En respectant quelques règles de base, on peut aboutir à un bon script d’autant que ces règles ont été renforcées et éprouvées au fil des années.
Trois éléments structurels autour duquel s’articule une histoire sont à priori essentiels. La structure principale d’un scénario devrait être bâtie autour du concept de thèse, antithèse et synthèse c’est-à-dire qu’il s’articule autour de trois actes (un milieu, un début et une fin).
D’autres éléments dramatiques comme le conflit et le personnage sont évidemment indispensables pour écrire une bonne histoire. Concernant le personnage, l’auteur en a la responsabilité et il s’agit surtout dans ce cas d’une vision personnelle.
Le concept de thèse, antithèse et synthèse remonte à Hegel. C’est une formule simple qui n’empêche en rien la créativité ou le libre-arbitre de l’auteur.
Définisons-en les termes :
Thèse
La thèse peut être définie dans le cadre qui nous occupe par un personnage qui accomplit une action ou bien une action distincte qui surgit au cours de l’histoire.
Antithèse
Par contraste, l’antithèse se concrétise lorsqu’une action opposée à l’action de la thèse se produit. C’est une réponse dialectique sur le principe de tension et d’oppositon.
Synthèse
Lorsque la thèse et l’antithèse sont combinées, elles élaborent la synthèse. Cette synthèse est la résolution du conflit entre la thèse et l’antithèse, sans égard si le résultat est positif ou négatif.
Ce concept que l’on doit à Hegel a permis aussi de définir la prémisse de l’histoire en la définissant comme une thèse.
A lire à ce sujet :
LA PREMISSE DE VOTRE HISTOIRE SELON LAJOS EGRI
JOHN TRUBY : LA PREMISSE – PART 1
JOHN TRUBY : LA PREMISSE – PART 2
JOHN TRUBY : LA PREMISSE – PART 3
JOHN TRUBY : LA PREMISSE – PART 4
Donnons un exemple de thèse et d’antithèse
La vie est belle (1946) de Frank Capra
Les scènes où George est sur le point de commettre un suicide et la tentative réussie de Clarence pour l’en empêcher sont une illustration de cette méthode dialectique. Dans l’une de ces scènes, George assène son point de vue sur sa mort qui rendrait tout le monde heureux. Mais cette assertion est contestée par Clarence qui affirme avoir été envoyé par Dieu pour le protéger.
Dans une autre scène, cet ange gardien révèle à George (le protagoniste) ce qui se serait passé si George n’avait pas existé. Son frère Harry par exemple serait mort à l’âge de 8 ans parce que George n’aurait pas été là pour le sauver (la scène avec la tombe de Harry).
George n’aurait pas rencontré sa femme et n’aurait pas eu d’enfant mais surtout il n’aurait pas construit de maison pour eux et pour lui-même (information importante puisque l’un des thèmes de La vie est belle est de permettre aux gens modestes de devenir propriétaires que l’on peut d’ailleurs assimiler à un acte de charité des munis envers les démunis).
Dans l’acte final, le conflit entre la thèse (la volonté de George à se suicider) et l’antithèse (Clarence lui montrant comment le monde aurait été s’il n’avait pas été là) est résolue : George prie Dieu de la ramener à la vie réalisant que la vie est belle et s’en retourne auprès de sa famille.
Ainsi, la prémisse de l’histoire est manifeste : La vie est un don qui ne doit pas être rejeté.
Le conflit
Nul doute que le conflit est le cœur de l’histoire. Bien que dans la plupart des scénarios, le conflit externe (le conflit qui résulte de conditions sociales c’est-à-dire d’intérêts contradictoires) est dominant mais une bonne histoire se distingue lorsqu’elle ajoute un conflit interne qui se déroule à l’intérieur du personnage.
On doit admettre qu’en ce qui concerne le conflit externe, la plupart du temps, le protagoniste obtient ce qu’il veut. Mais le chemin de la réussite n’est pas facile. Et si l’auteur ne parsemait pas d’obstacle sur le cheminement du héros dans la quête de son objectif, l’histoire aurait beaucoup moins d’intérêt.
Pour renforcer le conflit, les auteurs utilisent souvent l’astuce dramatique de rendre l’opposant plus fort, plus puissant que le protagoniste sur certaines qualités.
Considérez le Terminator de 1984. Kyle Reese, le personnage principal, est envoyé dans le passé avec pour mission de protéger Sarah Connor. L’obstacle qu’il doit affronter n’est pas humain, cependant, mais un cyborg plus fort, plus rapide et extrêmement difficile à tuer.
Cette technique possède l’avantage de soulever la question dramatique de façon plus aigue : Reese s’en sortira-t-il et est-ce que Sarah survivra ?
Par contraste, considérons Star Wars, épisode III : La Revanche des Sith.
Le personnage principal, Anakin Skywalker, est un Chevalier Jedi dont la femme, Padme Amidala, est enceinte. Une nuit, Anakin fait le cauchemar de Padme mourrant en couches.
Plus tard, Palpatine (l’antagoniste désigné de Anakin) auquel Anakin s’est confié à propos de son cauchemar, lui révèle (et on découvre ici toute la ruse de Palpatine) qu’il existe un pouvoir qui défie la mort mais qu’un Chevalier Jedi ne peut l’apprendre. Le seul moyen de se servir de ce pouvoir est de s’engager du côté obscur de la Force.
A partir de cette révélation, la lutte que se livre Anakin avec lui-même atteint une nouvelle profondeur.
Un dilemme moral s’impose à lui : sauver sa femme d’une mort certaine en se livrant corps et âme au côté obscur OU rester fidèle aux Jedi mais, comme il le craint, perdre Padme.
Cette peur qui sourde dans l’esprit de Anakin est très bien illustrée par une scène où le jeune Anakin Skywalker est assis, seul, dans la Chambre du Conseil du Temple Jedi pensant à sa femme et Padme, dans son appartement, regardant probablement vers le Temple Jedi.
Anakin est en pleine confusion, regardant fixement vers l’extérieur, alors que se fait entendre la voix de Palpatine :
You do know, don’t you, if the Jedi destroy me, any chance of saving her will be lost
Tu le sais, n’est-ce pas, si je suis détruit par l’Ordre Jedi, toute chance de la sauver sera perdue
A ce moment, des larmes coulent sur le visage de Anakin. Il est évident qu’il ne peut laisser mourir sa femme. Lorsqu’il quitte le Temple, on pourrait penser que son conflit intérieur a pris fin mais ce sera loin d’être le cas.
Vous noterez que les définitions de thèse et d’antithèse fonctionnent aussi avec la nature conflictuelle des relations mais aussi avec la mise en place du dilemme.
Le protagoniste
Le protagoniste n’est pas seulement une fonction dramatique. Comme vous l’avez compris avec l’exemple de Anakin Skywalker, le protagoniste doit aussi posséder une dimension conflictuelle interne.
La création d’un tel personnage implique que l’auteur l’est déjà rencontré intimement. Une connaissance virtuelle de son personnage (sa propre création, en fin de compte) est indispensable pour découvrir ce qui ne va pas avec lui et le retranscrire ensuite sur le papier sous la forme de conflits personnels, intimes.
Syd Field préconise de répondre au moins à trois questions :
- C’est l’histoire de qui ?
- Qui est le personnage principal ?
- Que veut-il ?
C’est une base fondamentale pour donner de la substance à votre personnage, lui donner une existence crédible.
Cependant, il faudra vraiment approfondir les niveaux de conflits internes et ne pas se contenter d’un petit conflit superficiel. Vous noterez aussi que les problèmes personnels du personnage interfèrent non seulement avec son bien-être mais aussi dans ses relations aux autres. Les conflits interpersonnels ont souvent une origine bien enfouie au cœur même des personnages.
L’idéal serait de montrer les deux types de conflits : personnel et interpersonnel. Il est prudent alors de ne pas trop complexifier les deux types de relation au risque de créer de la confusion (nécessairement frustrante) chez le lecteur.
Retournons auprès de Anakin Skywalker au cours de La Revanche des Sith. Plusieurs niveaux de conflit sont à l’œuvre chez Anakin même après qu’il se soit tourné vers la Force obscure.
Resituons un peu la scène qui va nous servir de démonstration. Mace Windu sait maintenant que le Seigneur Noir des Sith, Dark Sidious, n’est autre que le Chancelier Palpatine. Le Chancelier et Mace Windu se battent et Windu est sur le point de terrasser le Chancelier. C’est à ce moment que Anakin pénètre dans le hall.
Le Chancelier est à terre près d’une fenêtre brisée. Mace Windu est sur le point d’en finir avec lui.
Le but de cet exemple est de démontrer qu’une action extérieure peut être liée au conflit interne d’un personnage. Le conflit externe (entre Palpatine et Mace Windu) crée chez Anakin le conflit interne.
Le processus conflictuel se lance lorsque Palpatine prononce à l’attention de Anakin : C’est un traître ! et que Mace Windu réplique le même argument.
L’expression faciale dont témoigne Anakin reflète l’extrême confusion qui s’opère en lui : qui doit-il croire ?
Palpatine essaie de le convaincre en lui promettant qu’il peut l’aider à sauver sa femme d’une mort annoncée. Windu lui affirme que ce n’est qu’un mensonge pour tenter de rallier Anakin à la cause de Palpatine.
Anakin essaya de plaider la cause du Chancelier d’abord en prétextant qu’il lui fallait un procès régulier conforme aux canons de l’Ordre Jedi et puis plus sincèrement qu’il avait besoin de lui pour sauver Padme.
Windu ne voulut pas se ranger du côté des arguments de Anakin forçant celui-ci à intervenir et Palpatine en profitant pour tuer Mace Windu.
Se masquant les yeux pour ne pas être blessé par la puissance des éclairs de Palpatine, on peut en déduire qu’à ce moment précis, la collision des sentiments chez Anakin est à son extrême.
Pour le spectateur, il est évident que Palpatine est le méchant de l’histoire et qu’il ne doit pas être cru mais pour le jeune Skywalker, cette distinction est impossible. C’est une forme d’ironie dramatique dans laquelle le spectateur est au fait des informations mais le personnage n’a pas encore toutes les données pour porter un jugement correct.
Bien sûr, un sentiment de regret émerge chez Anakin que Palpatine se charge bien vite de contenir. Ce qu’il faut retenir est que les sentiments qui taraudent Anakin sont ce qui le rend si humain et si attachant et que cette dimension interne chez un personnage doit toujours être recherchée par l’auteur.