Avec Josh Brolin, George Clooney, Ralph Fiennes,
Alden Ehrenreich, Scarlett Johansson, Channing Tatum,
Tilda Swinton, Jonah Hill,
Genres Comédie, Policier et Comédie musicale
Production Américaine et Britannique
hors compétition, la 66 ème Berlinale, du 11 au 21 février 2016
va nous entraîner dans les coulisses d'un grand et florissant studio Hollywoodien Une époque où la machine à rêves fonctionnait sans relâche.
Des productions à la chaîne pour régaler indifféremment ses spectateurs de péplums, de comédies musicales, d'adaptations de pièces de théâtre raffinées, de westerns ou encore de ballets nautiques en tous genres.
Eddie travaille à peu près 30 heures par jour. Il maintient l'ordre dans le Studio. Il est partout à la fois, il anticipe, prévoit, répare, négocie, intervient, sans relâche. Il fait figure de patriarche à la force tranquille. Si en privé il doute et n'est pas très sûr de lui, en revanche il n'a pas son pareil pour gérer les comportements infantiles des ouailles du Studio. Sa loyauté envers le patron du Studio qui lui avait donné sa chance, est inébranlable. Une main de fer dans un gant de velours. Le Studio fonctionne comme une famille... au sens mafieux du terme... Mannix ne se laisse jamais submerger pas le torrent de problèmes qu'il a à gérer, au contraire il semble s'en nourrir. C'est pourquoi il a toujours une longueur d'avance.
Elle protège, répare, arrange tout ce qui est sur la pellicule. C'est à travers cette dernière qu'elle trouve sa raison de vivre. Elle sait tout, voit tout, et magnifie à hauteur des attentes du Studio.
Joe Silverman
Sans poser la moindre question, il n'agit que pour et à travers les studios. Cet homme de paille discret et taiseux n'hésite jamais à engager sa réputation, même dans les affaires les plus délicates
Tout autant que celles du très précieux réalisateur vedette Laurence Laurentz qui n'apprécie que modérément qu'on lui ait attribué le jeune espoir du western , Hobie Doyle comme tête d'affiche de son prochain drame psychologique.
Le réalisateur, aussi rigoureux qu'exigeant, est un amoureux des belles lettres, de l'art de la litote, un magicien du drame de salon, une machine à récompenses pour le Studio, grâce à ses films tous plus raffinés les uns que les autres. Son flegme britannique et ses talents de directeur d'acteur sont mis à rude épreuve quand il s'agit de diriger le jeune Hobie, qui fait de son mieux, aussi déboussolé dans un univers diamétralement opposé à son registre habituel, qu'engoncé dans un smoking amidonné. Le vernis commence à se fissurer sur le plateau au sens propre comme au figuré.
Aussi simple et droit que la morale de ses films, ce jeune cow-boy se retrouve, selon la logique de Studio, bombardé dans l'univers sophistiqué du drame psychologique. Une erreur de casting colossale avec laquelle il va pourtant bien falloir faire.
règle à la chaîne le pétrin dans lequel les artistes du studio ont l'art et la manière de se précipiter tous seuls.
En plus de sortir une starlette des griffes de la police, ou de sauver la réputation et la carrière de DeeAnna Moran la reine du ballet nautique,
La reine du ballet nautique est à la fois une athlète rigoureuse et une femme trop indépendante. Même si elle passe son temps moulée dans des maillots de bain sexy à jouer les sirènes dans des ballets grandioses, elle a les pieds bien sur terre, et s'en remet totalement à Eddie Mannix pour la sortir de la situation délicate qui pourrait ruiner à la fois sa carrière et sa vie.
Le virtuose de la claquette, joue la comédie aussi bien sur scène que dans la vie. Tout chez lui n'est que représentation. Il a la tenue ad hoc en chaque circonstance, théâtralise le moindre de ses mouvements et s'applique à exprimer ses états d'âme à travers sa coupe de cheveux : blonde et lisse. Mais cette maîtrise, aussi bien rodée et impressionnante de légèreté que ses numéros de danse, cache un lourd secret.
Cerise sur le gâteau, il a maille à partir avec un gang de scénaristes communistes aussi fêlés que naïfs
La star de Capitole est un idiot. Une superbe coquille totalement vide. La métaphore parfaitement cynique de la star de Studio. Il se satisfait parfaitement de ce système qui l'a érigé en modèle absolu. Flanqué d'un ego à la démesure de sa gloire, il ne réfléchit jamais et se complaît totalement à épouser l'image et la ligne de conduite qu'on lui impose. Une sorte de méta acteur, un enfant gâté et indolent aussi bien sur les plateaux que dans la vie.
Les deux jumelles acariâtres s'ignorent cordialement l'une l'autre. Elles sont en fait les extrêmes opposés du même bâton avec lequel elles tapent à bras raccourcis sur le show business. Si elles se définissent chacune en tant que critiques culturelles, se confier à l'une ou à l'autre revient à passer des bras de Charybde à ceux de Scylla, tant la distinction est mince entre ragot fumeux et critique acerbe. Et pourtant sans elle et leurs scandales, le public ne serait pas au rendez vous.
La journée promet d'être mouvementée.
Cette machine à rêves aux rouages bien huilés était gérée de manière féodale, et ses dirigeants contrôlaient tous les aspects de la vie de leurs artistes. Les carrières étaient construites comme des véritables stratégies marketing, décidant des apparences, garde-robes, régimes alimentaires et vies amoureuses de leurs employés. Quand un artiste rechignait à rentrer dans le moule on faisait appel à un fixer pour tout faire rentrer dans l'ordre. Ils ne reculaient devant rien et ne regardaient jamais à la dépense pour sauver les apparences.
Le fixer était à la fois leur ange gardien et leur geôlier. Le personnage d'Eddie Mannix, le fixer de Capitole, est en fait une fusion des deux fixers de la MGM : le vrai Eddie Mannix et Howard Strickling.
Eddie Mannix, un ancien videur, passait ses journées à désamorcer les catastrophes potentielles pour assurer la pérennité du studio. De la gestion du scandale d'une star ivre morte sur la voie publique, au mariage de convenance pour cacher l'homosexualité d'une autre, tout y passait.
Scarlett Johansson qui incarne DeeAnna Moran, inspirée par Esther Williams, explique que si de nos jours la vie des stars s'étale sans pudeur dans les magazines et sur les réseaux sociaux, à l'époque les studios préservaient intactes leurs auras.
Bien sûr ce système avait ses limites. Les vedettes appartenaient littéralement aux studios, elles devenaient des objets et leurs vies n'étaient qu'apparence et mise en scène.
Le fixer était à la fois leur ange gardien et leur geôlier.
Pour Josh Brolin, cela représente précisément la mentalité du monde du spectacle toujours en ébullition. "Dans ce milieu tout le monde se plaint du stress, mais la vérité c'est que personne dans ce métier ne saurait se passer de cette sensation vertigineuse. C'est un monde qui ne connaît pas la demi-mesure."
George Clooney nous raconte comment il y a 10 ans, alors qu'il travaillait sur un film des Frères Coen, ils lui ont proposé le rôle de Baird Whitlock, la star pourrie gâtée d'un péplum biblique des années 50 : Ave César. Ce n'était alors qu'un pitch assorti de quelques répliques saignantes. Très enthousiasmé par le projet, le mentionnait toujours dans les interviews au nombre de ses films à venir, si bien qu'au bout d'un moment les réalisateurs n'ont eu d'autre choix que de s'y mettre vraiment. Tout en démantelant l'hypocrisie de ce système, ils ont voulu également rendre hommage au professionnalisme, à la créativité, et au savoir faire incomparable de ces films qui ont fait l'âge d'or d'Hollywood.
Eric Fellner, le producteur de Working Title, ne cache pas son plaisir de renouveler encore et toujours sa collaboration avec les Frères Coen. Selon lui ce film est un des plus aboutis de leur carrière et le reflet de leur passion pour l'industrie du cinéma. Comme l'intégralité des membres de la distribution ou de l'équipe technique, aussi célèbres soient ils, il s'en remet les yeux fermés à l'intelligence et au talent de ces deux cinéastes.
Selon George Clooney qui en est à sa troisième collaboration avec eux, "Chez les Coen on est fidèle et on travaille dans le respect et la rigueur." La régularité, la longévité et la qualité de leurs productions les placent parmi les réalisateurs qui feront date dans l'histoire du cinéma. Leur mécanique est aussi précise et huilée que les grands films auxquels ils rendent ici hommage. "Ils sont connus pour leur précision d'orfèvre. Généralement sur un film entre le moment où on vous donne le scénario et le tournage, vous recevez une multitude de modifications. Pas avec eux. Si d'une part le scénario ne bouge pas, d'autre part, ils ne filment que ce qu'ils utiliseront. Un tel degré de précision est très rare dans ce métier."
Pour Channing Tatum c'était en revanche une première. Coutumier des comédies et des chorégraphies, il était tout à fait à l'aise sur le plateau. Mais il nous confie que l'expérience a été décoiffante. Sur le tournage il a été tout autant impressionné par le fond que par la forme. Pour lui le film est irréprochable, tant historiquement et que techniquement, à la fois ironique et en même temps plein d'admiration. "Travailler avec les Frères Coen c'est une leçon de cinéma. C'était magique de se retrouver à l'âge d'or du cinéma... de voir les décors peints et les vieilles caméras glisser de plateau en plateau... de constater à quel point ça pouvait faire carton-pâte et comment sur la pellicule tout prenait vie."
Pour Scarlett Johansson, il s'agissait de retrouvailles. Elle avait en effet déjà travaillé avec eux il y a 15 ans pour . Particulièrement fan de cette époque du cinéma, les yeux plein d'étoiles, elle en évoque le côté à la fois glamour et besogneux. The Barber, tout comme "C'était du pur luxe de se retrouver plongée dans cet univers tout en étant dirigée par des réalisateurs aussi talentueux et surtout facétieux. Les costumes, les décors, étaient à couper le souffle, les numéros grandioses. Le dialogue était ouvert en permanence et on se sentait très à l'aise : un environnement propice à la créativité et au travail. On s'est amusés comme des fous."
Josh Brolin quant à lui, avait déjà travaillé sur plusieurs films de frères Coen. Il nous confie avec un clin d'œil qu'il a accepté le film uniquement pour pouvoir gifler sans vergogne et à répétitions George Clooney. "D'ailleurs George n'a pas pu répéter cette scène avec moi, il était occupé à Londres, et a néanmoins pris le temps d'envoyer un petit mot à Joel disant qu'en guise de répétition je n'aurai qu'à le frapper à chaque fois que je le verrai, sans aucun problème. Et au moment de tourner il s'est prêté au jeu en professionnel... et je trouve la scène assez anthologique !" Il ajoute "Il n'y a aucune malice dans la raclée que donne Eddie à Baird. C'est juste que la star doit comprendre qu'il y a des limites à ne pas dépasser, et ce pour son propre bien. C'est la leçon que donnerait un père à un gamin irresponsable et gâté qui fait un caprice...Comme Cher dans Moonstruck quand elle frappe Nicolas Cage... pour le remettre dans le droit chemin."
fait ici ses premiers pas chez les frères Coen, même s'il nous a confié que cela faisait des années qu'il attendait de pouvoir tenter l'expérience. Selon lui la richesse de leurs films réside dans leurs caractères aussi surprenant que totalement imprévisibles, à la fois en termes d'intrigue et de personnages. Chaque film est totalement différent du précédent, et pourtant ils ont une signature commune à tous. "Le travail avec eux est impressionnant, il n'y a pas de pression sur le plateau, ce qui est très rare, et pourtant tout y est très rapide, concis, efficace. Ils travaillent dans la confiance avec une équipe de professionnels de haut vol qui se connaissent depuis longtemps et ça se sent. Il n'y a aucun gaspillage d'énergie !"
Si Ave César marque la sixième collaboration entre Jess Gonchor et les Frères Coe n, ce film restera pour lui à part. Faire un film sur l'art de faire un film est un exercice particulier qui ne se répète pas souvent dans une carrière. Avec son équipe il a épluché les archives cinématographiques des années 40 et 50, et a réussi à dégotter des photos de plateaux en plein tournage. Mais ce sont les techniciens de l'époque qu'il a pu retrouver toujours en vie qui lui ont donné une véritable idée de l'ambiance qui régnait sur ces fameux plateaux.
Une autre différence majeure résidait dans le genre de tenues qu'arborait l'équipe technique : Si de nos jours on trouve une ambiance assez décontractée à base de jeans, baskets, casquettes, à l'époque les gens étaient en costumes croisés et pantalon de flanelle. Tout le monde fumait sur le plateau et le matériel technique était aussi lourd qu'énorme.
Cet équipement lui a d'ailleurs été fourni d'époque. Et tout de suite cela a conféré une atmosphère très authentique et quasi mythique à l'élaboration de ses décors.
Il a également saisi les différences de tonalité qui pouvaient exister d'un univers à l'autre. Ainsi, le bureau d'Eddie Mannix se devait d'être beaucoup plus col blanc et administratif, dans des tonalités froides, comparé au glamour ravageur qui réchauffait les plateaux de tournage. Mais ses scènes préférées furent sans doute celles du peplum, avec la création de sa Via Apia et la construction du temple grec.
En consultant les archives de Quo Vadis, ils se sont aperçus qu'en fait ils n'étaient pas loin de ce qui se faisait dans ces films.
Citée aux Oscars pour les costumes de True Grit en 2010, Mary Zophres a tenu à commencer ses recherches bien en amont du film après s'être bien mise d'accord avec les deux réalisateurs. La tâche était de taille : 12 semaines de préparations n'ont pas été de trop, car en fait il s'agissait de plusieurs films en un seul. Jamais elle n'avait travaillé dans une telle émulation. Le film possède différentes tonalités et l'intrigue principale sert de fil rouge pour les relier entre elles.
Au niveau des costumes on passe indifféremment du costume croisé au maillot de bain, sans oublier les toges, les armures et le Stetson. Elle avait déjà travaillé avec Josh Brolin sur Gangster Squad, et elle ne voulait pas qu'on puisse confondre son look avec celui de ce film. Comme l'intrigue se déroule sur une journée, le comédien allait devoir porter le même costume dans toutes les scènes. Elle a fini par dénicher la perle rare et a demandé à Josh Brolin de prendre un peu de poids afin de pouvoir habiter ce costume avec toute la stature et l'épaisseur que ce dernier requérait. Pour fignoler le tout, la moustache et l'ondulation des cheveux étaient indissociables de la bonne mise d'un homme de cette époque.
Cerise sur le gâteau, le chapeau de Mannix était le seul Homburg du film, alors que les autres hommes arboraient un Fédora. Il paraissait judicieux de différencier la stature d'un homme comme lui du commun des mortels. En tout et pour tout il aura fallu créer entre 2500 et 3000 costumes pour habiller l'ensemble de la distribution, figurants compris, dont 500 créés sur mesure.
La directrice de casting figurant s'est évertuée à trouver des gens avec des visages qui ne faisaient pas trop moderne pour ne pas décrédibiliser les costumes en créant des anachronismes. Et ce sans compter la longueur des cheveux, non teints, et des visages exempts de Botox, ce qui n'est apparemment pas une tâche aisée à Los Angeles.
Pour les sœurs jumelles, elle s'en est donnée à cœur joie. C'était d'autant plus facile que, comme elle le dit "Tilda Swinton peut tout se permettre en matière vestimentaire, elle reste sublime quoi qu'on lui fasse porter." Si on fait bien attention on s'aperçoit que l'une des sœurs porte son extravagante plume sur la droite de son chapeau, alors que l'autre la porte à gauche.
Pour Channing Tatum, elle s'est inspirée à la fois de Tyrone Power et de la crinière blonde de Troy Donahue. Pour un film aussi haut en couleur et surtout en Technicolor, elle ne pouvait se permettre de passer à côté de costumes truculents et sur vitaminés, puisant son inspiration chez des créateurs de l'époque comme Adrian et Edith Head.
Quant à George Clooney, qui se balade en jupette pendant tout le film, il devait originellement porter la tunique au genou, dans le style de Ben Hur. Mais comme elle nous le confie "il aurait été vraiment dommage de se passer de si jolies jambes, non ?".
Avec un casting de choix, les Frères Cohen prennent le pari de la dérision et s'amusent.
Dans l'univers, de ce qui se voulait être une machine à rêves, ils abordent tous les genres de production cinématographique des années 50, en levant un coin du voile qui, aujourd'hui, ne présente plus de secrets.
La presse, avec les commères de l'époque, interprétées à l'écran par la seule et truculente Tilda Swinton. Le cowboy reconverti dans un univers plus littéraire interprété par l'excellent Alden Ehrenreich. Une monteuse débordée, dont on ne verra, hélas, qu'un court extrait, mais dans lequel la géniale Frances McDormand arrachera des rires. La reine des ballets nautiques avec la belle et convaincante Scarlett Johansson. Le metteur en scène "so british" auquel le talent de Ralph Fiennes ajoute une note réjouissante. Étonnant Channing Tatum. George Clooney, ne manque pas d'allure mais semble trop engoncé dans sa jupette pour amuser vraiment.
Tout ce beau monde sous la houlette d'un Josh Brolin remarquable, époustouflant de bout en bout.
Entre des décors qui rappellent une époque révolue, les costumes détaillés dans le moindre détail, ou encore les caprices et les secrets de stars, le tout dans une mise en scène rigoureuse, l'idée de départ, pourtant attrayante, finit par s'émousser.
Ce film est une succession de numéros. Un sympathique divertissement dans l'œuvre des réalisateurs.