Sortie le 10 février 2016 Réalisateur : Pablo Trapero Durée : 1h49
Avec : Guillermo Francella, Peter Lanzani, Lili Popovich, Stefania Koessl, Antonia Bengoechea
Production : El Deseo, Matanza Cine, Kramer & Sigman Films
Distribution : Diaphana Distribution
Lorsque la pédagogie ne s'en mêle pas
Après Robert De Niro en Dirty Papy, il est temps pour Guillermo Francella de faire son dirty papa. Et celui-là il ne plaisante vraiment pas.
Au début des années 80, une petite famille tranquille vit dans un quartier paisible de Buenos Aires. Pourtant cette lisse façade cache bien des choses. Tandis qu'Alex, l'aîné, partage son temps entre le rugby et son magasin, tout le monde est loin de se douter qu'il aide son père a trouver des candidats éligibles au kidnapping. Alors que maman est en haut et fait du gâteau, papa est en bas et fait de l'argent en exigeant des sommes astronomiques aux proches des victimes afin qu'elles puissent espérer revoir leur chair et leur sang. Au travers de l'Histoire argentine c'est entre crimes et repas de famille que la relation malsaine entre père et fils se dessine.
Dérangeant, tel est le mot. Inspiré d'un vrai fait divers, Trapero brosse le portrait de la perversité des liens familiaux adoptant une période sombre de l'Histoire en toile de fond. Bien que le film soit extrêmement contextualisé, avec de réelles images d'archives qu'il insère dans le récit au travers de la télévision du salon, rien n'intéresse plus le réalisateur (scénariste et producteur du film) que ses personnages et leurs relations. Plongé dans l'enfer de l'autorité pernicieuse d'un pater familia machiavélique, le spectateur assiste passivement, comme la majorité des membres de la famille, au drame qui se joue. Trapero filme avec ingéniosité la relation père-fils alimentée par le despotisme malsain d'un père et l'obéissance d'un fils fragile qui n'aspire qu'à sortir de cette maison sans pour autant jamais réussir à se libérer de la domination paternelle. Guillermo Francella incarne magistralement son rôle de sale papa flegmatique et pervers, respirant l'absolutisme, terrifiant par son regard et son immobilité. Produit de cette époque et de l'horreur environnante, ce personnage fait office de figure de proue du film et se présente comme le point névralgique de l'histoire. Face à cet anti-adepte de Françoise Dolto, Peter Lanzani joue parfaitement le rôle de l'homme-enfant pris au piège dans cette pseudo solidarité familiale où la conscience morale et le libre arbitre se sont fait la malle. (Vous comprenez désormais pourquoi les frères Almodovar ont joyeusement décidé de produire le film.)
Avec une mise-en-scène ayant beaucoup été comparée à celle de Scorsese, El Clan adopte certains codes du film de famille mafieuse, alternant crimes et rassemblements clanique en portant ces deux plans au même niveau. La violence paraît aussi banale qu'un simple dîner de famille et l'ensemble forme une histoire dérangeante sous couvert de comédie macabre agrémentée de musique pop. Brinqueballé entre horreur et légèreté, le spectateur est relayé au statut de simple observateur, oscillant entre sourire et terreur priant pour que le manichéisme lui revienne un jour.
Au même titre que les membres de la famille Puccio, Trapero réussit à confondre la conscience morale de son audience haut la main. Les concepts de cycle et de décadence qui viennent pourrir les relations familiales font briller ce film qui manque légèrement de fluidité malgré tout. Bien que l'histoire ne se porte que sur les personnages, le contexte historique joue un rôle de taille; ainsi les non-historiens de l'Argentine regretteront quelques explications plus poussées sur le pourquoi du comment afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants. Ce petit bémol peut aussi se faire ressentir dans le récit qui n'approfondi pas réellement la situation initiale, même s'il est évident qu'il s'agit là d'un choix délibéré.
En conclusion, sans être un thriller à suspens passionnant, El Clan est un film glaçant qui pose de nombreuses questions, troquant rebondissements par psychose avec du plan séquence à gogo. Vous n'en sortirez pas haletant certes, mais en réfléchissant pour sûr.
L'avis de Bizard Bizard : allez-y au galop.C'est ce qu'on appelle de la pure bande annonce...
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