Ce vendredi 26 février 2016, nous avons pu assister à l’avant-première de Dieumerci !, qui sortira le 9 mars 2016, en présence du réalisateur et acteur Lucien Jean-Baptiste et de l’acteur Baptiste Lecaplain. Les deux compères, disponibles et sincères, ont répondu aux questions du public avec beaucoup d’humour, en éclairant leur démarche d’un vrai discours construit. De notre côté, nous avons été séduits par cette fable sur les rêves de gosses et le monde du show-biz traversé par de nombreuses problématiques toujours évoquées avec tendresse.
Dieumerci (Lucien Jean-Baptiste), 44 ans vient de sortir de prison. Pour changer de vie et réaliser ses rêves de gosses, il s’inscrit dans une boite d’intérim pour se payer les Cours Ventura dans l’optique de participer à un concours de jeunes talents. Son prof, Marc (Olivier Sitruk que l’on a vu dans 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi) lui propose de faire un binôme avec Clément (Baptiste Lecaplain), 22 ans, un jeune imbu de lui-même.
Dieumerci (Lucien Jean-Baptiste) et Clément (Baptiste Lecaplain)
Lucien Jean-Baptiste est de ces artistes complets qui occupe tous les postes, scénaristes, acteurs et réalisateur dans chacun de leur long-métrage. Pour nous, cela a toujours été un plus. C’est la maîtrise du récit qui est assuré et l’émotion qui effleure pourvu que l’homme est l’âme d’un poète. Il faut dire que Dieumerci ! que l’on présentait comme une comédie est construite comme un drame dont la trame révèle peu à peu le meilleur côté de tous ses personnages. Ou quasiment, seul un patron d’intérim véreux ne trouve pas grâce aux yeux de Jean-Baptiste. Mais de la prison aux chantiers, des chantiers à l’école de comédie, c’est l’espoir qui transpire par tous les pores d’une réalité pourtant bien âpre. D’après le réalisateur lui-même, bien qu’il fut inspiré d’un scénario original de Grégory Boutboul originellement appelé Intérim, Dieumerci ! revêt un fort caractère autobiographique. Très touchant, il a évoqué avec beaucoup de pudeur la perte d’un enfant, une période d’alcoolisme, le racisme ordinaire et le jeunisme idiot du directeur d’un cour de comédie célèbre, l’exploitation presque légale des intérimaires, l’embourgeoisement d’une profession dont les formations sont excessivement chères et surtout les difficultés pour monter un film sans vedettes. Mais il a aussi appuyé sur la liberté que l’on retrouve avec un budget moindre mais libéré des financiers. Les deux collègues nous ont expliqués comment on avait refusé de financer le film car Jean-Baptiste voulait rester fidèle à sa troupe d’acteur fétiche. Car Lucien Jean-Baptiste, s’il réalise avec Dieumerci !, une véritable déclaration d’amour au théâtre classique, en vit surtout l’esprit dans sa carrière. À l’image d’un Robert Guédiguian, il s’entoure d’une troupe fidèle et cela se sent dans ces films. Il y a cette complicité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. On retrouve donc Firmine Richard, Edouard Montoute, Michel Jonasz ou encore Jacques Frantz. Marie-Thérèse (Firmine Richard)
Dieumerci ! revêt donc plusieurs aspects. C’est avant tout un conte moderne décrivant les vicissitudes de la vie avec justesse sans pour autant les considérer comme des fatalités. D’un côté, Dieumerci n’a pas le bagage pour devenir acteur, il n’a jamais suivi de cour et veut seulement suivre son rêve de gosse. Il est aussi là pour rappeler que rien n’est acquis définitivement. Son personnage est passé du statut d’entrepreneur à celui d’intérimaire par les hasards désastreux de l’existence. Dans notre petit confort quotidien de la classe moyenne, nous oublions souvent la précarité de notre statut social. A contrario, Clément est né avec une cuillère en or dans la bouche. Il a cette condescendance malsaine et cette impression de le mériter qui imprègne les parvenus mal éduqués. C’est toutefois l’occasion de montrer que l’héritage ne fait pas tout, surtout lorsqu’il est question de culture et de talent, et non de portefeuille d’actions. En plongeant son personnage dans la précarité, il révèle en lui, une bonté qui finit par le rendre sympathique pourvu que l’on ne s’arrête pas au vernis des apparences sociales. Clément, c’est un petit con au grand cœur qu’on finit par aimer. Brigitte (Delphine Théodore), secrétaire du Cour Ventura, est quant à elle, un exemple de vertu et de solidarité prolétaire sans même qu’elle en ait conscience. Son personnage pétillant oscille entre folie douce et tristesse amère, et nous oscillons avec elle. Dieumerci ! est aussi, par bien des aspects, une comédie. L’essentiel du ressort comique repose sur la dichotomie entre Dieumerci et Clément, ce dernier se révélant un colocataire invivable. Une galerie de personnages hilarant agrémente l’ambiance. On compte parmi eux, un tenancier indien d’un hôtel de passe de la Goutte d’or, Jawad (Oudesh Rughooputh) et Mama Sénégal, la dominatrice voisine de Dieumerci que l’on voit sortir de chez elle avec des cols blancs à la cravate retournée. Il faut dire que Lucien Jean-Baptiste a trouvé un équilibre parfait entre comédie, en petites touches, et drame social qui fait de Dieumerci ! une œuvre à la fois drôle, sensible et intelligente. Le dernier aspect absolument essentiel de l’oeuvre est bien sur son rapport au théâtre. Dieumerci ! est l’occasion, pour les novices, de s’initier à la beauté transcendante de Racine et de Shakespeare. Le dernier acte de Dieumerci ! est une véritable ode amoureuse à l’art de la Comédie.
Dieumerci (Lucien Jean-Baptiste) et Clément (Baptiste Lecaplain)
Se concluant sur La quête de Jacques Brel, qui à elle seule suffit à faire monter les larmes aux yeux au plus endurci des fan de Maître Gims, Dieumerci ! a conquis la salle par son histoire universelle et sa poésie immanente. La chanson évoque toute l’essence du film. Il s’agit d’atteindre l’inaccessible étoile. On ne peut que vous conseillez d’emmener tous vos amis le voir à sa sortie.
Boeringer Rémy
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