Genre : drame, inclassable
Année : 2013
Durée : 2h10
Synopsis : Le film est un exercice d’autobiographie imaginaire. Né au Chili en 1929, dans la petite ville de Tocopilla, où le film a été tourné, Alejandro Jodorowsky fut confronté à une éducation très dure et violente, au sein d’une famille déracinée. Bien que les faits et les personnages soient réels, la fiction dépasse la réalité dans un univers poétique où le réalisateur réinvente sa famille et notamment le parcours de son père jusqu’à la rédemption, réconciliation d’un homme et de son enfance.
La critique :
Alejandro Jodorowsky ou un nom qui rime avec l'Art, la Culture, le mime, la poésie, le cinéma, la bande dessinée et surtout le mouvement "Panique", un groupe actionniste et surréaliste qu'il crée avec Roland Topor et Fernando Arrabal. Sa carrière cinématographique débute en 1957 avec un court-métrage muet, La Cravate, qui s'apparente davantage à une dramaturgie à consonance ésotérique.
Dix ans plus tard, Jodorowsky réalise son tout premier film, Fando et Lis. Déjà, le cinéaste se fait remarquer par son style à la fois fantasque, virulent et inénarrable. Un style qu'il peaufine et affine en 1970 avec El Topo, un western métaphysique qui marque durablement les esprits. Alejandro Jodorowsky vient d'inventer un nouveau style de cinéma : le Midnight Movie. Les fans jubilent et se ruent dans les petites salles de cinéma de New-York.
Ils assistent béats à des scènes à la fois violentes, sanglantes et extravagantes. El Topo devient la nouvelle référence du mouvement hippie et artistique des années 1970. Le film est louangé par plusieurs artistes notoires, notamment John Lennon et Andy Warhol. Trois ans plus tard, Jodorowsky réalise La Montagne Sacrée, un film totalement incompris à l'époque et victime de la censure.
Le long-métrage sort dans l'indifférence générale pour ensuite s'octroyer le statut de film culte avec les décennies. Peu à peu, Jodorowsky renonce au succès et aux nombreuses propositions de producteurs mercantiles. Le réalisateur s'éloigne du cinéma. Parallèlement, sa vision du Septième Art se transmute en une sorte de psychothérapie familiale. Une tendance qu'il confirme avec Santa Sangre (1989), son film le plus tiraillé et le plus personnel...
Après Le Voleur d'Arc-En-Ciel (1990), Jodorowsky disparaît totalement de la planète cinéma. Certes, certaines allégations et rumeurs évoquent furtivement un retour possible derrière la caméra. Silence de l'intéressé... Puis, dans les années 2000, "Jodo" annonce une suite à El Topo. Hélas, faute de financement, le projet avorte. Même remarque concernant le projet "King Shot" pourtant coproduit par David Lynch. Là aussi, le projet débouche sur une impasse.
Qu'à cela ne tienne, en 2012, Alejandro Jodorowsky annonce son grand retour derrière la caméra. Ce sera La Danza de la Realidad, sorti en 2013, dont le tounage se déroule à Tocopilla, la ville de son enfance. Le film est donc le résultat de longues tergiversations et de divers atermoiements au fil des décennies. Reste à savoir si "Jodo" a conservé sa fougue du passé.
Désormais, l'artiste magnanime est âgé de 84 ans (au moment de la sortie du film...). Parallèlement, La Danza de la Realidad obtient les faveurs de la presse et de la critique cinéma. Le long-métrage fait partie de la sélection de La Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes 2013. La distribution du film réunit Brontis Jodorowsky, Pamela Flores, Jeremias Herskovits, Axel Jodorowsky et Adan Jodorowky. Après Santa Sangre, la famille "Jodo" se retrouve à nouveau sous les feux des projecteurs.
Tout sauf un hasard. Attention, SPOILERS ! "M'étant séparé de mon moi illusoire, j'ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie." Cette phrase définit parfaitement le projet biographique d'Alexandro Jodorowsky : restituer l'incroyable aventure et quête que fut sa vie.
Le film est un exercice d’autobiographie imaginaire. Né au Chili en 1929, dans la petite ville de Tocopilla, où le film a été tourné, Alejandro Jodorowsky fut confronté à une éducation très dure et violente, au sein d’une famille déracinée. Bien que les faits et les personnages soient réels, la fiction dépasse la réalité dans un univers poétique où le réalisateur réinvente sa famille et notamment le parcours de son père jusqu’à la rédemption, réconciliation d’un homme et de son enfance.
La Danza de la Realidad marque donc le grand retour de "Jodo" derrière la caméra après 23 années d'absence. Une chimère ? La fougue et la virulence de l'auguste réalisateur se sont-elles estompées avec les décennies ? Dès les premières images, la réponse est heureusement négative.
Alejandro Jodorowsky n'est pas seulement un pantomime, un artiste et un cinéaste de génie. L'homme est également un illusionniste. La Danza de la Realidad serait un biopic sur l'enfance de "Jodo" à Tocopilla, une ville du Chili, située dans la région d'Antofagasta. Là aussi une chimère pour mieux farder une autre entité familiale : la figure patriarcale. L'enfant Jodorowsky est prestement évincé par un père despotique et furibond, à la fois juif et grand amoureux de la figure stalinienne.
Plus que jamais, le cinéma de "Jodo" est intimement relié à celui de Tod Browning (Freaks, la monstrueuse parade) avec son lot de gueux et de saltimbanques lourdement handicapés et tuméfiés par une vie chaotique. Alors que le jeune "Jodo" se trouve au bord d'un précipice, il est rattrapé par lui-même, par son propre "Moi", à savoir un "Jodo" au visage chenu, stoïque et flegmatique en toute circonstance.
"Faire de ses chagrins une force" clame péremptoire Alejandro à lui-même. De cette enfance sur les plages, parsemée par les chants dissonants d'une mère un peu trop protectrice et les coups assénés par un père acariâtre, "Jodo" garde des souvenirs et des cicatrices indélébiles, celles qui font grandir. Inexorablement. Transformé malgré lui en femme avec sa chevelure blonde et hirsute, le jeune "Jodo" subit les foudres et les acrimonies de son patriarche.
Puis, au fil des minutes, le script s'affine. Contre toute attente, le père, interprété par Brontis Jodorowsky, s'humanise au contact d'un cheval majestueux et aux couleurs d'albâtre. Ici, chaque personnage se désincarne, meurt, renaît, commet des actes symboliques pour se dédouaner de ses propres erreurs. Le but ? Vaincre le trauma, surmonter ses propres peurs, transformer ses faiblesses en une force inexpugnable. Tel est le secret de la vie, et plus largement de la psycho-magie.
A défaut d'égaler le magistral Santa Sangre, La Danza de la Realidad propose à nouveau un périple initiatique dans l'enfance de Jodorowsky. Forcément indispensable !
Note : 16/20
Alice In Oliver