Bouli Lanners continue ses interrogations existentielles par le prisme d’un univers aux tendances post-apocalyptiques.
Depuis trois films maintenant, Bouli Lanners nous fait découvrir son univers par le prisme des relations humaines, ou plutôt par la relation non évidente des rapports humains. Avec Les Premiers les derniers, son film le plus fort, le plus mélancolique, le plus métaphysique, le plus esthétique, le réalisateur-acteur signe un portrait cynique mais au combien lyrique de l’homme. La forme invoque, avec une dimension quasi picturale, le genre du western. Les compères Cochise (Albert Dupontel, toujours au top) et Guillou (Bouli Lanners himself), chasseur de primes pour le privé, sont en quelque sorte des cowboys providentiels venus simplement récupérer le précieux portable volé de leur commanditaire. Ils vont croiser sur leur route toutes sortes d’êtres, qu’ils soient à la fois morts, vivants, mystiques (un cerf), et pourquoi pas « morts vivants », à l’image des ces habitants si désenchantés que l’on nous présente.
Bien évidement rien ne fonctionne comme prévu. Les héros vont eux aussi, de par leur rencontres respectives, trouver une raison valable d’exister. Le décor, si austère au premier abord par ses ciels nuageux et ses couleurs désaturées devient ensuite une sorte d’Eden où Jésus (Philippe Rebbot, hallucinant) en personne serait venu guider et aider le peu d’humanité restant sur cette terre, et prenant la forme d’Esther et Willy (Aurore Broutin et David Murcia), couple un peu demeuré, qui établie le lien avec le reste de l’intrigue. Cette même intrigue que le scénario désamorce immédiatement, tant elle est reléguée en second voir même troisième plan, pour laisser remarquablement la place à vraie la thématique du film : la trajectoire humaine. Chaque personnage y va de sa rencontre pour atteindre une liberté spirituelle, poussée vers une dimension christique dans la résolution du métrage. Ils changent de cap, transformés par un voyage initiatique qui leur ouvre les yeux sur la valeur de l’existence. Bien évidemment, cela n’a pas l’air si simple. Pourtant, Bouli Lanners réussit à donner du sens en toute simplicité grâce à sa mise en scène. L’alchimie est parfaite : force esthétique, enjeux dramaturgiques, découpage, et cela même jusqu’aux dialogues, parfois très drôles… Le rythme du film correspond parfaitement à l’ambiance offerte par les décors. Tout y est vide mais en même temps si riche : l’image en scope capture avec élégance des paysages épurés et morbides qui, grâce à leur silence, transmettent ce sentiment de mort qui jalonne le métrage, lui conférant une atmosphère post-apocalyptique. Lanners réussit un sans faute, y compris dans l’élaboration de son casting parfait, comprenant Suzanne Clément, Michael Lonsdale et même Max Von Sydow. Il faut vite prendre une place dans cette peinture de fin du monde car finalement, les premiers trouveront sans doute une grande part d’optimisme dans cette histoire ô combien moderne.
Réalisé par Bouli Lanners, avec Albert Dupontel, Bouli Lanners, Suzanne Clément…
Sortie le 27 janvier 2016.