Aujourd’hui, je vous propose en toute simplicité trois romans qui m’ont beaucoup plu pour diverses raisons que j’expose ci-dessous.
D’un côté, nous avons une Amérique fictive où beaucoup de personnes ont disparu de la surface de la Terre sans raison aucune. Nous irons ensuite du côté de l’URSS sous l’ère Staline aux côtés de Leo, un jeune soldat du MGB qui enquête sur des meurtres d’enfants. En dernier, vient le récit autobiographique d’un jeune écrivain américain qui cherche des réponses sur le drame qui a frappé sa famille; et un autre qui frappe son pays tout entier.
Les voici:
*Les disparus de Mappleton de Tom Perrotta.
J’ai eu envie de le lire après avoir regardé le pilot de la série, The Leftovers; crée par l’auteur lui-même et un des scénaristes de Lost, Damon Lindelof.
Très vite, les différences s’accumulent entre roman et adaptation: Ben est non pas shérif mais le maire; son père n’est pas tout évoqué ni le comportement étrange des animaux. Quant au prête, il est absent.
Pourtant, la couverture nous » vendait » du fantastique et j’avais espoir d’avoir une réponse au sujet des disparus. Et ben, non. En soi, ce n’est pas vraiment dérangeant car le livre est vraiment bien écrit. Une fois commencé, on a plus envie de le lâcher.
L’homme est au cœur de cet ouvrage; sa capacité ou son incapacité à faire face à quelque chose qui le dépasse aussi. On voit notamment la nature humaine se battre et se débattre tant bien que mal face à l’absence de réponses et face aux disparitions. D’un côté, les jeunes se livrent à toute sorte d’excès: alcool, drogue, sexe…quitte à en être blasé et désabusé. D’un autre, les adultes mènent des combats quotidiens pour tenter de retrouver une vie normale. Et puis, il y a des extrêmes d’une autre sorte: le gourou de l’étreinte réparatrice ou la secte de la main tendue.
Il est étrange de toujours constater en pareille circonstance des groupuscules voir le jour. Chacun veut clamer au monde sa vérité, sa réalité et qu’importe si cela est démontré avec violence et une certain extrémiste.
J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi des gens peuvent y adhérer comme la femme de Ben par exemple. Elle qui pourtant n’a perdu personne mais qui a perdu beaucoup quand même. Il est clair que pour elle, plus rien ne peut et ne doit être avant. Soit mais doit-on arriver où les siens et elle arrivent pour cela? Qu’y a-t-il de juste, de louable dans leur démarche notamment lors du final? Le gourou n’est pas en reste non plus bien qu’il semble avoir un don ou bien n’est-ce qu’un fort pouvoir de persuasion et un certain charisme. Nul ne le sait vraiment.
Le livre ne juge pas pour autant laissant sans doute cette tache au lecteur. L’auteur explore avec finesse ses personnages, leurs forces comme leurs faiblesses. Et, les interroge sur leur place dans ce nouveau monde en les mettant sans cesse au défi. Et nous, comment ferions-nous?
17 SUR 20
*Child 44 de Tom Rob Smith.
J’ai découvert l’existence de ce livre (et plus récemment qu’il s’agissait d’une saga) en même temps que celui du film. D’ailleurs, ce dernier avait l’air très réussi notamment grâce à son casting 5 étoiles: Tom Hardy, Gary Oldman, Noomi Rapace.
Comme souvent, j’ai noté dans un recoin de mon cerveau (section livre à lire) cette œuvre. Je pensais que j’allais l’oublier mais c’était sans compter les hasards livresques de la vie. En effet, alors que je venais rendre mes livres empruntés à la médiathèque, que vois-je sur l’étagère de retour? Child 44 bien entendu; il semblait n’attendre que moi. Je l’ai donc pris sans hésitation aucune.
Outre le fait que ce soit très bien écrit, le fond l’est tout autant. Solide, puissant et très intéressant, dépaysant avec une fin que je n’avais pas vu venir. Il faut dire que l’auteur prend le temps d’installer son récit et ses personnages. Certains diront peut-être que trop mais cette démarche prend tout son sens par la suite. Tout est parfaitement orchestré croyez-moi.
Ce qui m’a le plus frappé en revanche c’est la découverte de l’Union Soviétique sous l’ère stalinienne. Toute l’originalité de ce roman est justement de la redécouvrir sous les yeux d’un jeune soldat du MGB, Léo Demidov. Ce dernier est un brillant soldat, convaincu du bien fondé du régime qu’il sert avec ferveur et brio.
Le crime, la violence n’existent pas contrairement à l’occident qu’il s’y complait. Il n’y a pas de présomption d’innocence tout simplement parce qu’il n’y a que des coupables, des lâches qui ont trahi la nation. Aucun livre n’est brûlé à part ceux qui nuisent et fragilisent le système communiste; et pas de culte de la personnalité pour celui qu’on surnomme pourtant le » guide », le « père des peuples ». Ni famine ni pauvreté ne connait l’URSS.
Bien sûr, nous avons nous lecteurs l’histoire de notre côté; nos cours pour nous démontrer que Staline avait mis en place une dictature. Mais, imaginez un instant que nous étions Léo, élevés nous aussi depuis notre tendre enfance dans l’idée que l’occident est le méchant et la Russie, les gentils. Aurions-nous agi différemment de Léo? Pas sûr.
Dans tout temps, l’histoire nous a prouvé et nous prouve encore que tout peut arriver. Surtout lorsque l’avenir est sombre, qu’on nous propose de nous guider de nous prendre en charge de ne plus être seul et de faire partie d’un tout. Les arguments peuvent être convaincants, on peut être tenté de croire que ceux qui nous représentent sont habités des meilleures intentions. Oui, on peut mais souvent le réveil est brutal.
Léo va en faire l’amère expérience; et peut-être, qu’il n’aurait fallu rien savoir et continuer à faire comme avant. Car, le jeune homme va tout perdre et se rendre compte que toute sa vie n’a été que mensonges, tromperies et violence. A un moment, sa femme lui dit qu’il ne fait jamais rien dont il soit convaincu. Son travail, son mariage, son pays qu’il l’a vu grandi, il y croyait de toutes ses forces. C’était sa vie, ce pour quoi il se levait tous les matins et voilà qu’on lui enlève tout ça. Une grande partie se concentre sur lui et sur ses désillusions personnelles et professionnelles.
Puis, le récit prend une autre direction, une tournure presque policière avec des meurtres d’enfants commis un peu partout en URSS près des chemins de fer. Il semblerait que ce soit l’œuvre d’un tueur en série. A chaque fois qu’il tue, ce dernier met en place des rituels, des rites; qui révèlent toujours un peu plus sur son auteur.
Comme avec Léo et sa femme, le narrateur sait tout permettant ainsi une plongée des plus obscures dans la tête du meurtrier. Ce qu’il ressent lorsqu’il passe à l’acte, sa vie d’homme lorsqu’il ne tue pas et ses stratagèmes pour y parvenir. Le pourquoi viendra beaucoup plus tard.
Child 44 est un livre dense qui à aucun moment n’adopte un genre plus qu’un autre. Drame, thriller, historique s’y mêlent pour notre plus grand plaisir d’autant que les meurtres s’inspirent de faits réels.
18 SUR 20
*Son of Gun de Justin Saint Germain.
Je suis tombée dessus un peu hasard comme d’habitude. Je l’ai pris en pensant qu’il s’agissait de l’œuvre qui avait donné vie au film éponyme avec Erwan McGregor. Finalement, les deux n’ont aucun rapport.
Il s’agit ici d’une œuvre autobiographique, d’un fils en quête de réponses après que sa mère ait été assassiné par son beau-père. Au cours de ma lecture, il m’est arrivé quelquefois d’oublier qu’il s’agissait là d’une histoire vraie. On pourrait s’attendre à du suspens, à une vengeance aussi peut-être. Cependant dans la vie réelle, il est rare de voir nos espérances se réaliser.
Le style de l’auteur m’a rappelé celui de La route: très épuré, brute, sans fioriture. Mais dans un même temps, une grande intensité s’y dégage. En disant peu mais en le disant bien, Justin Saint Germain ( dont c’est le premier livre) arrive à nous entrainer dans son chemin initiatique.
Son of gun comme je le disais à l’instant prend des airs de roman initiatique. L’écrivain, le fils, l’homme et le futur adulte s’y dessinent et s’y confrontent avec une seule question en tête: pourquoi. Son cheminement le conduira sur les traces de sa maman; une maman dont le temps tend à effacer, à corrompre le souvenir ou au contraire à la rendre plus vivace notamment à travers les témoignages de ses anciens compagnons et de sa famille.
Ce qui est évident c’est que cela a forgé, déterminé aussi peut-être son existence. Aurait-il écrit si sa mère était toujours présente? Écrire semble d’ailleurs être un exutoire, une façon d’exorciser ses peurs, ses vieux démons. C’est peut-être une façon de dire adieu, de faire acte de résilience ainsi qu’un souci de rétablir la vérité sans doute aussi.
Au delà de ça et comme le souligne la quatrième de couverture, Justin Saint Germain à travers son histoire montre une fois encore que » L’Amérique n’est pas prête de lâcher ses armes « . Une Amérique où il est certainement plus facile de se procurer une arme qu’un travail. Le titre est d’ailleurs très évocateur; et pointe une évidence – sans disculper son beau père et sa mère – sur le fait que son pays ( et les gens qui le composent) a aussi une responsabilité dans le drame de sa famille.
C’est un livre puissant mettant en scène une famille comme vous et moi et qui pourtant, dérape. Au delà de la sphère intime, familiale, la responsabilité est sans doute aussi collective dans une société américaine dont les paradoxes et les contradictions sont légion.