de lui la cible idéale de Jimmy le policier.
Depuis son enfance, ce dernier n’a eu de cesse d’envier Miles, la famille de ce dernier, son bonheur quoique fragile. Et, cette jalousie s’est aggravée avec le temps lorsque Miles est allé à l’université. Jimmy veut être l’ami de Miles mais ne peut s’empêcher d’être son rival. Parce que selon lui, son » ennemi » a toujours eu tout ce qu’il voulait alors que lui il ne récolte que les fruits de son paternel qui battait sa mère. On verra en lui l’éternel Jimmy qui cherche des noises à tout le monde par bêtise et envie. On est parfois les dignes enfants de ces parents n’est-ce pas?
Mme Whiting quant à elle, ressemble à une mère macrelle et le mot est faible. Elle me fait penser à un peu à la mafia dans sa volonté de fer d’avoir la mainmise sur la vie, d’avoir la police dans sa poche; et puis, elle a un étrange sens de l’amitié, de l’amour et de la famille. Son personnage m’a aussi fait penser à une citation d’un autre roman où la mère du personnage principal dit à ce dernier: » Dans un mariage, y a celui qui blesse et celui qui reçoit. Y a un bourreau et y a une victime ». Je vous laisse deviner qui est Mme Whiting.
Quand à son fils, quel cruel destin perpétuant là peut-être une sorte de malédiction familiale. Il y a encore ce sentiment qu’il ne peut être autrement; on revient donc à cette notion de fatalisme. N’est-ce qu’une question de volonté ou bien de la naïveté pure et dure de croire que celui qui nous accompagne sur le chemin sinueux de la vie est aussi bon que nous?
Chez soi est un endroit où on vous ouvre la porte si on a besoin d’y aller.
Je parlais tout à l’heure d’héritage familial, le petit en est la preuve vivante. La misère, la bêtise, la méchanceté et la violence l’ont poussé à des extrêmes d’une rare violence. D.H. Lawrence disait dans sa Fille perdue que les enfants croyaient toujours faire mieux que les parents mais que bien souvent ils faisaient pire. Peut-être qu’il avait raison, peut-être qu’il avait tord. Finalement, peut-être que tout est une question de chances, de circonstances et de parents.