Affreux sales et méchants

Par Dukefleed
La cour des miracles
Une famille de dégénérés, voleurs, bandits et immoraux autour d’un patriarche aux accents de « L’avare » ; ce sont eux les pauvres vivant dans un bidonville de Rome affublés de ces trois qualificatifs sonnant comme une provocation. Mais Ettore Scola veut montrer par là que tenir les gens à l’écart du progrès et en marge de la société ne créé que frustration. Il se démarque de son aîné Vittorio De Sica, du néo réalisme italien et de la bienpensance catholique. La pauvreté ne fait pas naître l’abnégation. Au revoir le manichéisme, et non, les pauvres ne sont pas forcément gentils ; ils sont à l’image des conditions de vie que leur impose la société. Scola vote alors pour la fable crasseuse pamphlétaire dirigée contre le gouvernement italien qui a laissé prospéré ces bidonvilles. 800.000 personnes vivaient encore dans ces conditions au début des 70’s ; et Scola dit au bourgeois : s’ils sont affreux sales et méchants c’est de votre responsabilité. Il n’y met pas trop les formes en choisissant la comédie outrancière. Son film sera un vrai bide commercial. Aujourd’hui il est un film phare de la comédie italienne.A sa sortie, il reçu le Prix de la mise en scène à Cannes en 1976. Et ce prix vient saluer le travail d’orfèvre d’Ettore Scola. Dès la scène d’ouverture, il concocte un plan séquence virtuose. On est dans la maison, enfin la seule pièce où vit le vieux, sa femme, leurs 10 enfants avec leurs conjoints et les petits enfants ; la caméra tourne dans cet espace où tout le monde dort, s’occupe des bébés, font l’amour,… On est tout de suite plongé dans cette réalité puis une jeune fille aux bottes jaunes ; première levée va chercher l’eau à la fontaine. Le même plan virtuose clora le film à deux détails près ; ils seront 40 au lieu de 20 dans cette bicoque et la fille aux bottes jaunes ne sera plus tout à fait la même. Scola brise tous les tabous de la bienpensance durant ce film ; et avec la parabole finale autour de la fille aux bottes jaunes, il franchit une limite morale dont on pensait être épargné… Le sort des enfants. En effet l’enfance semblait préservée jusqu’à ce final. Mis sous grillages semblable à une prison ; les enfants sont en fait en sécurité derrière ces barrières. Déposés là comme à la crèche pendant que les adultes se préparent dès le matin à aller bosser ; enfin effectuer leurs rapines, se prostituer,…Et puis les comédiens sont inénarrables avec un Nino Manfredi donnant une épaisseur hors norme au chef de famille. Le reste du casting est composé de comédiens de théâtre mais aussi d’habitants de bidonville aux trognes improbables. Giacinto (Nino Manfredi), en parfaite inadéquation avec la société, sans véritable évolution psychologique au cours du film ni prise de conscience, semble bien un héros burlesque, à l'instar de Charlie Chaplinou de Buster Keaton par exemple.Un grand moment du cinéma italien… Mais faut pas craindre, c’est « No limit » et bien dans l’esprit des seventies... Ames sensibles s'abstenir.
Sorti en 1976
Ma note: 17/20